lundi 9 juin 2014

Protocole Bop 2.0, de la base de la pyramide au sommet

Le modèle BoP pour « Bottom of the Pyramid » inventé en 2004 par un professeur d’économie américain présente la population mondiale comme une pyramide pour laquelle on retrouve à la base les 4 milliards d’individus vivant avec moins de 2 $ par jour, et au sommet, les plus riches parmi lesquels quelques multinationales qui dirigent et décident de l’accès à l’eau, à l’énergie, à la santé, etc. Selon l’auteur, il est nécessaire de changer son point de vue sur la pauvreté car la base de la pyramide présente un potentiel économique considérable.

La base de la pyramide économique

Qui forme ce qu’on appelle la base de la pyramide économique ? Elle rassemble les 4 milliards d’individus dans le monde qui vivent avec moins de 2 dollars par jour, soit plus de la moitié de la population mondiale. Cette partie majeure de la population vivant dans la pauvreté ne doit plus être perçue comme une victime : à la base de la pyramide, se trouvent des entrepreneursmais aussi des consommateurs conscients des valeurs.
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C’est de ce point de vue que découle le concept de BoP pour Base Of the Pyramid. Les pauvres qui constituent la base de la pyramide doivent être perçus comme moteur de l’économie mondiale.

Nous sommes en effet tous conscients des échecs des modèles traditionnels de l’économie de marché ou de l’aide au développement. Le concept BoP suggère de changer notre manière de voir les choses.

C.K. Prahalad, « The Fortune at the Bottom of the Pyramid »

Prahalad était un physicien indien spécialiste en management et en économie. Son travail a principalement porté sur le rôle et la valeur ajoutée des hauts dirigeants des entreprises multinationales. Le Times l’a classé en 2007 et en 2009 premier parmi les 50 penseurs les plus influents en matière de « Business ».
The-fortune-at-the-bottom-of-the-pyramidLe co-auteur avec Stuart Hart de l’article « the Fortune at the bottom of the pyramid » puis du livre du même nom s’intéressait particulièrement à l’impact de la globalisation sur les pays émergents et leurs populations les plus pauvres. C’est de cette façon qu’il est devenu l’un des promoteurs du concept de BoP.
La manière de considérer les 4 milliards d’individus vivant avec moins de 2$ doit changer : ils ne doivent pas être vus comme un fardeau mais plutôt comme un marché porteurpour lequel les entreprises peuvent proposer des produits adaptés. Cette théorie et les pratiques qui s’en inspirent visent ainsi à assurer à un meilleur prix des services de meilleure qualité. En contrepartie, compte tenu de sa taille, le marché représente des opportunités économiques considérables pour les multinationales.
Ainsi, d’après la théorie BoP, les entreprises font unegrossière erreur en se contentant de s’adresser uniquement aux 800 millions de personnes les plus riches dans le monde. L’erreur est non seulement stratégique parce qu’elles ignorent la part la plus importante, en nombre, de consommateurs potentiels. Elle est aussi éthique puisqu’elle contribue à accroître la pauvreté dans le monde.
Ce que le concept BoP veut démontrer c’est que la pauvreté n’enlève en rien les besoins de consommation.

En ciblant les populations les plus pauvres, les entreprises contribueraient à réduire la pauvreté et par là même les inégalités Nord-Sud et s’offriraient dans le même temps leur plus importantes opportunités économiques !

Le modèle n’est donc pas philantropique puisque s’implanter sur ces marchés pauvres peut s’avérer être très rentable pour l’entreprise.

Les 12 principes d’innovation

Prahalad fournit 12 principes de base permettant de créer des produits et des services adaptés au marché constitué par la base de la pyramide :
  1. Cibler sur la performance des prix.
  2. Développer des solutions hybrides, mélangeant technologie ancienne et nouvelle.
  3. Mener des opérations graduées et transposables à travers les pays, les cultures et les langues.
  4. Développer des produits écologiques pour préserver les ressources
  5. Réinventer totalement les produits et ne pas se contenter d’adapter des produits occidentaux déjà existants
  6. Construire des infrastructures pour la logistique et la fabrication.
  7. Déqualifier le travail
  8. Apprendre aux clients à utiliser les produits
  9. Concevoir des produits pouvant fonctionner dans des environnements hostiles : bruit, poussière, mauvaises conditions d’hygiène, coupures électriques, pollution de l’eau…
  10. Concevoir des interfaces utilisateur adaptées
  11. Penser des méthodes de distribution pour atteindre les marchés ruraux fortement dispersés et les marchés urbains à haute densité.
  12. Se concentrer sur une architecture large, facilitant l’incorporation rapide de nouveaux dispositifs.
La première version BoP a été un échec. Les entreprises n’ont pas du tout respecté l’un des principes de base édicté par Prahalad. Elles se sont mises à s’implanter dans les pays pauvressans tenir compte des spécificités des marchés. Ainsi des entreprises comme Nike avec sa « World Shoe » ou Procter et Gamble avec « PuR », le purificateur d’eau, ont tenté d’entrer rapidement sur ces marchés émergents et s’y sont cassé les dents.
Une nouvelle version du protocole BoP, baptisée BoP 2.0 donc, prend en compte lescaractéristiques sociales et locales des nouveaux marchés. BoP 2.0 cherche à construire des partenariats en co-créant des business en éliminant totalement l’approche « top-down » à l’origine des échecs de la première version.
Stuart Hart, l’autre nom du concept BoP donne plusieurs exemples de stratégies « malheureuses » qui ont signé l’échec de la première version du BoP en préambule du « Protocole BOP 2.0 », traduit en français par l’IIES (Institut de l’Innovation et de l’Entrepreneuriat Social) de l’ESSEC.
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« La tentative avortée de Nike de créer une chaussure de sport mondiale pour les marchés des personnes à faibles revenus, ou encore les sachets unidose de savons, shampoings et crèmes de Unilever, n’ont visé qu’à entrer rapidement sur un nouveau marché. Proposer des produits de l’entreprise, qu’ils soient reformulés ou reconditionnés, vers les bidonvilles et les populations pauvres, peut augmenter les ventes à court terme. Mais à long terme ces stratégies ne peuvent qu’échouer car les business restent étrangers à la communauté qu’ils sont supposée servir ».
picto-etonnant-exclamationHart et Prahalad sont clairs : il ne suffit pas de proposer les mêmes produits aux 4 milliards individus les plus pauvres de la planète que ceux que l’on conçoit pour les 800 millions les plus riches. De simples modifications ou adaptations ne suffisent pas.
Pour atteindre ce marché spécifique, il faut des produits spécifiques. Il faut savoir innover en ayant recours à des données qu’on laissait jusqu’à présent de côté. Ceci passe par l’implication inévitable de ces populations qui elles, connaissent leurs besoins. Il faut alors intégrer la société civile dans les réflexions et faire appel à d’autres savoirs comme ceux offerts par l‘anthropologie économique – science qui étudie les dispositifs mis en oeuvre par les sociétés humaines afin de produire et échanger les biens matériels nécessaires à leur consommation et à leur reproduction en tant que groupes (1) – et les politiques de développement.
Pour qu’il y ait succès, l’entreprise doit savoir co-créer et inclure le point de vue des populations ciblées dans ses projets.
Source: http://goo.gl/dDaxJa

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