Alors que plus de 3 millions de personnes font appel aux associations de dons alimentaires, les Français jettent chaque année 20 à 30 kg de nourriture encore consommable. Un contraste qui remet en question nos habitudes alimentaires. Mais les consommateurs sont loin d’être les seuls à jeter la nourriture. La grande distribution voit passer des tonnes de denrées alimentaires chaque jour. Comment gérer des stocks quand le "client roi" est seul à décider de ce qu’il achètera ou non ? Est-il possible d’éradiquer le gaspillage alimentaire ? La lutte anti-gaspi des distributeurs s’installe et se fait de plus en plus intense. Fini les emballages cartonnés ou les produits à DLC très longue, l’heure est au vrac, aux prix cassés, au fait-maison et aux initiatives.
Les dons sont largement sollicités par la grande distribution pour lutter contre le gaspillage alimentaire. En 2012, Carrefour a distribué l’équivalent de 83,4 millions de repas à 3,5 millions de bénéficiaires d’associations et a signé le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. METRO Cash & Carry France, Auchan et Monoprix sont également signataires de ce pacte. De son côté, l’indépendant E.Leclerc a donné plus de 42 tonnes d’aliments aux Banques Alimentaires via ses centrales d’achats régionales, soit 25% de plus qu’en 2011.
Pour Didier Piard, directeur de l’action sociale à la Croix-Rouge, "la grande distribution donne ses produits quand elle a mal géré ses stocks. Mais grâce à elle, nous avons la possibilité d’avoir des aliments diversifiés." Pilier indispensable au bon fonctionnement des associations, les distributeurs représentent 36 % des dons en 2012 pour les Banques Alimentaires.
Gestion des stocks
"Notre objectif est de vendre tous nos stocks, donc la première de nos priorités est de mieux gérer nos commandes", déclare Anne-Virginie Dissard, responsable des relations institutionnelles à Auchan. La grande distribution a bien compris que le début de la bataille contre le gaspillage alimentaire commençait en amont des commandes. Toutes les denrées jetées leur coûtent très chers. Les enseignes tentent de prévoir à l’euro ou au kilo près les quantités nécessaires à commander à leurs fournisseurs. "Malgré nos efforts de gestion il y a des paramètres qu’on ne peut pas prendre en compte, comme la météo par exemple", rétorque Anne-Virginie. Le "trop plein" de commandes ou les imprévus sont inévitables. Alors quand chaque semaine ou chaque jour les distributeurs se retrouvent avec plusieurs palettes de denrées sur les bras, plusieurs options s’offrent à eux: dons, ventes jusqu’à DLC à prix réduits, transformation des fruits et légumes…
En chiffres
7 kg d’aliments encore emballés. C’est ce que jette une personne chaque année
13 kg de restes de repas, de fruits et légumes abîmés ou non-consommés sont jetés par habitants tous les ans
20 à 30 kg. C’est ce qu’un Français gaspille en nourriture par an
3,5 millions de personnes bénéficient de l’aide alimentaire des associations caritatives
Initiatives
Mais la grande distribution trouve ses propres parades pour contrer le gaspillage alimentaire. Si jusqu’à présent enlever des rayons des produits à DLC approchant de cinq jours (j-5) était monnaie courante, la tendance tend à s’inverser. E.Leclerc, Système U et Carrefour voient des rayons "zéro gâchis" fleurir dans leurs magasins. Le but ? Vendre des fruits et légumes abîmés ou des produits à DLC proches à prix cassés. Un véritable succès auprès des consommateurs. De son côté, Auchan a développé le BOGOFL (Buy One Get One Free Later). Le principe est simple: le client achète un produit une semaine et peut repartir avec ce même produit gratuitement, une semaine plus tard. Les distributeurs impliquent directement les clients dans leur nouvelle lutte contre le gaspillage. "Nous essayons de proposer un maximum de solutions pour nos consommateurs. Par exemple nous avons désormais des rayons Vrac, ce qui permet de supprimer l’emballage et surtout d’acheter la quantité voulue. Nous avons aussi mis en place un système de yaourts à l’unité. Car un célibataire va difficilement pouvoir manger 12 yaourts à temps sans dépasser la date limite", détaille Anne-Virginie.
« Zéro gâchis » investit la grande distribution
Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, trois associés ont développé un concept de baisse des prix en grande surface pour vendre les produits à DLC proche, l’opération « zéro gâchis »
En quoi consiste « zero gâchis » ?
Des meubles frais et des étagères sont regroupés dans les grandes surfaces, avec une identité visuelle bien reconnaissable. Dans ces points de vente, produits frais, fruits et légumes et aliments à DLC proche d’environ cinq jours sont mis en vente. Le but est d’écouler un maximum de ces stocks qui auraient, en temps normal, été retirés des rayons pour être donnés ou détruits. Les prix sont attractifs et l’opération semble séduire consommateurs comme les distributeurs.
Quel est l’avenir de cette opération test ?
Pour le moment « zero gâchis » est présent dans un Système U, un Leclerc, un Intermarché et un hyper Carrefour de Bretagne. Si au début l’opération était un test gratuit, les distributeurs rémunèrent désormais les jeunes auto-entrepreneurs. Les industriels s’emparent également du phénomène puisque certains envoient directement à la jeune entreprise des produits, avec une DLC trop courte pour être vendus aux distributeurs.
Lutte locale
Mais parfois, certaines initiatives anti-gaspillage au niveau national n’ont qu’un faible impact au niveau régional. C’est pourquoi les distributeurs n’hésitent plus à lancer des opérations très locales. Ainsi Auchan a lancé "l’opération confiture" ou l’opération "panier de la mer", dans certains magasins. L’enseigne rachète fruits ou poissons abîmés directement aux producteurs pour proposer d’en faire une confiture ou une soupe. Carrefour de son côté lancera à la fin de l’année un bar à soupe et à smoothies à partir de fruits et légumes non-commercialisés. Des idées originales pour les distributeurs qui évitent la perte des produits et vendent à bas coûts. Ainsi, producteurs, distributeurs et consommateurs s’y retrouvent et le gaspillage est évité.
E.Leclerc qui vient de signer un partenariat national avec les banques Alimentaires avait déjà 90% de ses magasins engagés dans des partenariats locaux.
Toujours à l’affut de nouveaux projets, la distribution semble prendre conscience du problème de gaspillage alimentaire et tente de trouver des solutions durables. Guillaume Garot, ministre délégué à l’agroalimentaire a de son côté annoncé son objectif pour 2025: 50% de gaspillage alimentaire en moins.
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