mercredi 2 avril 2014

Le digital : levier d’une nouvelle ère culinaire

Depuis quelques années, l’intérêt que les individus portent à la cuisine connaît un essor spectaculaire. Mais derrière cet engouement culinaire, c’est le rapport à la nourriture lui-même et les comportements alimentaires qui ont changé et qui continuent d’évoluer. Plus question de « malbouffe » et de régimes ultra-privatifs : place à la démocratisation de la gastronomie et à de nouvelles exigences de qualité et de plaisir. Les marques alimentaires ont ainsi dû s’adapter à cette nouvelle ère culinaire, notamment grâce au digital, dont il est devenu le terrain privilégié.

L’accélération de nos rythmes de vie a modifié nos habitudes alimentaires. Le temps passé à cuisiner a diminué et l’obésité n’a cessé de croître depuis 30 ans pour atteindre des seuils inquiétants. La sous-traitance des industries alimentaires, de plus en plus développée, ainsi que les scandales sanitaires, parmi lesquels celui de la vache folle et du poulet à la dioxine dans les années 90, ont participé à l’émergence d’une certaine défiance envers les industries alimentaires. Autant d’éléments qui ont généré un climat de préoccupation et d’inquiétude autour de l’alimentation. Ce rapport anxieux à la nourriture, générateur de frustrations et de privations, a engendré une prise de conscience des individus, qui ont commencé à vouloir se renseigner davantage sur l’origine et la qualité des produits qu’ils consommaient. La reconsidération de la nourriture a continué son évolution jusqu’au véritable « culte de l’assiette » que nous connaissons aujourd’hui : à l’heure où alimentation doit rimer avec plaisir et qualité et où les marques d’alimentation (restauration ou grande consommation) doivent répondre aux nouvelles exigences des consommateurs.
Le digital est au coeur de ces nouvelles logiques et peut s’avérer être un outil précieux pour les marques, notamment pour rassurer les consommateurs inquiets. C’est ainsi que les marques Saupiquet et John West, ont créé des dispositifs de traçabilité de leurs poissons sur leurs sites internet respectifs. John West intitule ainsi son service «Discover the story behind your can». Comme pour le dispositif de Saupiquet, l’internaute n’a qu’à renseigner le code produit de la conserve pour découvrir l’origine du poisson. McDonald’s Australie a mis en place un procédé similaire avec « Track my macca’s », un service qui permettait aux consommateurs de connaître la provenance de la viande ou du poisson de leurs burgers, en scannant leur emballage. McDonald’s Canada a également joué le jeu avec sa plateforme interactive « Our food. Your questions. » qui permet aux consommateurs de poser toutes leurs questions sur la fabrication des produits de la marque, là encore dans un souci de transparence.
Le e-commerce, de plus en plus ancré dans les mœurs s’est lui aussi adapté à ces nouvelles attentes des consommateurs. C’est le cas de mon-marché.fr, un site de e-commerce dont les produits en vente viennent directement des grossistes de Rungis et sont livrés dès le lendemain de la commande. Des vidéos sont également disponibles sur le site pour découvrir les producteurs et leurs produits. Une manière de reconstituer un marché authentique, en ligne, avec des commerçants de proximité tout en bénéficiant de la praticité du e-commerce. Cette tendance « locavore » est également à l’origine du site monpotager.com qui propose aux citadins de louer une parcelle de potager cultivée par un agriculteur, et d’être livré chez soi. Grâce à un système de notifications, les internautes peuvent suivre l’évolution des cultures et recevoir des photos de leurs plantations.
Mais le e-commerce est également une manière de choisir ses produits dans des condition parfois plus optimales qu’en magasin ou en restaurant où l’on ne sait bien souvent pas que choisir.
Un insight dont s’est servi Marmiton qui a placé des bornes interactives de recettes de cuisine dans des supermarchés pour donner un petit coup de pouce aux acheteurs en mal d’imagination. Le géant de la distribution britannique Tesco a également exploité cette idée sur son site internet RealFood où l’internaute peut planifier ses menus de la semaine grâce à des suggestions de recettes. Son choix fait, il peut pour chaque menu, acheter les ingrédients en ligne. Une initiative judicieuse en période de crise où les dépenses inutiles et le gaspillage sont passés au crible. Mis en ligne en 2013, le site accompagne le repositionnement de la marque sur le goût et le plaisir avec sa nouvelle signature « Love every mouthful ». Le distributeur surfe ainsi sur l’engouement pour la cuisine et le « do it yourself ». D’autres marques ou start-up proposent des services similaires, comme