mardi 11 juin 2013

Bien manger pour sauver la terre

Comment résister à ceux qui empoisonnent nos assiettes en dénonçant ceux qui nous mentent sur l’étiquette. 


Bien manger pour sauver la terre
Outre les récents scandales alimentaires ayant copieusement défrayé la chronique, il aura fallu les dizaines de statistiques alarmantes publiées par les défenseurs de l’environnement et les rapports accablants de nombreux organismes de santé pour comprendre que, d’ici quelques années, si des mesures drastiques ne sont pas prises au plus haut niveau pour corriger les dérives d’un système néolibéral faisant de la nourriture humaine la source de ses plus macabres profits, le principal souci de notre civilisation sera son alimentation. 

La courbe démographique est déjà en train de s’inverser en même temps que les décès dus à des facteurs environnementaux et sanito-alimentaires sont en constante augmentation. Les anciennes maximes « dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » et « on creuse sa tombe avec ses dents » ne se limitent plus désormais à l’individu mais à la société toute entière. 

Ce n’est plus seulement le comportement du simple consommateur qui déterminera l’évolution de la façon dont l’homme doit se nourrir mais une véritable prise de conscience collective apte à bousculer des pratiques dominées par la logique du marché.
    
Le premier combat des défenseurs d’une alimentation bonne, propre et juste, consiste à pointer les risques que courent ceux qui ne prennent pas le temps de lire l’étiquette ou l’emballage des produits saturés de chimie, ceux qui refusent d’admettre que l’industrie agroalimentaire, si soucieuse naguère d’accomplir des prouesses technologiques pour nourrir la planète, redouble à présent de malice pour multiplier ses profits financiers sur le compte de la santé publique. 

A l’heure de dresser l’inventaire de tout ce qui a généré un processus économique et social ayant conduit le monde occidental à s’éloigner de la nature pour s’engraisser, il convient de montrer du doigt le plus terrible ennemi de l’être humain du XXIe siècle : la grande distribution. 

Car c’est pour elle que le lobby agroalimentaire industrialise nos campagnes, étrangle les fournisseurs, éradique l’artisanat, et pour elle aussi que la télévision met du « temps de cerveau » à disposition des grandes marques. Le concept de la grande surface, lancé dans les années 1950 par un épicier du nom d’Edouard Leclerc, et qui fut une formidable innovation permettant aux revenus les plus modestes d’accéder à des produits jusque là interdits, s’est transformé en une machine à broyer le petit producteur par des tarifs d’achat le contraignant à négliger sa qualité s’il veut rester compétitif, et à aliéner les masses par une incitation à la surconsommation de denrées industrielles inutiles.

Nous n’avons pas de mots assez durs pour dénoncer les pratiques d’une maquerelle publicitaire qui, prête à tout pour parvenir à ses fins, n’hésite plus à prendre nos enfants par leur talon d’Achille en excitant leur basic instinct. Quand elle cible les plus jeunes, la publicité use et abuse des héros de dessins animés afin de promouvoir des produits de marque. 

Ainsi les clients de demain se font-ils truffer le crâne de messages nocifs et d’images vénéneuses, où les sucres les plus abjects, les graisses les plus immondes, les additifs les plus infâmes et les conservateurs les plus dégueulasses finissent lentement, mais sûrement, par intoxiquer les esprits et les organismes jusqu’à l’accident de santé. Un empoisonnement prémédité par des firmes sans scrupule sous l’œil inconsciemment complice de parents toujours ravis de satisfaire la fringale générée par un slogan ou  un spot « vu à la télé »

De quoi stigmatiser l’étrange collusion entre les chaînes de télévisions, la grande distribution etl’Ania (Association nationale des industries agro alimentaires), dont le lobbying auprès de la classe politique, des institutions et des médias obtient trop souvent gain de cause en contournant les dispositions sanitaires qui fâchent, c’est-à-dire celles qui réduisent les bénéfices des ogres que sont, entre autres empoisonneurs publics, les marchands de boisson éduclorées. Le cas du rejet de « l’amendement Nutella » (qui prétendait taxer les aliments surdosés en huile de palme) par Marisol Touraine, Ministre socialiste de la Santé, en est le dernier exemple.
      
