Présidente d’Agreenium, membre du conseil d’administration des centres internationaux de recherche agricole (CGIAR) et auteur du rapport sur l’agroécologieremis au ministre de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt en juin 2013, Marion Guillou a précédemment présidé de l’institut national de la recherche agronomique (INRA). Avant les débats de lundi 9 décembre, elle nous détaille quelques clefs de sa vision de l'agriculture du futur.
Quelles raisons vous ont poussée à suivre les questions d'alimentation et d'agriculture?
Ces questions sont passionnantes, j'y suis venue par les sciences de la vie, puis par les questions d'alimentation et enfin de politiques publiques.
Avec Agreenium et l'ensemble de mes activités actuelles, je suis très impliquée au niveau français et international. En juin dernier, la remise du rapport sur l'agro-écologie au ministre Stéphane Le Foll a concrétisé encore plus mon engagement pour identifier tous les leviers de développement de nouveaux modèles agricoles (cf. la vidéo suivante)
Quelle est votre vision de l'alimentation du futur ?
Vu l'augmentation de la population et les inégalités dans le monde, il est indispensable de penser collectivement des systèmes alimentaires durables. Mon travail dans plusieurs organismes s'attache à éclairer les futurs possibles, les facteurs limitants, les innovations sur lesquelles se concentrer et les politiques publiques à mettre en place.
Il faudrait que l'alimentation soit suffisante pour tous, que tout habitant de la planète accède aux 3000 calories quotidiennes (disponibilité nécessaire), aussi bien en quantité qu'en nutriments. Cette alimentation restera marquée par les cultures, l'uniformité n'est pas de mise.
A terme, la restauration collective va se développer, mais ces cadres plus collectifs laisseront coexisteront avec une alimentation plus personnalisée, avec des produits frais, des demandes de circuit-court, des exigences de produits sains, etc.
Comment y parvenir ?
Au niveau mondial, les gens ont faim d'abord dans les zones en crise politique ou en conflit, puis pour des raisons économiques: aujourd'hui il faut lutter contre la pauvreté pour lutter contre la malnutrition.
Au-delà de la démographie, la croissance des classes moyennes avec trois milliards de personnes va augmenter la demande de denrées d'origines animales, nous devons nous soucier de l'augmentation de la demande alimentaire, limiter le gaspillage et les pertes (environ 30%), et informer pour modérer les comportements alimentaires.
Certaines zones du monde ne produiront jamais assez pour nourrir leur population, d'où l'importance de sécuriser les échanges. Eviter par exemple des fermetures brutales de frontière pour limiter les exportations au moment de crises alimentaires, car cela peut pousser à l'augmentation du prix des céréales. Voilà un sujet important pour l'Organisation Mondiale du Commerce.
Au niveau de l'offre - et donc de la production agricole mondiale, les rendements vont de 1 à 500 selon les régions, donc il est nécessaire d'investir en agriculture pour accroître ou régulariser les rendements, d'améliorer la formation, les marchés locaux, les infrastructures, etc. L'innovation reste attendue, avec plus d'agroécologie pour produire quantité et qualité en respectant l'environnement. Dans le rapport que j'ai remis au ministre en juin 2013, des voies innovantes sont décrites. Déjà pratiquées par de nombreux groupes d'agriculteurs ou en expérimentation, ces méthodes "doublement performantes" sont respectueuses de l'environnement.
Orienter les aides européennes vers des projets qui participent à la transition vers ces systèmes, former, conseiller, inciter sont d'autres formes de levier à activer pour accompagner cette évolution souhaitable et réaliste.
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