mercredi 12 mars 2014

Les supermarchés néerlandais: maîtres en perception du prix

Depuis l’arrivée d’Albert Heijn en Belgique, l’intérêt que porte notre pays aux supermarchés néerlandais n’a cessé de croître. StoreCheck s’est rendu chez nos voisins du nord avec un groupe de fabricants de marques et de distributeurs pour un après-midi instructif. Les supermarchés néerlandais sont-ils moins chers? Plus ou moins, ils sont surtout très bons en matière de perception.
Pour ce safari, nous avons bénéficié de l’accompagnement d’un expert, un connaisseur de la vente au détail, Adri van Tol. Il a déjà aidé de nombreuses entreprises belges à améliorer leur distribution aux Pays-Bas. Pour chaque magasin visité, il nous a communiqué des chiffres et des informations de base et a même donné un “devoir” aux participants lors de leur visite. Ce qui a donné lieu à d’intéressants échanges dans le car. Visiter un magasin en compagnie d’un professionnel apporte bien plus d’enseignements que d’y aller seul ou avec des collègues de la même entreprise. Les Safaris de StoreCheck apportent aux participants des idées uniques, des contacts intéressants et une mine d’inspiration.
La cuisine, le cœur du magasin
Premier arrêt: le très discuté Jumbo Foodmarkt à Breda. Le plus grand supermarché des Pays-Bas, ouvert en avril 2013, vend uniquement de l’alimentaire sur 6 000 m² et intègre des éléments horeca innovants dans le concept de magasin. Il est situé dans un centre commercial du stade de football de NAC Breda, à l’extérieur du centre-ville. Un endroit atypique pour un supermarché aux Pays-Bas.
Nous sommes accueillis chaleureusement par René van Schijndel, manager de la formule Jumbo. Il nous résume les tendances: “Les consommateurs veulent une alimentation plus saine et savoureuse, cherchent la facilité et veulent du choix tout en restant sensibles au prix”. La chaîne en tient compte avec cette nouvelle formule. L’horeca n’a pas été ajouté au supermarché, mais intégré. Quarante cuisiniers travaillent ici, guidés par le chef étoilé Ton Verhaar. “Notre cuisine d’essai est le noyau essentiel du magasin.” Les clients peuvent consommer sur place ou emporter leur plat, suivant le concept ‘make it, take it, eat it’. A la pizzeria par exemple, vous pouvez acheter et consommer sur place ou emporter à la maison des pizzas préparées sous vos yeux. Vous pouvez également acheter les ingrédients frais et préparer la pizza vous-même chez vous. “Nous vendons autant de boules de pâte à pizza que de sachets de chips au paprika”, nous révèle-t-il.
Un personnel attentif
Les départements de produits frais semblent en tout cas particulièrement chaleureux et accueillants. Jumbo mise sur l’artisanal. L’offre horeca est variée: des pizzas et pâtes aux grillades, en passant par des plats asiatiques. Des dégustations sont proposées partout. Dans tout le magasin, la vente croisée donne le ton, l’équipe dispose même à cette fin d’un responsable final. Le vin et la moutarde près du fromage, le citron et les sauces près du poisson, etc. Un personnel attentif qui salue aimablement chaque visiteur – une constante que l’on rencontre dans chaque supermarché néerlandais que nous visitons, y compris chez les discounters.
Contrairement à l’espace fraîcheur, le département d’alimentation sèche paraît très austère et froid, on discerne quelques similitudes avec Colruyt. On insiste sur les prix, l’affichage est voyant. Un contraste énorme, mais le message est clair: il est avantageux de faire ses courses ici. Jumbo garantit les prix les plus bas, mais d’autres chaînes néerlandaises le font également. A la caisse, nous sommes frappés de constater que le panier moyen semble plutôt petit pour un aussi grand magasin. Jumbo Foodmarkt reçoit entre 35 000 et 40 000 clients par semaine et est ouvert sept jours sur sept. Un deuxième Foodmarkt est prévu à Amsterdam. Le distributeur ambitionne d’ouvrir dix nouvelles succursales dans les trois prochaines années.
Des discounters hauts en couleur
Une visite éclair est ensuite rendue à deux discounters à Oosterhout. Normalement, le discounter de marques Nettorama est aussi discret et fermé que l’est Aldi chez nous. Nous sommes invités à visiter le magasin mais aucun guide ne nous accompagne et nous ne pouvons pas prendre de photos. L’histoire de la chaîne est particulière: une entreprise familiale de 30 magasins qui ne vend pratiquement que des marques A aux prix les plus bas des Pays-Bas. Parce qu’ici aussi, apprenons-nous, on se targue de garantir les meilleurs prix, dans un rayon de dix kilomètres. Nettorama est rentable grâce à une organisation astucieuse, un focus sur la réduction des coûts et des achats opérés par le biais du regroupement Superunie.
La marque maison Perfekt (avec k) est très modestement présente. Nettorama doit son succès aux comparaisons de prix réalisées sur les marques A bien connues et accorde des réductions sur les achats en grosse quantité. Le frais est également très présent. Le magasin de moins de 1 000 m², installé dans un quartier résidentiel, ressemble un peu à Aldi et semble assez bien fréquenté, à en juger le bruit qui y règne. La perception est claire: en tant que client, il y a des affaires à faire ici! Mais outre le folder promotionnel, la chaîne diffuse également un joli magazine lifestyle riche en recettes et en informations. Le distributeur limite volontairement le panier à 70 euros au maximum pour que les clients n’aient pas l’impression d’avoir trop dépensé.
