jeudi 6 décembre 2012

La gestion des risques météo


Anticiper, s’assurer, gérer: les maîtres-mots en matière de gestion du risque météo
Gestion des risques - Météorologie
Différentes études montrent que les deux tiers des secteurs économiques sont plus ou moins sensibles à la météo. Les activités dites “météo-sensibles” représentent environ 25 % du PIB dans les pays industrialisés. Un printemps trop précoce, un été anormalement pluvieux ou un hiver trop doux peuvent se traduire en milliards d’euros de pertes de chiffre d’affaires pour les entreprises concernées. Celles qui sont exposées doivent anticiper des variations de température de seulement quelques degrés afin d’ajuster au mieux production, logistique et distribution. Des sociétés dites d’intelligence climatique leur proposent leurs services, tandis que des offres d’assurance climatique apparaissent sur le marché. Il reste toutefois encore bien souvent à sensibiliser des dirigeants de PME aux risques comme aux solutions.
La météo de septembre 2012 a été plus froide que celle, il est vrai très douce, de septembre 2011. En grandes et moyennes surfaces (GMS), les ventes de panachés et bières sans alcool ont vu leur chiffre d’affaires chuter de 10,5 % au niveau national et jusqu’à 20,1 % dans le Sud-Est. Les concentrés pour boissons et les eaux aromatisées ont accusé un repli de respectivement 10,7 % et 8,6 %.Autre exemple : une hausse moyenne de 2 degrés en mai dernier par rapport à mai 2011, a engendré une hausse de 29 % des ventes de fromage pour raclette.Sur un hypermarché moyen qui regroupe environ 400 familles de produit, un quart sont sensibles à la météo. Il apparaît donc clairement qu’un responsable des achats pourrait faire réaliser une bien mauvaise opération à son entreprise s’il renouvelait automatiquement ses commandes d’une année sur l’autre sans prendre en considération l’aléa climatique.
Si la problématique de la saisonnalité est connue des industriels, il existe des écarts qui peuvent être très importants d’une semaine à l’autre et provoquer des à-coups conséquents au niveau de la demande. De plus, chaque produit ne réagit pas de la même façon à la météo. Par ailleurs, un consommateur habitant le nord, le centre ou le sud du pays n’aura pas la même sensibilité aux variations de température et ne modifiera pas son comportement d’achat de la même façon. Face à ces problématiques complexes, des sociétés se spécialisent dans l’intelligence climatique et proposent leurs solutions aux entreprises de tous secteurs. Parmi elles, Climpact et Metnext.
“Nous convertissons le risque climatique en avantage compétitif pour les structures qui font appel à nos services”, assure Harilaos Lukos, président et fondateur de Climpact. Ce dernier parle d’avantage compétitif car une entreprise ne doit pas manquer les opportunités qui se présentent à elle quand la météo lui donne un coup de pouce. Elle doit pouvoir en bénéficier de la manière la plus efficace. Mais dans bien des cas, à l’inverse, la météo va pénaliser l’entreprise, et cette dernière doit donc essayer d’en minimiser les coûts. “Notre créneau est davantage les petites fluctuations non catastrophiques, les évolutions d’une année à l’autre qui jouent sur le comportement du consommateur et sur la demande de nombreux produits”, poursuit-il.
Une industrialisation de l’analyse météo
De son côté, Metnext créé en 2007 par Météo France (cette dernière ne possède plus qu’un tiers du capital, la Caisse des Dépôts étant aujourd’hui majoritaire), multiplie outils statistiques et partenariats permettant de modéliser au plus juste le risque lié à l’aléa climatique.
“Nous avons réalisé des modélisations complexes. Il faut également choisir le bon indicateur météo, entre la température moyenne, les écarts entre températures, la différence par rapport à la moyenne de saison, la nébulosité, la pluviométrie, etc. En fonction de chacun des marchés, des critères différents seront pris en compte. Ces critères ne seront bien entendu pas les mêmes pour un industriel du pneu et un fabricant de bière”, souligne Jérôme Soares, responsable marketing chez Metnext. Grâce à son partenariat avec la société Nielsen, Metnext peut suivre les données de ventes sur le long terme sur tous les produits vendus en hypermarché avec un niveau de détail régional et sous-régional. Les experts de l’entreprise en retirent une information sur le comportement de consommation au plan local.
“La première étape pour nous est d’établir un diagnostic avec le client à partir de ses données de ventes et des données météo. À partir de ces informations et de différentes modélisations statistiques, nous allons analyser les effets météo selon les marques, les packagings ou encore les circuits de distribution, reprend Harilaos Lukos, président et fondateur de Climpact. L’analyse est faite de façon très fine. Certes le principe de notre travail est simple, mais nous traitons énormément de données. Nous avons industrialisé et professionnalisé au maximum l’analyse.
