jeudi 20 juin 2013

Débat de "Marianne" sur l'alimentation : quid des pesticides et de la chimie ?

Ce week-end, le journal "Marianne" organise des débats publics et gratuits sur le thème"Qu'est-ce qu'ils nous font manger ?". Parmi les tables rondes annoncées, Corinne Lepage relève une thématique manquante : la toxicité et la pollution chimique. Pour elle, il est impensable de faire l'impasse dessus.


Que mange-t-on ? Ou de manière plus populiste, que nous font-ils manger ? Le sujet est majeur, au croisement de la santé publique et de l’économie, du pouvoir d’achat et de l’aménagement du territoire. Certes, il est bien des manières de l’aborder, mais il est en revanche une réalité : il est impossible de le traiter en excluant la question de la toxicité et de la pollution chimique majeure qui affecte aujourd’hui l’humanité.

Pourquoi ne pas parler des pesticides et autres perturbateurs endocriniens ?

Oui, le terroir, la lutte contre la malbouffe, la gastronomie, le goût sont des sujets consensuels et importants. Mais, l’essentiel n’est plus là aujourd’hui.

Le vrai sujet est celui du mode de production agricole, de l’utilisation massive de la chimie dans l’alimentation, des pesticides et autres perturbateurs endocriniens. Le vrai sujet est celui des conséquences de ce qui précède, à savoir une pollution croissante et de plus en plus difficilement réversible des sols et de l’eau, et la présence de produits chimiques divers, pesticides et perturbateurs endocriniens dans le corps humain, à commencer par celui des fœtus et des nourrissons. Pour rester dans l’actualité immédiate, l’étude de l’Inserm sortie ce 13 juin ne fait qu’ajouter une pierre supplémentaire à un édifice que seuls ceux qui refusent de voir ignorent.

C’est la raison pour laquelle organiser un vaste débat autour de l’alimentation en prenant bien soin de ne traiter en rien les sujets qui précèdent, procède au mieux du passe-passe, au pire de la malhonnêteté intellectuelle. Les lobbys de l’agrosemence, soutenu malheureusement par une large part du monde agricole, totalement dépendant pour son activité des producteurs de semences et de pesticides mais qui n’est en réalité qu’une victime parfois physique du lobby (les agriculteurs sont les premières victimes des maladies liées aux pesticides et les premières décisions judiciaires reconnaissant l’exposition pesticides comme une maladie professionnelle sont sorties) sont très puissants dans le monde politique comme dans le monde médiatique.

Les règles du jeu restent fixées par les lobbys

Malgré les scandales à répétition, dont la viande de cheval n’est qu’un épiphénomène, malgré les études qui s’empilent, les règles du jeu restent fixées par les lobbys, grâce notamment aux experts liés aux lobbys qui peuplent les comités publics d’expertise. Des lors, il devient possible de palabrer sur l’alimentation et de mettre en cause les grandes surfaces et leurs marges, qui bien entendu existent, en occultant toute la question sanitaire et environnementale.

Pas question de mettre en cause les lobbys de la chimie et de l’agroalimentaire qui bloquent tout progrès sérieux dans l’étiquetage alimentaire (un milliard d’euros a été dépensé au Parlement européen pour contrer un étiquetage simple pour le consommateur en particulier sur le sel, le sucre et les graisses). Pas question de parler sérieusement des pesticides, des désastres liés à la pollution des sols et de l’eau avec leurs conséquences sur les produits, de l’obésité etc... Quand de surcroît, des lobbyistes camouflés sous un faux nez de journaliste peuvent intervenir directement dans le débat, c’est encore mieux car après tout on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Le débat est indispensable. Mais il n’est plus supportable de tricher et de prendre les citoyens pour des pommes. Les vrais sujets sont dans les produits autorisés, dans les expertises bidonnées du fait des conflits d’intérêt, dans la priorité donnée à la rentabilité sur la santé, aux pressions des lobbys sur les politiques et les médias pour étouffer les sujets qui fâchent et éviter les réglementations qui gênent. On peut décider de mettre le boisseau mais on n’est pas obligé en plus de faire prendre des vessies pour des lanternes.

Source: Nouvel Obs (http://goo.gl/n2e04)

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