La Ruche qui dit oui : les locavores 2.0

La plateforme met en lien consommateurs et producteurs pour une consommation "citoyenne" en marge de la grande distribution. Le Point.fr a testé son offre.

Quelque 200 ruches sont actives dans toute la France. © COUTIER BRUNO / SIPA

Le principe 

Comment rendre accessibles au plus grand nombre des produits locaux ? Cette question a longtemps taraudé Guilhem Chéron, ex-designer industriel passionné de cuisine. L'entrepreneur de 39 ans pense avoir trouvé la réponse avec sa Ruche qui dit oui , lancée début 2011. Un nom pas évident pour un concept simple : rapprocher paysans et consommateurs via une plateforme d'approvisionnement sur le Web. Un système qui privilégie les circuits courts (entre 100 et 250 km), inspiré de la philosophie "locavore" venue des États-Unis.Mais attention, s'il s'agit bien de consommation citoyenne, le patron de la start-up rejette toute approche moralisante : la Ruche qui dit oui, c'est avant tout "un projet épicurien, sensuel et spirituel" (sic !). L'écologie, oui, mais pas au détriment du goût.

Comment butiner ?

Le site internet de la ruche mère est à mi-chemin entre réseau social et site d'achats groupés. L'inscription (gratuite) effectuée, la plateforme suggère à l'internaute-abeille de rejoindre une ruche proche de chez lui. Avec 200 "colonies" ouvertes à ce jour et des dizaines d'autres en construction dans tout l'Hexagone, il y a l'embarras du choix. Pas de ruche près de chez vous ? Vous pouvez aussi créer votre propre essaim, à condition de réunir une cinquantaine de consommateurs et un minimum de producteurs.

Quand une vente s'ouvre, généralement une fois par semaine, les fournisseurs de la ruche proposent une sélection de produits en indiquant leurs tarifs.Viande, poisson, fruits et légumes de saison, graines, pain, le choix est souvent large. Libre aux membres de la communauté de remplir leur cabas virtuel à ras bord ou de n'acheter que quelques carottes. C'est la grande différence avec lesAmap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), selon Guilhem Chéron. Dans une ruche, pas de contraintes de choix avec des paniers tout composés. Si le seuil de commandes fixé par le producteur est atteint, la vente en ligne est validée. La distribution est ensuite organisée un jour de la semaine fixe dans un lieu public défini par le fondateur de la ruche (dans un bar, une école ou même chez lui).

Le jour J 

Munis de notre liste de courses prépayées, on se rend le soir convenu rue Durantin, à Montmartre. Dans ce haut lieu du boboïsme parisien, la ruche tourne bien. Plus de 500 inscrits y font leur miel depuis son ouverture, en octobre. Dans sa boutique de bijoux reconvertie en marché de campagne, Milena s'affaire entre les paniers de denrées bio. Responsable d'une ruche, c'est elle qui choisit les producteurs, sélectionne les produits, valide les commandes, recrute des membres. Une dizaine d'heures de travail par semaine pour une commission de 8 % du prix de vente. Le producteur, lui, en touche 80 %. Le reste se répartit entre le service internet de la ruche mère et l'organisme de paiement. Milena vante ce système qui court-circuite "la grosse distribution et ses marges indécentes".

La soirée a été bonne, 70 personnes ont fait le déplacement pour récupérer leurs courses. La convivialité promise est au rendez-vous. Producteurs et clients se claquent la bise, papotent entre deux bouchées de fromage du Pas-de-Calais proposé en dégustation. Pascal, éleveur de canards dans les Yvelines, fait goûter une appétissante tapenade. En fournissant une vingtaine de ruches, l'agriculteur touche un complément de revenus pas négligeable. Côté prix, le consommateur s'y retrouve. Une confiture de fraise, six oeufs, une cuisse de canard confit, un pot de rillettes de canard et un kilo de pommes remplissent notre panier. Le tout pour 24,50 euros. Mauvaise surprise, en revanche, notre assortiment de légumes n'a pas été livré par le producteur, malade ce jour-là. La commande sera remboursée par virement.

Verdict 

Les plus : souplesse dans le choix des achats, des produits frais pour un rapport qualité-prix raisonnable, un mode de consommation "éthique" au bénéfice des producteurs.

Les moins : impossible pour l'instant de s'inscrire dans plusieurs ruches à la fois. Entre deux distributions, il faut donc prendre son mal en patience.

Ghislain Fornier de Violet

Source: Le Point (http://goo.gl/dErHH)