lundi 14 janvier 2013

Gaspillage alimentaire. Quelles solutions?


Le gaspillage est unvéritable fléau. Et en cette période de surconsommation, les choses nes'arrangent pas. Pourtant, des solutions existent. À l'invitation de laCLCV, plusieurs acteurs du secteur alimentaire ontplanché surlaquestion.
À l'occasion de la Semaine européenne de réduction des déchets, l'association CLCV (Consommation, logement etcadre de vie) avait organisé un débat public sur le thème du gaspillage alimentaire. Des intervenants travaillant àdifférents niveaux dans le secteur alimentaire avaient répondu présent à l'invitation etétaient venus enrichir le débat de leur expérience en la matière. 

Achats de masse et publicité néfaste 

«Ça fait plusieurs mois que nous nous intéressons au sujet, explique Philippe Gestin, permanent juridique et environnemental àlaCLCV. Depuis les années60, l'apparition des achats en masse et le développement de la publicité accentuent le gaspillage alimentaire. On a cherché à répondre à plusieurs questions: qui? Quand? Où? Et surtout pourquoi?». Nul besoin, en effet, d'être un militant écologique pour être stupéfié devant tout ce qui finit dans nos poubelles. «Legâchis alimentaire atteint des chiffres qui font peur et ce constat s'établit à tous les niveaux: au niveau de la production agricole, de la transformation et de la distribution, mais aussi au niveau du consommateur. En France, chaque individu jette, en moyenne, 20kg dedéchets alimentaires par an. Multipliez par 60millions, ajoutez les produits perdus lors des récoltes, non vendus par les agricultures, non vendus par la grande distribution, le résultat donne le vertige! C'est à l'ensemble de ces acteurs de prendre conscience des conséquences de leurs actions et de s'inscrire dans cette lutte contre le gaspillage». 

Contraintes strictes et normes esthétiques 

«Il était essentiel pour nous de réunir des représentants de tous les secteurs, pour bien comprendre le gaspillage àtous les niveaux et élargir le débat au maximum». Six structures différentes avaient donc été invitées à venir s'exprimer: l'enseigne de la grande distribution Leclerc de Landerneau, la société Sodexo, la Banque alimentaire, la Civam (syndicat des agriculteurs), l'association Zéro Gâchis et Brest Métropole Océane (BMO). «En les écoutant, nous nous sommes rendu compte que chacun de ces acteurs était soumis à des contraintes souvent strictes, qui favorisent le gaspillage. Dessolutions doivent exister, on peut récupérer des produits, changer les normes esthétiques de vente, transformer les produits ne correspondant pas aux attentes des consommateurs... Les habitudes des particuliers commencent à changer depuis quelques années et ces préoccupations font de plus en plus partie du quotidien des citoyens. L'ensemble du secteur doit aussi aider la société à aller dans ce sens».

«Nous devons vendre utile»

Olivier Bordais, directeur du Centre E.Leclerc de Landerneau: «Entravaillant dans la grande distribution, j'ai pu faire un constat: on jette énormément, principalement les fruits et légumes, qui représentent 60% des 60tonnes de déchets produites par an par mon magasin. Mon objectif: diminuer ces déchets par deux d'ici deuxans. Nous essayons de mettre en place des initiatives, par exemple en travaillant avec l'association Zéro gâchis (lireci-dessous). On a aussi le projet d'embaucher quelqu'un pour servir les fruits et légumes, éviter que les gens les dégradent en les touchant et transformer les produits ne correspondant plus au critère esthétique du consommateur, en faisant des compotes, de la soupe,etc. Notre génération a toujours vécu dans l'opulence et a perdu le bon sens de nos grands-parents qui, eux, ne jetaient rien. Ilfaut revenir à ces valeurs».

«Un problème de logistique»

Yves Tirilly, président de la Banque alimentaire du Finistère: «En plein week-end de"ramasse", comme ondit, sur deux jours, on va ainsi récupérer plus de 700tonnes d'aliments dans les grandes surfaces de Brest et Quimper. Legaspillage, c'est aussi un problème de logistique: récupérer les aliments, çasignifie du personnel, des camions, de l'essence,etc. Il faut mettre en place un système de collecte moins onéreux et moins dispendieux. Une des solutions serait de multiplier les épiceries solidaires de proximité, afin qu'elles puissent tout récupérer rapidement sans transports, notamment les produits frais qui se périment plus rapidement. Cela commence àse faire: ily en avait trois sur Brest, il y a deux ans, huit cette année. Une autre solution: congeler les produits qui approchent de la date de péremption puis les transformer (soupe de poisson, confiture,etc.)».

«Moins gâcher grâce au Web»

Paul-Adrien Menez, créateur de l'association Zéro gâchis: «Zéros gâchis, c'est un concept qui nous apermis de gagner la «Start-up week-end». L'idée était de créer un site Internet qui liste les produits proches de la date limite de consommation ou au packaging abîmé dans les centres commerciaux. Les magasins les bradent et les consommateurs sont au courant, en regardant sur le site, des produits toujours consommables qu'ils peuvent acheter à moindre coût. Ça évite de jeter! C'est moins de pertes pour les magasins et moins cher pour les consommateurs. Tout le monde est content! On est quatre à bosser sur ce projet et notre site connaît déjà un petit succès: environ 200 à 250visites par jour. Pour l'instant, seulement trois magasins sont partenaires (le Leclerc de Landerneau, le SuperU de Brest et l'Intermarché de Plabennec) mais trois autres arrivent bientôt!».

«Pour une agriculture autonome»

Alain Jacob, agriculteur et vice-président du Civam: «Le Centre d'initiative pour valoriser l'agriculture et le milieu rural est une association d'agriculteurs qui représente environ 80adhérents. Nous sommes venus participer au débat avec les autres acteurs du secteur afin de dénoncer un modèle de production qui fonctionne en gaspillant énormément. Sur l'ensemble des fonds débloqués par la Pac européenne, 450millions d'euros sont destinés aux excédents agricoles! C'est une agriculture basée sur le volume et les petits prix, ce qui est destructeur à long terme. L'ensemble du système est à changer. L'association défend le développement d'une agriculture écologique et autonome, un projet qui doit permettre de s'inscrire dans la durée. Il est important de débattre sur ces sujets, cela permet de s'exprimer et de réfléchir ensemble aux solutions qu'il est possible demettre en place».

«Plus de souplesse»

Ludovic Dumortier, directeur d'exploitation à la cuisine centrale de Brest: «La lutte contre le gaspillage est une démarche dans laquelle Sodexo s'est impliqué au quotidien depuis longtemps. L'action est surtout menée auprès des écoliers que nous nourrissons tous les midis. Toutes nos recettes sont notées, chaque semaine, de 1 à 4, en fonction de ce que les enfants ont laissé ou mangé, pour évaluer ce qui est gâché. Parmi nos principaux obstacles, les contraintes sur les aliments sont nationalement très fortes, notamment en ce qui concerne le grammage des aliments. Les produits doivent répondre à des caractéristiques très strictes. Notre marge de manoeuvre est donc limitée. Réfléchir ensemble permettrait peut-être d'introduire plus de souplesse dans la réglementation. C'est un travail qui doit s'effectuer de la production à la consommation, de la fourche à la fourchette».
Source: Le Télégramme (http://goo.gl/6p3lb)

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