mardi 3 décembre 2013

PME et Grande distribution: cinq bonnes raisons de négocier maintenant

Leclerc, Carrefour, Auchan ou Système U ont besoin de redorer leur image et de différencier leur assortiment de produits vendus en rayon. Les grandes surfaces promettent de mieux tenir compte des spécificités des PME. Une bonne carte à jouer alors que les négociations annuelles se poursuivent.

Pour séduire les PME, Michel-Edouard Leclerc s'engage à ce que les adhérents E.Leclerc honorent les factures des entreprises dix jours avant le délai légal.
Reuters
Et si 2014 était le bon moment pour vendre vos produits en grande distribution? La période est propice pour les petites entreprises qui souhaitent se faire référencer ou développer leur business avec Carrefour, Auchan, Leclerc et consorts. Ces enseignes sont tout sauf philanthropes : si elles cajolent depuis peu une partie de leurs PME fournisseurs c'est qu'ils y trouvent un intérêt pour leur business et leur image. Voici pourquoi.

1. Les PME c'est bon pour l'image de la grande distribution 

Les grandes surfaces ont besoin de mettre plus de PME dans les rayons pour "nettoyer" leur image de fossoyeur des petits commerçants, des producteurs agricoles et d'une grande partie des industries agro-alimentaires. Le côté monstrueux des " usines à consommer " a fini par lasser un client en quête de proximité et de lieux de vie plus humains. La moitié des consommateurs disent ne pas avoir confiance dans la grande distribution, alors qu'à 79% ils font confiance aux artisans et à 75% aux petits commerçants. Plus grave, pour 64% des Français, les hypers portent même une responsabilité dans la crise économique et sociale de la France, selon une étude de l'Observatoire société et consommation (ObSoCo) . Résultat : " Pour se ré-enchanter, l'hyper doit élargir les gammes proposées dans ses magasins, estime Philipe Moati économiste coprésident de l'ObSoCo. Voire créer des espaces dédiés à des catégories d'attentes ciblées : espace " hard discount ", " bio ", " gourmet ", " hallal ". Autant de créneaux et d'opportunités pour les PME. Autre attente exprimée par le consommateur et mal satisfaite par les grandes marques en rayon : celle de responsabilité sociale et environnementale Or les PME qui produisent en France sont bien placées.

2. La grande distribution cherche une offre de produits différenciée et rentable 

L'ère du "mass-market" est dépassée : le consommateur est actuellement en quête de différenciation. Voilà pourquoi les enseignes ont besoin des PME pour se différencier et réaliser des marges plus confortables. Premier constat : les grandes marques sont moins rentables pour la grande distribution, car Unilever, Danone, Nestlé Colgate ou Coca-Cola ont un fort pouvoir de négociation.Ensuite Carrefour, Casino, Auchan ou Leclerc se battent à coup de prix bas sur les produits de grandes marques pour attirer le chaland dans leurs magasins. Les enseignes affichent pour les grandes marques un assortiment et des prix de vente comparables.
" La distribution de masse ne génère plus de croissance ", analyse Dominique Amirault, président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de Francequi regroupe 700 entreprises indépendantes fournisseurs de la grande distribution. " Par contre il y a encore plein de poches de croissance : le besoin de choix du consommateur, son goût pour la qualité...Pour satisfaire ces nouvelles attentes, les PME sont bien positionnées. Elles par offrent des produits très variés, authentiques, avec un ancrage dans un territoire... On a donc un intérêt commun les PME et la grande distribution ."

3. La grande distribution s'engage à tenir compte de la fragilité des PME 

Exception française oblige, la loi fait obligation aux distributeurs, industriels et producteurs agroalimentaires de se réunir d'octobre à février pour discuter chaque année des prix et des conditions commerciales des produits vendus en grandes surfaces. " Ce sont quatre mois de négociation qui pourraient être employés plus utilement à faire du business ! ", peste un patron de PME agroalimentaire. Pour y remédier la Feef a signé en septembre 2013 des accords avec la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) qui regroupe 21 grandes enseignes intégrées (dont Carrefour, Casino, Cora Auchan...). Engagement pris par tous les distributeurs intégrés : terminer les négociations avant fin 2013 au lieu de fin février 2014.
Les distributeurs indépendants (Système U, Intermarché...) ne sont pas en reste qui ont eux-aussi signé des chartes d'engagements : Leclerc s'est même engagé à boucler avant fin novembre 2013 au lieu de fin février 2014 les négociations commerciales.
Autre bonne résolution prise, multiplier les accords pluri-annuels pour travailler dans la durée. La grande distribution promet ainsi des contrats plus longs et moins de ruptures brutales et sans préavis. Le tout pour donner un peu plus de stabilité aux relations commerciales.

