jeudi 10 janvier 2013

Numérique : le virage raté des grandes enseignes


En 1997, alors qu’Amazon n’était encore qu’une start-up ruinant ses investisseurs, son PDG et fondateur, Jeff Bezos, avait cherché à les rassurer en ces termes : « Amazon espère installer une relation durable avec ses clients, qui prévaudra même dans de très grands marchés bien établis. » Quinze ans après, ce doux rêve est devenu une implacable réalité.
A l’exception notable de l’alimentation et de l’habillement, les marchés phares du commerce de détail comme l’électroménager, les produits techniques et surtout les produits culturels, ont largement migré vers un commerce électronique qui, année après année, taille des croupières au bon vieux commerce physique. Un mouvement qui, en s’accélérant, s’avère fatal pour nombre de commerçants traditionnels, avec des brick and mortar(magasins physiques) qui reculent inexorablement face à la concurrence féroce des « pure players » de la Toile, plus agiles, novateurs et surtout moins chers qu’eux.
Avant Virgin vendredi, la liste des enseignes ayant plongé en 2012 était déjà bien fournie. Pour le spécialiste des produits high-tech Surcouf, l’année écoulée aura été la dernière, avec une liquidation pure et simple à l’automne faute de repreneur. Concurrente de Darty, l’enseigne d’électroménager Saturn (34 magasins) n’a dû son salut qu’à sa revente par l’allemand Metro à Boulanger, avec 600 reclassements à la clé. La situation n’est pas plus rose à l’étranger : 6 000 emplois sont menacés outre-Manche chez le Darty anglais, Comet, en faillite. Et le géant américain Best Buy qui exploite 600 magasins a été contraint en mars à un méga-plan d’économies de 800 millions de dollars, qui se traduit par la fermeture de ses gros points de vente au profit de surfaces plus petites.
Dans cette ambiance de sauve-qui-peut, les survivants comme Darty ou la Fnac sont scrutés de très près. Le premier a vu son chiffre d’affaires reculer de 3,9% au cours du second semestre 2012, et résiste par un « alignement constant des prix » sur la concurrence en ligne, qui pèse en retour sur sa rentabilité. Premier libraire de France et premier distributeur européen de produits culturels, la Fnac cherche à s’adapter à toute vitesse. L’enseigne que PPR veut mettre en Bourse cette année, faute d’avoir trouvé un repreneur, vient de réduire ses effectifs de 500 personnes (sur 17 000 salariés dans le monde), diversifie ses activités dans le petit électroménager et commence à ouvrir des mini-Fnac de proximité sous franchise. Désormais, small is beautiful.
Après avoir raté le virage de la dématérialisation de la musique et laissé Apple occuper ce créneau auquel elle a renoncé en propre, la Fnac ne reste plus inerte face au rouleau compresseur Amazon dans le livre électronique. Elle a lancé en collaboration avec le canadien Kobo sa propre liseuse et sa première tablette tactile. Une véritable stratégie numérique, enfin, qui passe également par le développement d’une complémentarité « multicanal » avec une Fnac.com (15% de ses 4 milliards de chiffre d’affaires).
Mais entre-temps, la crise l’a rattrapé, avec, à l’exception notable des tablettes, un recul des ventes de produits techniques, dont les prix chutent sous l’effet cumulé de la concurrence et de la massification du marché. Nettement plus diversifiée et forte de sa position de leader de la distribution spécialisée en France, la Fnac a plus d’atouts que Virgin pour résister et s’adapter à la déferlante numérique. Mais avec un résultat opérationnel devenu négatif au premier semestre, d’aucuns jugent son pronostic vital déjà engagé.
Source: Ecrans (http://goo.gl/6R8vm)

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