le site gratuit wecook.fr qui fait des propositions de menus pour la semaine, adaptés aux goûts et aux besoins energétiques de l’internaute, le temps qu’il veut passer à cuisiner, et le nombre de personnes à table (renseignés au préalable). La marque de margarine Flora a elle aussi réussi à se distinguer avec une application web originale. Grâce à « Handy » l’internaute peut visionner des tutorats de recettes trouvées sur youtube, et mettre sur pause ou revenir en arrière d’un simple mouvement de la main, ce qui lui évite de salir écran ou clavier. Une utilisation intelligente du digital pour répondre à un insight universel auquel la start-up Cook a elle aussi tenté de répondre avec sa tablette ultra-résistante aux chocs et aux liquides, et qui sous forme de livre de cuisine numérique permet de réaliser ses recettes en toute sérénité.
Si l’intérêt pour la cuisine vient notamment de la volonté de maîtriser davantage son alimentation (et son porte-monnaie), il n’a échappé à personne que le phénomène est devenu une véritable mode ces dernières années. Sur les réseaux sociaux notamment, le « Food » est le troisième sujet de conversation. 50% des contenus de Pinterest sont ainsi liés à la cuisine ou à la nourriture tandis que l’on recense 1,6 millions de posts sur le hashtag #nomnom (miam miam en français)… Comment expliquer un tel succès ? Assez simplement : la nourriture est un sujet intime, parler de son alimentation, c’est parler de soi. Partager la photographie d’une salade de fruits ou d’une assiette de légumes super « healthy » n’a pas le même sens que de poster la photo d’un confit de canard.
1. Food
Des mécaniques très simples de valorisation de soi se cachent en réalité derrière ces « selfies » alimentaires. Savoir cuisiner est socialement valorisant, c’est une performance. Photographier son gratin de légumes fait maison, c’est avant tout immortaliser un bon moment, mais c’est aussi vouloir partager quelque chose dont on est fier ! Il n’y a plus de complexe à être gourmand, bien au contraire, « la bonne bouffe » est (re)devenue un réel vecteur de convivialité, une activité liée davantage au plaisir et à la détente qu’une corvée ménagère. Le réseau social Pinterest semble être au cœur de cet engouement : véritable carnet de tendances, il est devenu très rapidement un recueil de recettes digital et collaboratif. Et si la qualité et l’origine des produits sont primordiales, l’image elle aussi compte énormément, autant que le plat en réalité… L’esthétique de ces photographies est très importante, car c’est elle qui illustre le plaisir. Les plats ou aliments doivent avoir l’air les plus appétissants possibles : avec les smartphones devenus surpuissants et grâce à des filtres, des couleurs vives et saturées, des gros plans… On peut d’ailleurs observer l’apparition de réglages « nourriture » sur les nouveaux appareils photo numérique. Cette nouvelle ère culinaire fait donc place neuve aux amateurs et aux passionnés. Plus forcément besoin d’être un chef étoilé pour savoir cuisiner, ni d’aller à la Tour d’Argent pour bien manger, place aux néo-bistrots et au street food gastronomique ! Les émissions de télévision comme Top-Chef ou Master-Chef aux très grands succès d’audience ont ouvert la voie, suivies de très près par des milliers de blogs de cuisine et de très nombreuses applications mobiles. La transmission des recettes de mère en fille, c’est fini (ou presque) : pour apprendre à cuisiner aujourd’hui, il suffit d’avoir internet.
De véritables communautés de gastronomes amateurs se sont créées sur le web. Les plateformes Yelp et Food Reporter sont sans doute les plus populaires à ce jour : nouveaux systèmes en ligne de critiques culinaire, qui au même titre qu’Instagram ou Pinterest,  représentent désormais un réel pouvoir de recommandation. Le restaurant new-yorkais Comodo a ainsi joué le jeu en proposant une carte des menus… sur Instagram. Grâce au hashtag #Comodmenu, les photos des clients se transforment en carte du restaurant pour mettre l’eau à la bouche des clients suivants. Une initiative intéressante qui permet au restaurant de s’inviter sur les réseaux sociaux en laissant la parole aux internautes sur le sujet qui les intéresse réellement : ce qui se trouve dans leurs assiettes. En effet, pour s’intégrer à ce nouveau paysage des médias sociaux, les marques doivent parfois apprendre à s’oublier un peu pour laisser parler leurs produits.
Le digital, par sa capacité à créer de la transparence, de l’utilité et à faciliter les échanges entre communautés d’intérêt, est un véritable allié des marques alimentaires pour recruter et fidéliser des consommateurs en quête de confiance, de service et de plaisir.

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