mardi 24 décembre 2013

Le consommateur face à l’éco-emballage

La tendance actuelle est à l’éco-conception et la réduction des emballages à la source. Une évolution confirmée par les chiffres. Entre 2007 et 2012, 106 000 tonnes d’emballages en moins sur le marché ont été recensées. Mais qu’en est-il du consommateur ? Qu’attend-il d’un éco-emballage et quel est pour lui l’emballage idéal ? Laure Boisier, directrice de l’institut Lb Qualitive Research a fait un point sur ce sujet lors du congrès Éco-Experts le 3 décembre 2013 à Saint-Denis.

L'institut Lb Qualitative Research aide les marques à comprendre, grâce aux études qualitatives et au community management, "les besoins des consommateurs pour les transformer en produits innovants intégrant toutes les dimensions sensorielles nécessaires à une expérience mémorable". Il développe aussi un programme de mécénat d'études, qui consiste à réaliser des analyses qualitatives au service de causes d'intérêt général, d'association ou de jeunes sociétés œuvrant dans le domaine du développement durable ou de l'entreprenariat social et solidaire.
De juin à septembre 2011, il a réalisé une enquête de terrain à Paris pour connaître la perception et les réflexes des consommateurs face à l'éco-emballage. 2 groupes de 6 consommateurs (hommes et femmes, de 30 à 55 ans, responsables des achats de leur foyer, habitués de la grande distribution traditionnelle ou des discounters) ont été interviewés lors de réunions collectives puis filmés in situ en magasin.

Les attitudes par rapport à l'emballage

Dans un premier temps, Laure Boisier a présenté les attitudes qu'elle a identifiées chez les consommateurs au sujet de l'emballage. Elle les a regroupées en 4 catégories.
• Les cyniques critiques. Pour eux, l'emballage n'est pas important, c'est le produit qui compte.
Exemples de verbatim : "Moi, je m'en fiche de l'emballage, ce n'est pas essentiel, ça remplit la poubelle, c'est encombrant", "La beauté du pack n'est pas essentielle, c'est la qualité du produit qui compte" ou "Ça pollue, ce n'est pas intelligent".
• 
Les esthètes influencés pour qui l'emballage compte, et a une dimension statutaire.
Ex. "l faut des produits qui collent dans la déco de mon salon" ou "Moi, j'aime les couleurs, cela m'attire, ça me repère".
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Les pragmatiques pratiques. Ils ont bien compris l'intérêt d'un emballage en termes d'ergonomie, de praticité pour le transport et de gain de place. Pour eux, il existe une logique contenant/contenu.
• Les sensibilisés anticipateurs. Plutôt minoritaires, ils trient et recyclent leurs emballages, par exemple en réutilisant les cartons pour concevoir des jeux (construction de châteaux pour enfants).

La perception d'un emballage

Laure Boisier a aussi questionné son panel de consommateurs sur la définition d'un emballage. Il en ressort des avis partagés, qui, au final - et cela peut paraître surprenant -, s'inquiètent (trop) peu de son impact environnemental.
• Un déchet inutile. Chronophage à gérer au retour des courses, l'emballage encombre les placards et dans une moindre mesure… pollue la planète (sauf s'il peut être réutilisé).
• Un packaging qui influence. Il met en valeur les marques et s'intègre dans leur stratégie de communication. Objet de plaisir pour les esthètes, c'est aussi un outil de valorisation sociale pour le consommateur.
• Un outil pratique au quotidien. Solide pour le transport, adapté aux usages modernes, facile à ranger, à utiliser, il a une ergonomie acquise qui ne peut être remise en cause.
Mais l'intervenante précise qu'il est aussi perçu comme :
• Un contenant qui doit être au service du produit. Pour le conserver et le protéger, de son lieu de fabrication aux entrepôts de stockage et lors du transport jusqu'au point de vente. Cet emballage à vocation industrielle (ramettes, palettes, cartons…) est sans bénéfice perçu par le consommateur. Et doit aussi être optimisé.
• Un paquet-cadeau qui ne doit pas majorer le prix. Le consommateur a l'impression d'être "arnaqué" quand il y a trop d'emballage, ou quand celui-ci est trop travaillé par rapport à la catégorie du produit.
Suivant les rayons, on ne lui attribue pas la même vocation. Laure Boisier relève que tous les secteurs ne sont pas égaux. Si l'emballage doit être fonctionnel et ne pas majorer le prix d'achat en alimentaire, il doit valoriser le produit et la marque au rayon high-tech. Et pour les soins et la parfumerie, il se doit d'être esthétique et évocateur de l'univers de la beauté (même si le consommateur sait qu'il en paie aussi le prix).

Les usages d'un emballage

• Utilisé pour transporter, ranger et consommer. L'emballage doit répondre à une valeur d'usage et à un environnement de rangement précis (pot de crème en plastique moins lourd que le verre au transport, suremballage en carton d'un tube de dentifrice inutile lors du rangement…).
• Au-delà : il est jeté !  Dès le retour du magasin au moment du rangement ou après la consommation du produit, l'emballage est remisé. Minoritaires sont les consommateurs qui tiennent à le conserver pour les informations qu'il mentionne.
• Le tri sélectif. Bien que peu évoqué par les consommateurs, le tri des emballages commence à entrer dans les habitudes, même si certains affichent leur scepticisme quant à l'efficacité des filières concernées.

