Pour lui, les magasins traditionnels peuvent s'adapter avec succès à la révolution numérique.
Daniel Bernard doit entrer demain dans le cercle fermé du World Retail Hall of Fame aux côtés des pionniers comme Aristide Boucicaut, l'inventeur du grand magasin, d'Ingvar Kamprad, le créateur d'Ikea ou de Marcel Fournier et Denis Defforey, les fondateurs de Carrefour, groupe qu'il a dirigé pendant une décennie.
Cette distinction, qui lui sera attribuée dans le cadre du World Retail Congress organisé cette année à Paris, est l'occasion de revenir sur l'évolution de la grande distribution. Mais celui qui a créé sa société d'investissement, Provestis, et assure encore la présidence non-exécutive de Kingfisher (Castorama, Brico-Dépôt...), ne se veut pas un homme du passé. Le diplômé d'HEC, deux fois numéro deux mondial de son secteur, avec l'allemand Metro, de 1981 à 1993, puis chez Carrefour, de 1993 à 2005, préfère parler aux « Echos » d e la révolution numérique en cours.
« Lorsque j'ai commencé ma carrière, il y a quarante ans, j'ai vécu déjà une vraie révolution : l'émergence de la consommation de masse, des mass médias, de la classe moyenne et surtout la banalisation de la voiture. C'était l'époque du "no parking no business". La suite n'a été que trente années d'industrialisation du modèle. Nous vivons aujourd'hui une révolution plus large, celle du smartphone. Nous sommes entrés dans la société des données », explique Daniel Bernard, qui se félicite, par ailleurs, de voir que« Carrefour s'est enfin remis sur la route du commerce ». Selon lui, « les clients ont pris le pouvoir. Ils sont devenus activistes. Les magasins sont équipés en wi-fi, le consommateur peut comparer les prix, s'informer sur la composition du produit, en direct. En dehors du magasin, grâce au e-commerce, il peut acheter 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 ».
Etre pragmatique
Pour le président de Kingfisher, la relation client numérique et branchée sur les réseaux sociaux est devenue la clef du succès. « Les distributeurs ne peuvent plus se contenter de satisfaire la grande classe moyenne, le coeur de la courbe de Gauss. La classe moyenne est fragmentée, avec, par exemple, des gens qui ont un haut niveau d'éducation mais de faibles revenus. Le client veut des services spéciaux, il veut qu'on le considère. Grâce aux réseaux sociaux nous savons tout sur lui, ce qu'il consomme, où il est, ce qu'il aime ».
Celui qui a déjà été couronné pour l'ensemble de sa carrière aux Etats-Unis par la puissante National Retail Federation a la conviction que le magasin traditionnel, n'est pas mort, pas même l'hypermarché, ce temple de la consommation de masse.« L'hypermarché s'est toujours réinventé. C'est la société qui a changé et le commerce a toujours suivi. Le magasin doit se poser la question de l'utilisation des mètres carrés. Il doit surtout revenir au local et s'intégrer dans le processus de relation numérique avec ses clients. » Aux Etats-Unis, souligne-t-il, « il y a des enseignes comme Target qui réalisent pourtant 80 % de son chiffre d'affaires dans le non-alimentaire, qui se battent contre Amazon et s'en sortent bien. » Selon lui, cette évolution ne peut réussir que si« le distributeur est parfait sur son métier de base, assortiment, politique de prix, chaîne logistique, et qu'il investit dans les outils numériques ». Il pose aussi une autre condition : rendre les nouveaux gains de productivité aux consommateurs. « Le client veut sa part des bénéfices. Il n'y a pas d'évolution du commerce sans cela. »
Pour finir, commentant l'actualité immédiate, au sujet du travail le dimanche, « la société évolue. Elle est plus moderne que les institutions. La France n'est pas assez pragmatique », tranche-t-il.
Source: Les Echos (http://goo.gl/4al4ww)
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