mardi 25 juin 2013

Paysans.fr, pionnier du Net alimentaire

Les Marmandais Marc Sahraoui et Patricia Juthiaud, qui ont créé en 2002 paysans.fr, étaient des précurseurs. Ils participent au forum Fodali, à Périgueux.

Marc Sahraoui et Patricia Juthiaud sont les pionniers en France de la vente de produits frais sur Internet.

Marc Sahraoui et Patricia Juthiaud sont les pionniers en France de la vente de produits frais sur Internet. (photo dr )

Fodali se déroulera demain et jeudi à Périgueux. Porté par la Communauté d’agglomération périgourdine (CAP), que préside le sénateur (PS) Claude Berit-Débat, il s’agit du premier forum jamais organisé en France sur les « modes de distribution alimentaires innovants ». L’accent sera mis notamment sur le commerce alimentaire numérique, avec, parmi les intervenants, Marc Sahraoui.Fondateur, avec Patricia Juthiaud, de paysans.fr, c’est un pionnier dans ce domaine. « Nous avons créé l’e-commerce de produits frais en France. Ailleurs, il n’y en avait pas beaucoup non plus, un seul aux États-Unis ! » se souvient-il. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 650 sur le territoire national, et le géant américain Amazon s’y intéresserait à son tour.
Lot-et-Garonnais, Marc Sahraoui et Patricia Juthiaud ne sont pas des paysans mais des consultants spécialisés dans les technologies de l’information. C’est dans le cadre d’une mission pour le ministère de l’Agriculture auprès de syndicalistes agricoles et du Groupement d’intérêt économique (GIE) Fruits et légumes qu’ils avaient rencontré des producteurs prêts à se lancer dans l’aventure. Ainsi naîtra, en 2000, paysans.org, qui s’arrêtera cependant un an plus tard : « Pas assez pro », résume Patricia Juthiaud. Fin de l’histoire ? Non : « Les clients sont venus nous dire de continuer, alors on les a suivis. » Ainsi, après quelques péripéties, en partie liées aux noms de domaine, paysans.fr a-t-il vraiment démarré le 1er janvier 2002. Son succès, depuis désormais plus de dix ans, ne se dément pas. Il tient essentiellement, affirment Marc Sahraoui et Patricia Juthiaud, à « la promesse » faite au producteur comme au consommateur. Le producteur est payé à moins de 15 jours sur un « prix de production et non pas sur un prix de marché ». De plus, il récupère ses emballages.
1 million d’euros
Quant au consommateur, « en recherche de sens et de proximité », il a l’assurance d’un produit de qualité, livré à domicile, et qu’il paie moins cher que dans une grande surface. C’est l’avantage du « circuit court », qui n’admet qu’un intermédiaire au maximum entre le champ et la fourchette. Pour se garantir la qualité, paysans.fr a choisi de « ne pas être lié à un groupement de producteurs en particulier mais à plusieurs, auxquels on ne prend jamais davantage de 20 % de leur production. Ça nous permet d’être libres et d’exercer un vrai contrôle ».Aujourd’hui, l’entreprise, une société anonyme, s’appuie sur un noyau de 160 producteurs réguliers.
Nichés au fin fond de la zone d’activité Michelon, en retrait de la nationale 113 à Marmande (47), les locaux de paysans.fr ne payent pas de mine. Économie de structure oblige. Politique du zéro stock aussi. Pour autant, l’activité génère un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 1 million d’euros, soit « l’équivalent de celui d’une supérette », souligne Patricia Juthiaud. Elle induit « 35 postes de travail à plein-temps » pour seulement cinq emplois directs à Marmande.
Parti des fruits et légumes, paysans.fr a élargi sa gamme, y ajoutant la viande, le poisson, les fromages et produits laitiers. Toujours en frais et selon les mêmes principes de qualité et de contrôle. Il écoule entre 800 et 1 000 paniers par mois au prix minimum de 80 euros, livrés à domicile en « froid constant » (entre 2 et 4 degrés) soit par camion, soit par emballage-frigo, à travers toute la France. « Nous sommes devenus entreprise pilote pour Chronopost ! » sourit Patricia Juthiaud. Paysans.fr a aussi travaillé le marketing, proposant des paniers adaptés à différents publics (famille, couple, célibataire, végétarien, etc.).
Levée de fonds
Si le succès est au bout, le chemin n’a pas toujours été bordé de roses : « Trois contrôles de la DGCCRF, trois contrôles sanitaires, un contrôle fiscal, un contrôle Urssaf, en onze ans ça fait beaucoup ! Je vous passe les pannes de camion. Mais on a survécu, on n’est pas devenus paranos », assure Patricia Juthiaud. Marc Sahraoui positive : « Je dirais même que tout ceci a renforcé notre exigence à rester toujours nickel ! »
Mais paysans.fr doit évoluer. La concurrence se multiplie, et son site n’apparaît plus systématiquement comme autrefois en haut des pages Google. Pour assurer son développement, il a encore innové en lançant une levée de fonds « participative », via l’association Les Amis de paysans.fr. Marc Sahraoui a bon espoir d’atteindre les 400 000 euros en septembre. Ils permettront la remise à niveau de la structure logistique. L’objectif de passer de 4 à 5 000 paniers par mois en 2014. Paysans.fr innove aussi dans sa communication. Il vient de créer « Média Paysans » afin de commer- cialiser ses produits sur un nouveau support : les émissions de télévision « pédagogiques ». Il s’est associé à Campagne TV, mais d’autres chaînes, et non des moindres, sont intéressées, affirme Marc Sahraoui. Ces émissions s’inscrivent dans le créneau du « téléachat ».
Pour une « charte »
Marc Sahraoui a également fondé, en février dernier, l’Association du commerce des produits frais en ligne, qui compte une quinzaine de membres. « Avec les structures qui se multiplient, cela entraîne de la confusion. Il y a énormément d’apprentis sorciers. Il faut des règles, une charte ! » Il s’inquiète aussi de l’émergence de « schémas associatifs », qui perturbent, selon lui, les « schémas commerciaux ». À l’opposé, la grande distribution observe et, éventuellement, copie : « On voit bien qu’elle regarde régulièrement notre site. »
Au final, ces éléments sont le signe que les nouvelles formes de distribution alimentaire prennent corps dans le paysage, s’inscrivent dans un marché.Patricia Juthiaud l’affirme : « Les gens nous prennent facilement pour des intellos décalés, des utopistes. Sans doute. Mais nous sommes aussi des commerçants ! »

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