L’inventaire serait trop long à dresser ici, mais il faudra un jour jeter en juste pâture à l’opinion publique la liste des marques vérolées afin qu’elle s’en saisisse et, sans violence ni agressivité, s’en détourne avec le mépris qui sied à une victime abusée. Tout dépend de la capacité des défenseurs de la « bonne bouffe » à informer le citoyen consommateur des dangers qui le guettent sur les rayonnages chamarrés et multicolores de la grande Babylone distributrice. 

Il serait également temps de donner le coup de grâce à l’hygiénisme imbécile d’une réglementation européenne dictée par les lobbies bureaucratiques de la frigidité alimentaire anglo-saxonne. A quel genre d’aberrations cela peut-il aboutir ? Citons, parmi d’autres, le cas des« ovoproduits », destinés à remplacer l’œuf du poulailler, dont la coquille peut tuer, du fait d’avoir été pondu… 

Il s’agit de jaunes et de blancs d’œufs conservés séparément sous forme liquide, concentrée, surgelée ou en poudre. Ou mieux encore, des œufs durs écalés par des machines vendus sous forme de bloc dans lesquels les rondelles sont déjà prétranchées et précalibrées. 

Sans oublier, bien sûr, les omelettes, les œufs brouillés ou mollets, vendus en barquettes et prêts à l’utilisation. Ceci n’est qu’un exemple de ce qui se met en place au nom de la santé publique pour muer la poule de basse-cour en poule aux œufs d’or de la batterie agroalimentaire. On en passe et des bien pires qui pullulent en douce dans nos assiettes.
          
Des horreurs alimentaires de la sorte, nos satrapes de la Commission européenne nous en servent à la louche, jusqu’à satiété, voire indigestion, tout en faisant en sorte de masquer la vérité et de déréglementer au maximum, avec la pugnacité de ceux qui savent que, plus les populations prendront la peine de s’informer sur leurs besoins nutritionnels et de s’inquiéter du contenu de leur assiette, plus les industriels, les distributeurs et les communicants veilleront à les respecter. Mais pour cela, l’info doit-elle encore circuler. 

Or, si certains médias, dont Marianne, participent activement à cette prise de conscience, d’autres, comme C dans l’air, émission pourtant longtemps vigilante et qui n’est plus que l’ombre d’elle même, ont décidé de poser un couvercle sur les problèmes de malbouffe, la production considérant certains thèmes contraires aux intérêts de la « bien pensance » en vigueur sur le service public. A bon auditeur et téléspectateur salut.

Enfin, que l’on arrête de dire que bien manger coûte cher. Pour peu que l’on se donne un peu de temps et de volonté pour y arriver, on peut se nourrir aujourd’hui en France pour quelques euros. Au-delà des pâtes, rien n’est moins coûteux et facile à réaliser à la maison, en peu de temps, qu’une soupe de légumes, une omelette aux lardons, un hachis Parmentier, des endives au jambon, un gratin dauphinois, un petit salé lentilles ou un merlan meunière à 3 ou 4€. Le reste n’est qu’intox du néolibéralisme empoisonneur de supermaché. 

La propagande consumériste qui incite à consacrer un minimum d’argent et un minimum de temps à son alimentation cherche en fait à imposer une nourriture désolante tout en laissant le client rivé devant son écran de télé pour qu’il enregistre ses consignes. 

Ceux qui refusent de s’en émanciper sont les complices du monstre qui les dévore en polluant la planète. Manger en conscience pour sauver la Terre est à la portée de tout le monde. Il y va du salut de l’humanité.

Source: Marianne (http://goo.gl/sa4gu)

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