vendredi 6 décembre 2013

Ces étudiants formés pour imaginer nos produits de demain

Des écoles enseignent aux étudiants comment scénariser nos attentes, pour créer des produits et services qui répondent à nos besoins.

Design thinking. Les profanes vous regarderont surement l’air perplexe et le sourcil relevé à l’énoncé de ce mot. Pourtant, en matière de conception de biens et services, le design thinking fait partie des modèles phares du moment.
Né aux Etats-Unis, le design thinking est une méthode de conception et d’innovation centrée sur l’homme et ses usages, pour répondre à ses besoins ou résoudre des problèmes de société. Il utilise les outils du designer et ceux d’autres disciplines pour s’ouvrir à la créativité: sciences sociales, ingénierie, architecture, marketing, management, communication… Penser donc global, puis concevoir. C’est ainsi que sont formés une nouvelle génération d’étudiants pour imaginer nos produits du futur.

Scénariser les attentes des utilisateurs

En France, le design thinking commence tout juste à gagner les bancs de l'école. A l’image de l’emblématique "d.school" de Standford, aux Etats-Unis, l’Hexagone se dote d’écoles et formations spécialisées en design thinking. Comme la Paris-est d.School, ouverte à la rentrée 2013, ou la formation lyonnaise Idea, née en 2012 de l’alliance de l’EMLyon et de l’Ecole centrale.
À Nice, l’une d’entre elles met l’accent sur le développement durable. Nommée the Sustainable design school (SDS), elle souhaite apprendre à ses étudiants "à imaginer de nouveaux scénarios de croissance, de nouveaux services, et les objets d’un futur plus humain et plus respectueux pour la terre". Elle est le fruit de la réflexion de Maurille Larivière, cofondateur de Strate Collège et professeur à Polytechnique; Patrick le Quément, ancien directeur du design de grandes entreprises automobiles; et Marc Van Peteghem, architecte naval.

Transversalité des compétences

Depuis octobre 2013, 24 élèves recrutés parmi des formations variées (ingénieur, droit, commerce, design...), du bac au master, sont formés au métier de designer en innovation durable. "On envisage souvent le design au sens superficiel: l’esthétique d’un objet. Mais, il faut comprendre le mot design dans un sens plus large comme étant un mode de conception", avertie le cofondateur de la SDS, Maurille Larivière.
Ici, on enseigne aux étudiants à penser les biens et services en se questionnant sur les usages, puis en explorant de nouvelles idées qui déboucheront sur de nouveaux problèmes à résoudre. "Le principe, c’est de considérer qu’une personne est plus créative lorsqu’elle part d’un scénario. Par exemple, si vous demandez à un designer de dessiner une chaise, vous n’aurez pas le même résultat que si vous lui demandez ‘comment va-t-on va s’assoir demain?’."

Collaboration et formation pratique

Les étudiants apprennent par la pratique et à plusieurs. Réunis par groupes de tous niveaux, ils planchent sur la réalisation de projets à vocation responsables. Ce fût d’ailleurs l’une des motivations de Vincent Gaunord, 34 ans, pour s’inscrire. Après 10 ans de carrière comme dessinateur projeteur puis designer modeleur, il entame un cursus de milieu de carrière: "En plus d’être la seule école à proposer du design durable, elle me permet d’avoir une bonne base théorique. Mais, ce qui est intéressant c’est que la pratique est vraiment mise en valeur".
crédit photo : the SDS
Une séance de workshop (atelier) sur le thème de la complexité dans les projets. Crédit photo: the SDS.
Pour cela, les élèves sont encadrés par une équipe pédagogique de professionnels et formés à différentes disciplines: éco-conception, outils numériques 2D et 3D, prototypage, dessin, sciences sociales… Pour s’épauler, les fondateurs de la SDS se sont entourés de partenaires: six grandes entreprises et une institution. Leur rôle: monter des projets avec les étudiants.
Ainsi, Renault et son département Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) réfléchit avec les étudiants à de nouveaux concepts de mobilité dans les pays en voie de développement. Schneider Electric travaille avec les élèves sur des emballages durables et Sita, filiale de Suez Environnement, sur le recyclage de vêtements.
Le design durable permet donc de repenser les produits et usages selon les différents contextes du monde. C’est ce qu’a fait, par exemple, Corentin de Chatelperron en revisitant la fabrication des bateaux au Bangladesh avec son projet Gold of Bengal. Il a développé un nouvel éco-matériau à base de fibre de jute, produit dans le pays, pour remplacer la fibre de verre moins écologique.
Ces méthodes se rapprochent des logiques de l’innovation sociale, pour satisfaire aussi bien le haut et le bas de la pyramide (BoP), mais aussi de l’innovation jugaad. "Considérer que l’innovation la plus pertinente est celle qui fonctionne avec le moins de moyen, c’est le type de démarche qui nous intéresse", précise Maurille Larivière.

Le gouvernement s’intéresse au design

Le design comme levier d’innovation s’introduit tout juste dans le paysage français. Le 16 octobre 2013, Alain Cadix, ancien directeur de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle, préconisait d’ailleurs, dans un rapport [PDF] commandé par le gouvernement, la reconnaissance du design dans le programme des investissements d’avenir pour obtenir une dotation.

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