Lorsque nous nous rendons dans le tout nouveau Lidl d’Oosterhout, un peu plus loin, nous constatons que le discounter ne vend pas de marques A aux Pays-Bas (à l’exception d’Haribo). Alors que c’est bien le cas d’Aldi. Pour le reste, c’est la même chose. Dans toute l’Europe, Lidl est en train de passer du hard discount au smart discount. L’élément le plus frappant est sans conteste le beau département bake-off. C’est un magasin clair, synoptique et soigné. Les départements des produits frais et des surgelés jouissent d’un formidable espace. Ici aussi, les prix et actions sont annoncés à grand renfort de couleurs et d’affichages détonants. Le magasin est ouvert le dimanche et ne vend pas que de l’alimentaire mais aussi… des voyages.
Supermarché de l’année
La cerise sur le gâteau: Albert Heijn à Made, un magasin franchisé de 1 700 m² qui a été proclamé meilleur magasin franchisé AH en 2009, meilleur AH tout court en 2011 et qui est de nouveau finaliste, cette année, du concours ‘Supermarché de l’année’. L’histoire de l’entrepreneur Twan van Meel a de quoi inspirer. Il a connu la misère après avoir repris le magasin de village de ses parents. Mais il a tenu bon, il a agrandi le commerce, y a ajouté un Etos (droguerie) et un Gall & Gall (magasin de vins et spiritueux) et s’est ainsi rendu indispensable dans la communauté locale. Il organise des festivals de musique, un barbecue de village, des dîners-spectacles, etc. Il a mis sur pied un service gratuit de taxi pour les personnes âgées le vendredi, et à chaque naissance, il distribue des petits cadeaux. La priorité ici, ce n’est pas le prix mais les clients, ils sont chouchoutés 365 jours par an.
Tout cela n’est possible que si les collaborateurs (au nombre de 200!) jouissent également d’une grande attention: coaching, formations, entretiens de fonctionnement, soirées d’informations thématiques, etc. Au chapitre des innovations, on épinglera le système d’enregistrement par reconnaissance des empreintes digitales et un planificateur du supermarché en ligne que les collaborateurs peuvent utiliser eux-mêmes pour répartir entre eux les temps de travail.
D’un magasin de village à un magasin régional
Malgré le plafond assez bas (ce n’est pas une nouvelle construction), nous découvrons un magasin convivial avec un espace fraîcheur attrayant et de sympathiques collaborateurs. Nous observons des clients fidèles en train ci et là de tailler une bavette. Ce n’est pas un hasard si l’endroit préféré de l’entrepreneur est le coin café où les clients peuvent s’installer pour lire le journal tout en savourant un petit café et une gaufre hollandaise. Cette impression de village est essentielle dans ce magasin.
Cet Albert Heijn est leader du marché dans son domaine, malgré la sérieuse concurrence de Jumbo, Aldi, Supercoop, Lidl, Emté et Plus. Mais Twan van Meel ne s’en contente pas. “J’ai une mission: transformer mon magasin de village en magasin régional. J’aimerais déménager sur un terrain ici tout près. J’y prévois un magasin de 2 400 m² de surface de vente disponible avec un plus grand parking. Je pourrai ainsi accorder davantage de place à l’espace fraîcheur, créer un îlot culinaire et ouvrir un point de collecte.” Nous avons ici sous nos yeux la preuve que malgré la politique rigide de la formule Albert Heijn, les entrepreneurs disposent encore de pas mal de marge pour prendre des initiatives personnelles. Pourvu que ce futur AH Made ne perde pas cette impression de village unique…
Quelles leçons tirons-nous des Pays-Bas?
  • Les supermarchés néerlandais paraissent beaucoup plus sobres et plus propres que le magasin belge moyen. Les coûts salariaux moins élevés et la plus grande flexibilité d’emploi (engagement d’étudiants) y sont pour beaucoup.
  • Le personnel des supermarchés est bien ‘drillé’, ils disent toujours bonjour, s’adressent aimablement aux visiteurs et vous accompagnent pour vous montrer où se trouvent les produits que vous cherchez. Est-ce si compliqué?
  • Même en semaine, des dégustations sont organisées dans les magasins. A moins que cela soit uniquement dû à notre présence ce jour-là?
  • Les supermarchés néerlandais sont-ils vraiment beaucoup moins chers que les supermarchés belges? Oui pour ce qui est des grands articles de marque (souvent en promotion, la vente à perte est ici autorisée) mais pas tellement dans les rayons des produits frais.
  • Les écarts de prix entre les chaînes néerlandaises  sont plutôt limités. Les différentes formules jouent fortement sur la perception du prix, à grand renfort de promotions et d’affichages de prix particulièrement voyants par rapport à nos normes: affiches colorées, équipement promotionnel dans les rayons, têtes de gondoles, etc.
  • L’utilisation de couleurs criardes dans les magasins est frappante, alors que les supermarchés belges se veulent plutôt calmes.
  • Aux Pays-Bas, la viande a une toute autre signification qu’en Belgique.
  • La déspécialisation est plus poussée que chez nous. Plusieurs distributeurs alimentaires (Lidl, AH, etc.) interviennent par exemple comme agence de voyage.
  • Les distributeurs néerlandais sont toujours ouverts à une bonne affaire. Les fournisseurs belges ont donc des opportunités à saisir.

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