lundi 19 août 2013

Les poissons remontent vers le nord

Une étude internationale chiffre l’ampleur d’une migration de grande ampleur des espèces marines vers les zones polaires. Un phénomène qui explique l’actuelle «guerre du maquereau» entre l’Union européenne et Islande.

La «guerre du maquereau » vient de se rallumer. Le 28 juillet dernier, l’Union européenne a ouvert la voie à de nouvelles sanctions contre l’Islande qui a unilatéralement augmenté en 2010 ses quotas de prise de maquereaux.
Alors que cette espèce n’était pas du tout présente dans les eaux de ce pays très septentrional jusqu’au début du XXIème siècle, elle s’y trouve désormais en abondance du fait du réchauffement climatique. Le même phénomène est intervenu avec le hareng pour les Iles Feroë. Ces deux pays profitent donc de cette manne.
Pour les Européens et notamment les Ecossais qui dépendent beaucoup de cette pêche, ces poissons font partie de la même population qu’il convient d’exploiter avec précaution. Mais les Islandais et les Féringiens comptent bien prendre leur part de ces richesses apportées par le réchauffement des eaux.

Un phénomène mondial

Ce conflit est l’une des conséquences d’un phénomène mondial qui vient d’être mesuré. Des études partielles sur quelques espèces et dans certaines régions maritimes montraient déjà un phénomène en cours: les poissons remontent vers des eaux plus fraiches. Ainsi, depuis une dizaine d’années, les poissonniers français de la façade atlantique ont pris l’habitude de commercialiser des balistes, poissons tropicaux habitués des récifs coralliens qui sont aujourd’hui capturés jusque dans la Manche.
Mais, il n’existait pas encore d’études globales pouvant donner une idée de l’ampleur d’un mouvement de migration peu étudié jusqu’ici puisqu’il ne représentait que 1% des travaux compilés par le quatrième rapport du GIEC en 2007. C’est chose faite avec l’article publié le 4 août dans Nature Climate Change.
"Le changement climatique a déjà eu un impact concret et significatif sur tous les écosystèmes" Elvira Poloczanska. CSIRO.
Une équipe internationale de scientifiques américains, australiens, canadiens, européens et sud-africains ont revisité 1735 études portant sur les changements biologiques constatés au sein de la vie marine. Aucun des océans n’a été oublié et certaines études révèlent des tendances s’inscrivant sur quatre décennies: «le changement climatique a déjà eu un impact concret et significatif sur tous les écosystèmes (côtier et grand large), à toutes les latitudes (des polaires aux tropicales) et à tous les niveaux de la chaîne trophique (du plancton aux requins)» annonce la principale auteure de l’étude, Elvira Poloczanska, du Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization (CSIRO, l’équivalent australien du CNRS)

Les espèces marines migrent de plus de 70 km par an vers des latitudes plus élevées


Les changements impliquent à la fois les aires de répartition des espèces et leurs périodes de reproduction. 81% des études sont parfaitement cohérentes avec les effets qu’on peut attendre d’une augmentation des températures de l’eau.
Ainsi, en moyenne, les espèces marines sont remontées de 72 kilomètres par décennie vers des latitudes plus élevées. Sur terre, ce déplacement n’est que de six kilomètres. Le phytoplancton est le plus véloce avec 470 kilomètres tous les dix ans, devant les poissons osseux (277 kilomètres par décennie) et le zooplancton invertébré (142 kilomètres). Sans surprise, les mollusques, crustacés et grandes algues sont les plus lents.
Les périodes de reproduction au printemps sont également perturbées. En moyenne, elles se déroulent quatre jours plus tôt que dans la décennie précédente, et cela peut atteindre même onze jours pour les larves de poissons.

Les migrations marines se font toujours sur de grandes distances

Les chercheurs ont par ailleurs mis en lumière un phénomène très subtil. Sur terre, les espèces n’ont souvent que peu de distance à effectuer pour monter en altitude et retrouver les conditions qui leur conviennent. Rien de tel en mer où les différences de températures sont moins marquées: «comme la surface des océans est relativement plate, les plantes et les animaux marins doivent parcourir de plus grandes distances pour retrouver leurs conditions de vie préférées » poursuit Elvira Poloczanska.
Ces déplacements de  la vie marine auront de grandes conséquences sur les activités humaines et notamment sur l’alimentation puisque la moitié de l’Humanité dépend des produits marins pour ses apports en protéines, préviennent les auteurs de cette étude. Les conflits ont déjà commencé comme le démontre la «guerre du maquereau ».
Loïc Chauveau, Sciences et Avenir

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