Au niveau de la météo, l’effet de la pluie, de la température ou de l’ensoleillement sont analysés. Le facteur température est celui qui impacte le plus, dans un sens comme dans l’autre, le niveau de la demande et des ventes.L’échelle peut être départementale, voire même plus fine, puisque Climpact peut délivrer ses analyses point de vente par point de vente. Une fois le diagnostic établi, les analyses sont directement envoyées dans le système d’information du client, via un flux d’information qui lui parvient de façon automatique.
“Notre rôle est d’expliquer comment des variations météorologiques par rapport aux normales de saison peuvent impacter les ventes positivement ou négativement. Nous travaillons par exemple avec Ferrero ou Orangina, qui se trouvent sur des secteurs très météo-sensibles. Le premier besoin de nos clients en matière de météo-sensibilité est de comprendre comment s’est déroulée une année et comment la météo a pu impacter les ventes. Ces données vont les aider à préparer au mieux l’année suivante. Lorsque l’on peut éliminer des ventes l’effet météo, on se retrouve sur des ventes structurelles liées aux comportements de consommation standards. Cela leur permet de planifier les ventes mois par mois l’année suivante”, précise Jérôme Soares de Metnext.
Des productions et logistiques à adapter
À titre d’exemple, en septembre 2011, les experts de Climpact ont préconisé à l’ensemble des clients concernés de continuer à produire pour bénéficier pleinement de plusieurs semaines de vente supplémentaires en ce mois particulièrement doux. La recommandation a porté ses fruits pour des industriels comme Unilever pour les glaces, ou encore Lactalis pour les fromages frais tels la feta ou la mozzarella ; ces deux aliments sont en effet utilisés pour les salades. En années ordinaires, la production de ces produits décroît nettement à partir de la fin du mois d’août. “Eux ont pu bénéficier de ce mois supplémentaire à plein régime, ce que n’ont pas fait leurs concurrents. Bien sûr que les industriels savaient auparavant travailler sur ces questions sans nos informations, mais pas de façon aussi efficace, précise Harilaos Lukos, président de Climpact. Nous aidons ainsi à optimiser les stocks.”
En cours d’exercice, en fonction de conditions météorologiques et grâce aux analyses de Climpact ou Metnext, industriels et distributeurs peuvent anticiper un niveau de vente à la hausse ou à la baisse et agir sur le terrain pour éviter la rupture – et le risque que le consommateur se tourne vers un produit concurrent. Ou que leur production ne leur reste pas sur les bras.
“Auparavant, nos clients travaillaient souvent ‘en mode pompier’, c’est-à-dire en étant suiveurs du phénomène météo sans l’anticiper. Avec nos services, ils sont plus proactifs. Ils peuvent gérer au mieux la production mais aussi la distribution” explique Harilaos Lukos. Climpact assure que ses analyses permettent à ses clients une amélioration de leurs prévisions de demande de 5 à 10 points. Le bénéfice économique passe notamment par une réduction des stocks et une meilleure organisation logistique. Les ruptures en magasin sont réduites, ce qui évite au distributeur d’être amené à changer de fournisseur. La logistique va chaque semaine utiliser des modélisations permettant de déterminer comment approvisionner les magasins. Dès lors, les surcoûts liés à une mauvaise anticipation du transport sont réduits d’autant.
“Nos prévisions viennent de différents centres européens. Après une saison, nos clients peuvent voir s’ils ont pu mieux prévoir ou pas grâce à nos services. Nous sommes sur un mode d’abonnement annuel. Notre valeur est jugée chaque année. Nos clients nous restent fidèles depuis plusieurs années”, assure Harilaos Lukos, président de Climpact.
Les données de Climpact vont également intéresser les analystes financiers qui s’interrogent sur les résultats des entreprises en fonction de la météo, et certaines entreprises présentent même l’impact chiffré de la météo sur leur résultat.
Une bonne anticipation va aussi permettre de jouer sur les campagnes publicitaires. S’il est difficile de modifier une campagne destinée à la télévision, il est possible d’adapter le message en fonction des conditions climatiques pour des messages à la radio et en presse écrite. “Le marketing aura également besoin de savoir si une campagne promotionnelle a été efficace en comparant ses performances de ventes d’une année à l’autre. Mais sans dépolluer les niveaux de vente de l’effet météo, elle ne pourra pas analyser le réel impact de son opération de communication. Nos solutions permettent de comprendre les mécanismes et la dynamique qui jouent dans la réactivité ou non du consommateur à une campagne média ou à un positionnement prix”, indique Jérôme Soares de Metnext.
