Après une frénésie d'ouvertures ces deux dernières années, c'est - déjà - l'heure des premières fermetures pour les "drives", ces nouveaux circuits de distribution où les consommateurs viennent en voiture récupérer leurs courses commandées sur Internet.
Carrefour doit ainsi fermer, en août, le premier magasin entrepôt qu'il avait ouvert à Tours en janvier 2011, comme l'indiquait, le 23 juillet, le magazine LSA sur son site Internet. Ce drive était soumis à la forte concurrence d'un Auchan Drive et d'un E. Leclerc Drive sur la même zone de chalandise (zone géographique d'influence).
Chez Carrefour, on précise qu'il s'agit "d'un cas isolé", que les quatre personnes de l'équipe seront réintégrées dans le magasin de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire), à quelques kilomètres, de manière à créer un service identique et que "le groupe continue son développement sur les drives".
Néanmoins, il s'agit de la seconde fermeture de ce type de magasin-entrepôt, après celle du Chronodrive, du groupe Auchan, à Halluin (Nord), ouvert en octobre 2010 et fermé en mars, cette année.
PHASE DE MATURITÉ
Le mouvement de rationalisation ne devrait pas s'arrêter là. "On sort de la phase un peu brouillonne, sorte de conquête de l'Ouest, pour entrer dans celle de la maturité de ce type de commerce, juge Yves Marin, consultant chez Kurt Salmon.C'est comme lors de la création de l'hypermarché, où les enseignes ont construit des caisses à savon à tout va, puis l'offre a été rationalisée et le législateur est venu encadrer tout cela."
Si le concept du "drive" a été inventé par Auchan au début des années 2000, il a pris son essor par un développement intensif ces deux dernières années de l'enseigne Leclerc. Il existerait aujourd'hui plus de 2 500 drives en France, selon la base de données LSA Expert.
Trois formes ont été développées : le drive dit "picking", où le personnel du supermarché remplit le panier des clients à partir des rayons du magasin ; le "drive accolé", où les produits sont stockés dans un entrepôt proche d'un magasin ; et le "drive solo", complètement autonome.
Selon le cabinet Kantar Worldpanel, la part de marché du drive dans les circuits de distribution a été multipliée par quatre au cours des trente-deux derniers mois, et atteint 3,3 % pour la période du 22 avril au 19 mai.
NOUVELLE RÉGLEMENTATION
Au premier semestre, les 352 drives Leclerc ont réalisé un chiffre d'affaires de 720 millions d'euros, en hausse de 68 % par rapport à la même période de 2012. Les drives représentent 38 % de la croissance de l'enseigne, qui devrait dépasser les 400 drives d'ici à la fin de 2013, alors que l'objectif initial était fixé à 2015. Auchan comptabilise 81 Auchan Drive (onze ouvertures sont prévues d'ici à la fin de l'année) et 62 Chronodrive (onze ouvertures prévues), pour un chiffre d'affaires de 816 millions d'euros en 2012 et un objectif de 1,07 milliard à la fin de 2013.
Le gouvernement veut désormais encadrer ce type de commerce en soumettant les nouvelles ouvertures à une demande d'autorisation de surface commerciale, là où, aujourd'hui, seul un permis de construire suffit. Cette disposition est inscrite dans le projet de loi sur le logement et l'urbanisme, qui sera débattu au Parlement à la rentrée.
Le projet du gouvernement est qualifié d'"extrêmement inquiétant" par Vincent Mignot, directeur général d'Auchan France. En effet, les drives pourraient être soumis à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), qui a remplacé la taxe professionnelle, alors qu'il ne s'agit que d'entrepôts chargés de la livraison, l'acte de vente se faisant sur Internet.
UN SYSTÈME QUI RECHERCHE ENCORE SON ÉQUILIBRE
"Cela met en danger un modèle, un concept, alors qu'il est assez prometteur", ajoute M. Mignot. Selon lui, la nouvelle réglementation menacerait l'emploi : "Le drive crée de nombreux emplois : 5 300 dans le groupe, dont 1 500 en 2012. Des CDI, beaucoup de temps partiels, des jeunes étudiants qui ont besoin d'arrondirles fins de mois."
La réglementation qui s'esquisse viendrait encadrer un système qui recherche encore son équilibre. Car "on est loin d'avoir tout compris du fonctionnement de ce type de commerce, comme par exemple la politique de promotion adéquate, ou encore le fait que l'on soit incapable de vendre des produits d'impulsion", précise M. Marin.
Certains enseignements ont pu être tirés, comme le fait "qu'il fallait des gammes de produits plus profondes que ce que les enseignes avaient imaginé, avec - au moins - 8 000 à 10 000 produits", relève M. Marin. La nature de la clientèle et de ses achats a également surpris : "On pensait que les gens ne viendraient que pour acheter des packs d'eau, alors qu'il s'agit d'une clientèle fidèle à fort pouvoird'achat qui achète moins de produits frais et de surgelés, et plus d'alimentation pour les bébés et davantage de produits issus de l'agriculture biologique."
Source: Le Monde (http://goo.gl/TH8GUH)
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