Le reportage réveille un vieux débat, toujours d’actualité dans le mouvement du commerce équitable : faut-il vendre en grande surface ? On pourrait penser que ce débat a disparu depuis que 42% des ventes du commerce équitable se font en grandes et moyennes surfaces. Pas du tout, car la question de la transparence et des marges n’est toujours pas résolue.
Un manque de transparence
Le reportage de Donatien Lemaître montre très bien que la grande distribution reste un milieu opaque, même en ce qui concerne le commerce équitable. Carrefour, Leclerc et Auchan ont ainsi refusé toute interview. Super U, qui a accepté la demande, reste cependant évasif sur ses marges. Son discours se limite à expliquer que le commerce équitable doit être un pari « gagnant-gagnant » et que les grandes surfaces doivent donc s’y retrouver financièrement.
Ce manque de transparence, David Erhart, responsable des relations avec les partenaires du sud, des campagnes et du plaidoyer à Artisans du Monde le souligne quand il explique que le réseau Artisans du Monde « est transparent quant à ses prix et les marges dégagées par ses acteurs. Des décompositions de prix sont accessibles aux consommateurs dans nos boutiques auprès des bénévoles et salariés. Nous n’avons rien à cacher ! Contrairement aux filières GMS !!! C’est suffisamment unique pour être souligné !!!
Dans l’exemple du reportage, je ne sais pas ce qu’il y a derrière les « intermédiaires » de la filière Marque De Distributeur – MDD mais je peux vous dire ce qu’il y a derrière les « intermédiaires » de notre côté : l’importateur (Solidar’Monde en lien avec GEPA en Allemagne qui paye, entre autres, le transport, les douanes, le conditionnement, le logo Max Havelaar) et le torréfacteur (Lemetais au Havre, qui… torréfie !). C’est tout ! »
La répartition des bénéfices
Donatien Lemaître s’intéresse ensuite aux marges des distributeurs. Il prend l’exemple de deux cafés :
- Un café de Colombie de supermarché : 1€ de marge, soit 37% du chiffre d’affaires.
- Un café Arabica portant le label Max Havelaar : 1€34 de marge, soit 45% du chiffre d’affaires.
La grande surface a donc une marge plus importante sur les produits issus du commerce équitable ! A titre de comparaison, Artisans du Monde prend une marge de 25% sur ses produits.
- Un café de Colombie de supermarché : 1€ de marge, soit 37% du chiffre d’affaires.
- Un café Arabica portant le label Max Havelaar : 1€34 de marge, soit 45% du chiffre d’affaires.
La grande surface a donc une marge plus importante sur les produits issus du commerce équitable ! A titre de comparaison, Artisans du Monde prend une marge de 25% sur ses produits.
Pour David Erhart d’Artisans du Monde, « le reportage est ici un peu approximatif et pas forcément très rigoureux : tant qu’on ne sait pas ce qu’il y a derrière les « intermédiaires » de la filière MDD, il est inutile de comparer et hasardeux de tirer des conclusions hâtives… en effet, pour la filière Artisans du Monde, si on regroupe l’activité d’importation et de distribution (ce qui doit être le travail d’une GMS j’imagine…) on arrive finalement à 42%...
Mais ce qui est inapproprié, c’est de comparer des pourcentages de prix finaux différents ! C’est inutile et même trompeur... Ce qui est important de voir dans ce travail sur les prix n’est pas forcément de comparer des pourcentages mais plutôt des valeurs (38% de 4€10 chez Artisans du Monde représentent bien plus pour les producteurs que 32% de 2€98 pour la marque de distributeur - MDD !!!) et de savoir à quoi sont utilisées ces marges : à faire progresser le commerce équitable ou à créer du dividende ?! Les marges dégagées à l’unité ne disent rien des marges brutes dégagées sur l’ensemble des quantités vendues : les économies d’échelle réalisées par la GMS peuvent leur permettre de baisser le taux de marge... »
Par ailleurs, Fairtrade International cite quelques exemples de multinationales qui ont absorbés l’intégralité des coûts supplémentaires induits par le commerce équitable sans changer le prix de vente final payé par le consommateur. C’est le cas par exemple de Cadbury Dairy Milk, Starbucks, Ben & Jerry’s, les supermarchés Sainsbury (source).
Conserver la cohérence du commerce équitable
Au-delà de la question des prix, le débat sur l’introduction du commerce équitable en grande surface porte sur l’équilibre entre l’augmentation des volumes de vente et la cohérence du commerce équitable. Comme le souligne David Erhart, « même à un prix inférieur, la filière GMS touche plus de producteurs que la filière Artisans du Monde… autrement dit, les producteurs sont « mieux lotis » avec nous mais moins nombreux !!! »
Dans un communiqué de presse, Artisans du Monde rappelle d’ailleurs son « choix de proximité », avec son refus en 2005 de mettre dans les rayons de la Grande et Moyenne Distribution ses produits : « Nous pouvons apparaître comme « marginaux », ou « utopistes » aux yeux de certains mais nous sommes convaincus de la force du commerce équitable quand il conserve sa cohérence. Même si notre travail est compliqué tant l’achat équitable se fait toujours plus dans les grandes surfaces, nous sommes fiers d’afficher une filière « 100% équitable » ».
Les grandes surfaces sont-elles le cœur du problème des relations entre consommateurs et producteurs comme le pense Artisans du Monde ? Si oui, peut-on continuer à faire du commerce équitable en grande distribution ? Sous quelles conditions ?
Une autre question est particulièrement intéressante : la grande distribution est-elle le bon outil pour faire du commerce équitable à grande échelle ? Artisans du Monde pense que «le seul moyen de faire du commerce équitable à grande échelle est d’instaurer des cadres, des contraintes, des règles au commerce pour qu’il se mette à respecter les droits humains !!! Construire des filières équitables alternatives est un levier pour ces changements, un levier concret de solidarité à court terme et un levier politique pour des changements durables... »
Source: Ekitinfo (http://goo.gl/FayZNR)
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