Les principaux clients des sociétés de conseil en météo-sensibilité se trouvent dans les secteurs de l’agroalimentaire, de l’énergie, de la grande distribution, mais aussi du tourisme. Climpact compte dans son portefeuille-client des entreprises spécialisées dans les crèmes glacées ou dans la bière, ce qui ne surprend guère, mais aussi dans les insecticides ou dans certains produits de la santé animale qui se révèlent météo-sensibles. En effet, nombre de parasites et d’insectes dont l’homme cherche à se protéger sont saisonniers et n’entrent en activité qu’à partir d’un certain seuil de température.
“Des entreprises évoluant dans l’assistance automobile font également appel à nos services afin de pouvoir prévoir au mieux l’amplification de l’activité de leurs centres d’appel”, souligne Harilaos Lukos. Dans le secteur de l’énergie, Climpact a notamment comme client la filiale gaz de Total ainsi que des transporteurs de gaz.
De son côté, l’essentiel de l’activité de Metnext concerne l’énergie. La météo a bien sûr une influence majeure sur la consommation, et les gestionnaires de réseau doivent agirent en amont en fonction de l’évolution prévue des courbes des températures. Dans le secteur des énergies renouvelables, les clients de Metnext évoluent dans l’éolien, le photovoltaïque et l’hydraulique.L’alimentaire mais aussi le jardinage ou le bricolage sont d’autres secteurs clés pour ces prestataires.
Une assurance climatique sous-utilisée
Dans certains secteurs, la météo-sensibilité est telle qu’elle s’est peu à peu transformée en risque… et a donc donnée naissance à une offre d’assurance.“Nos clients se trouvent essentiellement dans les secteurs du textile, de l’énergie, de l’agriculture (en particulier sous serre), l’agroalimentaire, les loueurs de matériels, etc. Pour les PME, nous proposons des assurances météo assez standardisées. Pour les grands groupes, nous mettons en place une politique gestion du risque sur mesure”, précise pour sa part Jean-Louis Bertrand, professeur titulaire de la chaire de gestion des risques climatiques à l’Essca et directeur du développement de Météo Protect. Cette structure propose aux entreprises une assurance couvrant l’aléa climatique. Protégeant contre les anomalies climatiques et non les phénomènes exceptionnels comme les tempêtes, elle commence à être proposée aux professionnels comme au grand public.
Metnext complète pour sa part le conseil d’une offre d’assurance :“Nous avons un partenariat avec un courtier avec qui nous proposons des assurances grand public”, précise Jérôme Soares. Parmi elles, la “garantie soleil pour les vacances”, proposée par certains prestataires de séjours touristiques. Par une analyse de l’historique de la météo sur chaque site, Metnext va estimer le nombre de jours, sur une semaine, lors desquels se sont produites des précipitations durant plus de trois heures. Par exemple, si pendant plus de trois jours il y a eu des précipitations qui ont duré plus de trois heures, la garantie se déclenche, avec comme indemnisation le remboursement de la semaine de vacances du souscripteur. Metnext fournit également des données à Poweo qui propose pour chaque degré en dessous d’un seuil déterminé en fonction des régions, un remboursement qui s’opère sur la consommation d’énergie.
La solution de Météo Protect a quant à elle été conçue pour compenser les pertes de l’entreprise par le versement d’une indemnité proportionnelle à l’anomalie météo subie. Les risques à couvrir sont évalués à 600 milliards d’euros par Météo Protect. “Météo Protect existe depuis un an. L’évolution de la société est beaucoup plus rapide que ce que nous avions prévu. Cela s’explique notamment par la multiplication des saisons anormales sur les dix dernières années. Par ailleurs, l’écart par rapport à la moyenne des températures a plus que doublé entre 2000 et 2010 par rapport à la décennie précédente. Sur le plan européen, nous n’avons pas de concurrents, ce qui explique aussi le fait que nous nous développions si vite”, estime Jean-Louis Bertrand, directeur du développement de Météo Protect.
Dans une première étape, les spécialistes de Météo Protect vont analyser les résultats et la performance de l’entreprise en fonction des variations des conditions météo – évaluées en termes d’ensoleillement, de vent, de précipitations et de température – afin de définir l’indice météo le mieux corrélé au profil de risque de l’entreprise.
“Nous allons croiser les données financières de l’entreprise cliente avec nos bases de données météorologiques pour déterminer la vulnérabilité de l’entreprise aux anomalies de la météo, explique Jean-Louis Bertrand, directeur du développement de Météo Protect. Cela nous permet de déterminer les périodes les plus vulnérables pour la société et les seuils de déclenchement. Par exemple pour une entreprise textile spécialisée dans les manteaux, ce seuil pourra être de 2 degrés au-dessus des normales. À ce niveau, cela devient pénalisant pour l’entreprise. Grâce à nos bases, nous calculons la perte moyenne et la probabilité que cela se produise.
