Quelques semaines après l’annonce de l’ouverture d’easyFoodStore par le fondateur d’easyJet, Sia Partners explicite les enjeux liés à la création de ce nouveau concept.
easyFoodstore, la nouvelle enseigne alimentaire low cost d’easyGroup
Stelios Haji-Ioannou, fondateur de la compagnie aérienne easyJet, vient d’annoncer son intention de créer une enseigne de grande distribution low cost. L’objectif de l’entrepreneur est de créer des magasins encore moins chers que les enseignes discount présentes en Grande Bretagne. Sa propre constatation de l’existence d’une « lacune dans le marché de la distribution alimentaire – une niche en-dessous de certaines enseignes alimentaires comme Aldi et Lidl » est à l’origine de ce projet de nouveau concept d’enseigne de grande distribution. Un magasin pilote verra prochainement le jour, dans la petite ville britannique de Croydon. Si l’expérimentation s’avère concluante, le nouveau concept pourra se déployer dès 2014.
Que doit-on penser de ce nouveau concept ? S’agit-il d’un nouvel effet d’annonce du fondateur d’easyGroup ? L’ambition est-elle comparable au succès d’easyJet dans le transport aérien ?
easyGroup, spécialiste du low cost : des expériences aux résultats mitigés
C’est en 1998 que Stelios Haji-Ioannou fonde le groupe d’entreprises easyGroup. Aujourd’hui, le groupe ne compte pas moins d’une vingtaine de sociétés, toutes baptisées avec le préfixe « easy ». Attaché à sa maxime « donner aux clients le maximum pour un minimum d’argent », le fondateur du groupe met en œuvre depuis 20 ans une stratégie de diversification d’activités à bas coûts et à bas prix, qui a rencontré aussi bien de francs succès que de retentissants échecs.
La compagnie aérienne easyJet tout d’abord, opérant en Europe depuis 1995, est sans doute le plus grand succès du groupe. La compagnie jouit d’un rapide développement et d’une croissance continue, fonctionnant notamment par croissance externe à ses débuts.
Suite à cette expérience réussie, easyGroup a lancé une succession d’initiatives, mais pas toujours couronnées de succès. C’est ainsi qu’ont vu le jour easyInternetcafé (1999), easyCar (2000), easyBus (2004) ou encore easyPizza (2004). Après deux années d’activité en France, le groupe a subi une liquidation générale de ses cybercafés et la revente des agences de location de véhicules à des franchisés.
Néanmoins, malgré ces quelques échecs, easyGroup est tout de même reconnu dans le domaine du low cost, se diversifie, en lançant une nouvelle société « easy », faisant ainsi son entrée sur le marché de la grande distribution.
Le degré de maturité du projet easyFood et ses possibilités de déploiement
Stelios Haji-Ioannou évoquant, si l’essai est concluant, un déploiement de ses activités de grande distribution dès 2014, on peut supposer que ses réflexions sur le nouveau concept sont déjà relativement avancées. En cas de succès du magasin pilote, le concept pourrait se déployer tout d’abord en Grande-Bretagne, avant d’envisager des ouvertures à l’international. En effet, il n’est pas garanti que le modèle, s’il fonctionne en Grande-Bretagne, réussisse à s’exporter : L’histoire a montré que dans le secteur de l’alimentaire en particulier, il est difficile de conquérir de nouveaux pays. On peut penser à titre d’illustration au grand détaillant Tesco, premier groupe de distribution britannique. Son déploiement à l’international fut un succès en Europe de l’Est et dans quelques pays d’Asie, mais on se souvient de ses tentatives d’implantation en France, au Japon et plus récemment aux Etats-Unis, qui se sont soldées par des échecs, avec la fermeture de son magasin français en 2010, puis celle de ses 129 magasins japonais en 2011, malgré ses efforts pour tenter de pénétrer sur des marchés français et japonais de la distribution, lesquels se sont avérés peu accueillants pour les concurrents étrangers. Le marché américain ne fut guère plus convaincu, conduisant Tesco à se retirer des Etats-Unis en 2013, six ans après son installation sur le territoire.
Le fondateur d’easyJet peut toutefois espérer que l’originalité de son concept saura séduire les marchés visés par le déploiement de ses enseignes de distribution. En effet, ce nouveau type de distribution tente de s’adapter au changement des comportements des consommateurs, notamment dans leur façon de faire les courses. easyFoodstore se concentrera sur la vente de produits sans marque propre et à longue conservation, tels que les boites de conserve et les féculents. L’assortiment devrait par ailleurs être restreint, assurant une fonction minimale : « fournir au jour le jour des denrées alimentaires de base », selon Sir Stelios Haki-Iannou. Ainsi, la logistique devrait être particulièrement simplifiée et permettra d’offrir aux consommateurs des produits à très bas prix, faisant ainsi concurrence aux enseignes discount telles que Lidl ou Aldi.