La notion d'éco-emballage

Laure Boisier s'est ensuite penchée sur la notion d'éco-emballage. Globalement, le consommateur ne sait pas trop ce que c'est. Il ne connaît pas bien les filières de tri. Il s'interroge sur sa valeur ajoutée par rapport à un emballage habituel. Et il a peur d'y perdre avec.
• Il soulève de la méfiance. Est-ce une arnaque marketing ? Quels sont les bénéfices additionnels pour une notion qui en présente déjà peu ? Y-a-t-il une majoration des prix ? Quel est le véritable impact écologique ?
• Il peut faire perdre en praticité. La consigne et le vrac ne sont pas adaptés au monde moderne urbain. Exemple de verbatim : "Je ne vais quand même pas me trimballer avec mes chaussures à la main ?"
• Il est potentiellement laid.
• Il peut majorer les prix. Ce qui est inacceptable surtout si la quantité d'emballage est réduite.
• Apporte-t-il un réel avantage pour l'environnement ? Le consommateur doute des filières de recyclage et de sa propre connaissance/capacité à faire le bon tri.

La définition de l'éco-emballage

Il n'existe pas de définition réglementaire d'un emballage éco-conçu ou éco-responsable. L'intervenante s'est essayée à définir l'éco-emballage avec son échantillon de consommateurs. Résultats : plusieurs niveaux émergent.

Un éco-emballage diminue le déchet.
• 
Avec une quantité de matière réduite (suppression du suremballage).
• Avec l'optimisation du couple contenant - contenu.
• Avec la commercialisation de recharges.
Un éco-emballage annule le déchet.• Avec la notion de consigne et d'absence d'emballage (le vrac).
• Avec des matériaux biodégradables (amidon de maïs).
Un éco-emballage revalorise le déchet.
• 
Avec des matériaux recyclables, recyclés (carton).
• Avec un emballage pouvant avoir une seconde vie (réutilisation de l'emballage pour un autre usage).
Au final, conclut Laure Boisier "on y projette une bonne action légitime en soit, à laquelle on adhère par défaut… mais sans grande conviction(ex. "C'est pour la bonne cause" ou "Ça n'apporte rien sauf une pseudo ligne de conduite").
Avec les lessives et les produits d'entretien de la maison qui ont en premier commercialisé des recharges et pour lesquels "les marques ont besoin de se racheter, car elles proposent des produits plutôt chimiques", note Laure Boisier, les rayons bio, ceux des cosmétiques et des produits pour bébé sont associés de factopar le consommateur à des catégories de produits utilisant des éco-emballages. Parce que ces segments sont perçus comme proposant une offre de produits naturels et bio, leurs emballages le seraient aussi !

Les marques et l'éco-emballage

Là aussi, 3 catégories ressortent.
• Les marques logiquement associées à l'éco-conception. Celles en lien avec les rayons préalablement mentionnés, en lien avec des produits vertueux.
• Les marques légitimes. Qui ont des valeurs de solidarité, d'éthique, qui inscrivent leur activité dans une démarche responsable. Exemples : Weleda, The Body Shop, Melvita…
• Les marques illégitimes. Les marques de luxe, les marques high-tech, celles dont l'image ne serait pas en cohérence avec une démarche d'éco-conception.

L'emballage idéal selon le consommateur

Parmi les ponts-clés importants relevés pour définir son emballage idéal lors de cette étude terrain, le consommateur a surtout fait ressortir la notion de praticité au quotidien et l'impact du prix sur l'esthétisme.
L'emballage idéal serait :
• extrêmement optimisé, voire ce serait une absence d'emballage,
• réalisé avec une quantité de matière plastique extrêmement limitée (un film collant au produit),
• ou fait de matières recyclables : papier, toile de jute, carton, verre,
• avec des impressions à l'encre biodégradable.
Mais, reprécise Laure Boisier, ces notions s'appliqueraient "sans perdre les bénéfices habituels de praticité, et sans majorer le prix".

L'éco-emballage et la réalité en magasin

Sur les lieux de vente, évoque Laure Boisier, l'emballage écologique n'est pas clairement identifié pour le consommateur. Il n'existe ni label, ni logo. En rayon, L'utilisateur distingue :
• les emballages considérés comme de vrais éco-emballages : optimisation du contenant par rapport au contenu, recharges, offre en vrac, emballages recyclables, couple cohérent d'un produit équitable ou bio avec un emballage recyclable…
• les emballages qui ne sont pas écologiques : suremballage, absence d'optimisation contenant/contenu, complexité de l'emballage, contenant non recyclable (ou réalisé avec plusieurs matériaux), aberration d'un produit bio avec emballage plastique non recyclable…
• les discutables recharge ou format optimisé dans un matériau plastique non recyclable, monodose, produit bio ne donnant aucune information sur le matériau utilisé pour le packaging, offre en vrac avec sachet plastique, contenants non recyclables mais réutilisables autrement…
• les indispensables, comme le suremballage en plastique des packs d'eau, pratique pour le transport, ou les blisters des brosses à dents, nécessaires d'un point de vue hygiénique…
Si Éco-emballages, organisme privé qui assure le pilotage du dispositif national de tri et de recyclage des emballages ménagers, cite l'étude Sociovision 2010 pour affirmer que 68 % des Français déclarent privilégier les produits qui ont le moins d'emballages lors de leurs achats, Laure Boisier a récolté des attentes sur le terrain plus affinées. À savoir que loin d'être prêts à changer ses habitudes et tout en rejetant la "tromperie marketing" et l'"aberration emballage", les consommateurs comptent sur des efforts d'optimisation de la part des marques et non des distributeurs en matière d'emballages écologiques. En conservant la praticité et l'esthétisme d'un contenant classique. Et sans avoir à en payer le prix.
Un défi à relever demain par les industriels, mais aussi les distributeurs et les pouvoirs publics. Et une marge de manœuvre d'éducation encore large auprès des utilisateurs pour qu'ils deviennent aussi acteurs d'une écologie responsable au quotidien.

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