Pourquoi les tomates belles et rondes à l'étal ont-elles de moins en moins de goût? Parce qu'on a privilégié les rendements et la conservation au détriment des saveurs, répondent les experts.
"On peut faire pousser de très bonnes tomates: si elles sont récoltées trop tôt pour supporter de faire de la route, puis conservées au frais, les qualités gustatives se perdent" explique Mathilde Causse, généticienne et spécialiste de la tomate à l'INRA, l'Institut de recherche en agronomie. "Et en hiver, on n'aura jamais de bonnes tomates comme on peut en récolter en été car elles sont alors produites dans des conditions de jours moins ensoleillées et moins chaudes".
La scientifique pointe la contradiction entre les objectifs de rendement et le goût:
Le fruit de la tomate est comme une gourde: plus on lui donne de l'eau pour le faire grandir, plus il gonfle, il sera gros mais moins sucré et moins aromatique. Le producteur, payé au poids, va plutôt favoriser le rendement mais il y a un réel antagonisme entre les qualités gustatives et le rendement. On a également poussé les qualités de résistance aux maladies: les tomates sous serre sont bien moins traitées que par le passé.
Des critères pas forcément compatibles avec la qualité du goût
S'enchaînent ensuite les difficultés de parcours liées à la grande distribution: "75% des tomates commercialisées sont achetées en grande surface, qui veulent pouvoir manipuler et conserver les fruits: donc les sélectionneurs ont privilégié le critère de conservation" ajoute la chercheuse. Ces critères demandent notamment une peau plus épaisse et une chair plus ferme.
"Un des grands problèmes des variétés anciennes, c'est qu'elles ont un faible rendement et sont sensibles à toutes les maladies. Quand les sélectionneurs ont vu l'attrait de la "coeur de boeuf", ils en ont maintenu la texture, en améliorant sa résistance et son rendement. Mais elles sont récoltées au stade orange clair puis voyagent stockées au froid le temps d'arriver au supermarché: normalement ça ne se fait pas" décrypte-t-elle.
Selon une étude américaine publiée l'an dernier dans la revue Science, les sélectionneurs ont voulu, dans les années 80, supprimer le collet vert qui se dessine autour du pédoncule quand la tomate n'est pas mûre pour favoriser une coloration homogène. Pour y parvenir, on a introduit un gène mutant qui aurait désactivé des gènes activateurs de murissement, dont celui qui permet au fruit de produire son propre sucre et ses arômes.
Une désaffection du consommateur
Mais Mathilde Causse n'est pas convaincue car, dit-elle, "la région du collet n'est pas la seule à produire du sucre".
Reste qu'en allant trop loin dans les qualités purement visuelles, on a provoqué une certaine désaffection du consommateur, reconnait-elle. "En réponse, les producteurs ont développé les tomates de couleurs et formes variées. Ils ont fait des efforts sur le goût et les qualités: on compte plus de 300 variétés commercialisées en France et au sein d'un même type on a des spécificités en fonction des régions ou des usages".
La contradiction, c'est que la tomate est un produit "de consommation courante pas cher et on voudrait aussi que ce soit un marqueur de qualité."
Au Conservatoire de la Tomate en Touraine, le jardinier Nicolas Toutain conseille surtout d'acheter les tomates au plus près du producteur: "On arrive à des 15 jours de garde avec les variétés en grandes surfaces. Pour les tomates de jardin, c'est 4 à 5 jours maximum et encore: pour conserver les qualités optimales d'une tomate ancienne, il faudrait la consommer dans l'heure".
Source: Huffington Post (http://goo.gl/WD3g9D)
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