Ce concept pourrait bien sûr être adapté pour un déploiement national, le visage du Hard Discount étant spécifique pour chaque pays.
Les standards du discount et le panorama français
Créés en 1948 en Allemagne, les discounts alimentaires sont à l’origine caractérisés par des moyennes surfaces (300 à 500 m² en moyenne), un assortiment limité, une prédominance des produits sous marques de distributeurs (MDD) à bas prix et une organisation à bas coût (personnel réduit, présentation et décors minimalistes).
C’est dans les années 1990 que les enseignes allemandes Lidl et Aldi font leur apparition en France, bousculant ainsi la grande distribution en proposant au consommateur des prix défiant toute concurrence. Le secteur est aujourd’hui dominé en France par 5 enseignes :
- L’allemand Lidl, qui compte en 2012 1 622 magasins en France,
- Aldi, allemand également, avec 924 magasins,
- L’espagnol Dia, avec 896 magasins,
- Le français Leader Price, appartenant au Groupe Casino, avec 619 magasins,
- Le français Netto, appartenant au groupe Les Mousquetaires-Intermarché.
- Aldi, allemand également, avec 924 magasins,
- L’espagnol Dia, avec 896 magasins,
- Le français Leader Price, appartenant au Groupe Casino, avec 619 magasins,
- Le français Netto, appartenant au groupe Les Mousquetaires-Intermarché.
Après une décennie d’ascension, le modèle discount semble aujourd’hui atteindre ses limites. Alors que les enseignes discount réalisaient en 2009 14% des volumes, ils n’en réalisent aujourd’hui plus que 13%. Les enseignes de Hard Discount voient leur fréquentation décroître au bénéfice des formats dits de proximité. Depuis quelques années, elles sont condamnées à réagir et à réinventer leur modèle économique, en s’éloignant du modèle hard-discount « à l’allemande ».
Un marché en forte évolution
Dans cette optique, on observe depuis quelques années la montée en gamme des enseignes discount, marquée notamment par l’apparition de marques nationales dans leur assortiment. Par exemple en 2010, les marques nationales représentaient 10 à 12% de l’offre de Netto, deux ans après y avoir fait leur entrée. L’enseigne Lidl a quant à elle proposé des marques nationales dès 2006, et Aldi a fini par suivre cet exemple en 2012.
Cependant, les Français restent attachés au prix, et ce d’autant plus en ces temps de pouvoir d’achat en baisse. En témoigne le succès des MDD et des promotions auprès des clients. C’est probablement sur ce critère qu’easyFood va tenter de se démarquer, en proposant uniquement des MDD, offrant ainsi un panier moyen moins cher.
Vers la création d’une nouvelle niche ?
L’objectif visé par easyFoodStore est de proposer des produits à bas prix, en minimisant les coûts. La réduction des coûts logistiques sera rendue possible grâce à un certain nombre de facteurs, comme par exemple de commercialiser des produits alimentaires secs plutôt que frais (date de péremption lointaine, diminution des pertes, frais de stockage et d’équipements réduits) ou de restreindre l’assortiment : logistique moins complexe, meilleure gestion des stocks et des volumes,… Pour autant, il n’est pas dit que le concept ne fournisse pas un assortiment minimal de produits frais de base pour que les clients ne soient pas obligés de faire leurs courses dans plusieurs magasins différents.
Concernant la clientèle cible, on peut penser de prime abord aux foyers les plus modestes, étant donné la vision low cost qui est donnée du concept. Néanmoins, on peut imaginer, comme ce fut le cas pour les discounts, la fidélisation d’un public relativement plus large, représentatif du consommateur moderne, lequel exige de pouvoir faire ses courses en toute simplicité et rapidement. Le temps moyen passé en magasin est passé de 2 heures en 1960 à 35 minutes aujourd’hui, et se réduit encore avec la montée en puissance du e-commerce, des drives, et des concepts d’hyper proximité.
easyGroup va-t-il répliquer le modèle d’easyJet, proposant une offre de service certes discount, mais visant un public très large : aéroports internationaux, nombreux services accessibles mais payants ? Pour percer dans la grande distribution il faudra indéniablement innover ; à ce stade nous ne pouvons que faire des suppositions sur le concept que présentera easyFoodStore, mais si easyGroup compte mettre autant d’intelligence, de moyens et d’énergie que ceux dont a pu bénéficier easyJet, il n’est pas impossible de s’attendre à voir easyFoodStore faire partie du paysage du Retail dans quelques années…
Source: http://goo.gl/6PA5sK
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