Météo Protect quantifie en effet dans un second temps les pertes de son client en fonction d’une évolution défavorable de cet indice. L’assureur utilise un historique de relevés météo sur 30 à 40 ans, selon les cas, pour évaluer le montant du risque à couvrir et déterminer l’indemnité. C’est l’entreprise, qui aura alors en main tous les éléments, qui va choisir le seuil à partir duquel elle souhaite mettre en place une assurance. Jean-Louis Bertrand reprend : “Il est important que l’entreprise estime le coût pour elle d’une non-couverture et appréhende sa perte potentielle. Nous travaillons avec elle pour construire la couverture qui va lui permettre d’éviter la très mauvaise saison. Par exemple, un loueur de ski, s’il n’y a pas de neige, verra son chiffre d’affaires enregistrer une perte de 100 %. Nous l’indemniserons en conséquence. Nous réalisons des indices simples, qui sont utilisés pour la couverture, afin qu’ils soient bien compris pour l’entreprise”.
Le montant de l’indemnité ne va dépendre que de l’intensité ou de la durée de l’anomalie météo. Le cas échéant, le paiement de cette indemnité sera effectué en fin de période de couverture sans qu’aucune expertise ne soit nécessaire et de façon automatique. À titre d’exemple, une société de transport parisienne a souscrit un tel contrat. Elle perd, en effet, une partie de son chiffre d’affaires en cas d’intempéries hivernales, la neige et le verglas rendant impossible la fourniture de ses services à ses clients. Météo Protect va évaluer comment les jours de circulation difficile affectent la performance financière de l’entreprise.
Parallèlement, l’assureur va déterminer la moyenne du nombre de jours de circulation difficile en janvier et février sur les 30 dernières années, en l’occurrence 4,7 jours. Le contrat va donc prévoir une indemnité par jour de circulation difficile à partir du 5e jour sur la période de couverture (janvier et février).
Ce type d’assurance fonctionne très bien dans un pays comme les États-Unis, où le risque est beaucoup plus important et où les aides d’État sont négligeables.Mais là-bas comme ici, une entreprise a tout intérêt à souscrire une prime d’assurance plutôt que de faire une provision pour risque climatique.
Le marché de la gestion de l’aléa climatique est immature en Europe, et peu d’entreprises ont connaissance de la démarche et des services proposés par des entreprises comme Climpact, Metnext ou encore Météo Protect. Un important travail d’évangélisation reste à mener.
Coventeo
Une solution pour optimiser les indemnisations
Coventeo est un logiciel, créé en 2008, dont se servent les équipes du groupe d’assurance mutualiste Covéa (MAAF, MMA, GMF) pour anticiper les effets destructeurs d’un événement climatique et ainsi gérer au mieux, et plus rapidement, le processus d’indemnisation. Cette solution est mise en œuvre lors de tempêtes classiques, issues de dépressions océaniques qui sont prévisibles. “Nous avons voulu offrir davantage de réactivité à nos assurés.Coventeo nous permet de déclencher un plan d’intervention exceptionnel. Dans ce cas, nous faisons intervenir le nombre adéquat d’experts, qui sont “pré-réservés” par contrat par Covéa, mais aussi des spécialistes pour bâcher et des réparateurs.
C’est cet outil logiciel Coventeo qui va donner la volumétrie du dispositif à mettre en œuvre, explique Juliette Baudot, directrice pôle performance IRD (incendie risque divers) chez Covéa. Nous allons pouvoir modéliser l’écoulement des vents en fonction du type d’habitat et de leur résistance. Nous avons retravaillé 10 années de sinistralité pour anticiper l’impact financier. Sur la tempête Klaus, nous avons pu faire trois jours avant l’événement ce que nous faisions auparavant trois jours après, car nous possédons grâce à Coventeo tous les éléments nécessaires.
Coventeo va également fournir des précisions sur les enjeux financiers qui sont exposés. Cette solution est activée une à deux fois par an. Juliette Baudot souligne que, pour le professionnel, ce qui compte est avant tout la rapidité d’indemnisation et sa justesse. Cette rapidité dépend essentiellement du travail des experts. “Comme nous aurons anticipé les moyens humains et que nous les aurons mobilisés au bon moment, nous pourrons activer plus rapidement les remboursements”, poursuit-elle.

Source: Le Nouvel Economiste (http://goo.gl/U1wPA)

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