4. La grande distribution joue déjà - un peu - le jeu des PME 

Système U a initié depuis plusieurs mois des partenariats avec des producteurs locaux. Son patron, Serge Papin, affirme vouloir " rétablir des relations commerciales équilibrées et justes entre producteurs et distributeurs ". La campagne de communication actuelle de Système U, optimiste et joyeuse, fait la publicité de cet engagement en faveur " d'un commerce qui profite à tous ".
Leclerc de son côté affirme carrément vouloir venir au secours de la trésorerie des PME : " E.Leclerc honorera les factures de ces entreprises dix jours avant le délai légal imposé par la LME ", se félicite Michel-Edouard Leclerc, patron des magasins éponymes. " C'est du concret et du solide. On touche ici à la trésorerie des adhérents E.Leclerc !". Quand l'épicier entrouvre son tiroir caisse, la PME aurait tort de ne pas profiter de ses bonnes dispositions affichées !
De son côté la direction exécutive de Carrefour France affirme avoir redonné de l'autonomie à ses patrons de magasins pour acheter directement auprès de PME locales. Les produits locaux en rayon auraient même doublé, passant de 25.000 à 50.000 en quelques mois.
Des partenariats gagnant-gagnant PME-Grande distribution existent déjà.Certains sont même mis en avant à travers les Grés d'or, une manifestation vieille de 18 ans qui récompense les meilleures pratiques. Illustration: l'accord entre Système U et une PME de charcuterie industriel (Guyader Pays d'Armor) pour lancer une filière de porc bio 100% français avec un regroupement d'éleveurs bio (Porcs bio de France).
Autre exemple, ce partenariat entre Altho, PME du Morbihan et Intermarché : le groupement des Mousquetaires s'engage à développer le business de la chips bretonne sur trois ans.

5. La grande distribution reste un débouché commercial majeur 

Même si son business model donne de signes d'essoufflement, 50 ans après l'invention de l'hypermarché, même si elle donne moins satisfaction au consommateur qui lui préfère des formats plus humains (supermarchés de proximité) , même si elle est concurrencée par le e-commerce sur des catégories entières de produits, la grande distribution reste hyper fréquentée : 92% des Français s'y rend une à 2 fois par mois, selon l'étude 2013 de l'ObSoCo. Son poids économique de l'ordre de 220 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel en fait un mastodonte du commerce. Difficile dans ces conditions de se passer de ce circuit de distribution incontournable!
"Nous préparons une marque collective pour augmenter la visibilité des produits des PME en rayon"
Dominique Amirault président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), association de 700 PME indépendantes qui fournit la grande distribution.

La part de marché des PME françaises dans la grande distribution est tombée de 15 à 18% entre 2008 et 2013. A quoi attribuez-vous cette baisse de 8 points ?

La hausse des matières premières a renchéri les prix des produits des PME. La crise a aussi fait diminuer le pouvoir d'achat des consommateurs. Enfin la loi de modernisation économique de 2008 a exacerbé la course au prix sur les produits de grandes marques dont la grande distribution a besoin pour attirer les consommateurs dans les points de vente. Dès lors, les multinationales se taillent la part du lion.

Les relations PME-Grande distribution sont donc toujours dominées par le rapport de force économique?

Bien sûr. Le rapport de forces entre les grandes marques de multinationales et les enseignes est assez équilibré : quand Leclerc ne représente que 2% du chiffre d'affaires d'Unilever, perdre Leclerc n'est pas dramatique pour la multinationale.Par contre une PME peut facilement réaliser 40% de son chiffre d'affaires avec Carrefour. Elle se trouve alors dans un état de dépendance qui l'empêche de négocier. Si elle refuse les conditions de la centrale d'achat, elle risque de tout perdre et de devoir licencier.

Comment rééquilibrer le rapport de forces?

Comme à l'école vous ne pouvez pas mettre les petits tout de suite dans la cour de grands sinon ils se font "casser la gueule" ! C'est pourquoi nous plaidons pour un traitement différencié des PME et que nous avons signée avec la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) une "plateforme différenciée PME". Il faut mettre les PME dans des conditions qui leur permettent de grandir. Comme cela ne peut se faire par la loi, il faut le faire par la coopération. Nous sommes peut-être des petits mais nous sommes majeurs et indépendants : nous préférons trouver des accords avec la grande distribution plutôt qu'une nouvelle loi.

Comment comptez-vous augmenter la visibilité des produits des PME dans les rayons?

Nous sommes peu connus et peu présents dans les points de vente. Comme nous n'avons pas les moyens individuellement de nous faire connaitre, nous prévoyons de lancer en 2014 une marque fédérative PME avec un cahier des charges très précis. Si le consommateur peut voir en linéaire qu'il a affaire à un produit de PME, il sera rassuré et achètera davantage nos produits. Et pour la grande distribution nos produits de PME sont bien plus rentables que ceux des grandes marques.

Source: L'Express (http://goo.gl/qt8aM1)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire