Les fraudes sur les poissons et les crevettes, qu’il s’agisse de leurs provenances ou de la transformation miraculeuse des produits d’élevage en « étiquettes ou écriteau pêché à… » ou des substitutions de variété ou de tromperie sur le congelé, sont de plus en plus nombreuses car beaucoup de produits de la mer sont entrées dans le cycle de la mondialisation avec des appellations fantaisistes. Ils sont donc de plus en plus difficiles à suivre à la trace dans les arcanes des spéculations qui les font voyager à travers le monde. Surtout quand ils se dissimulent, en quantité inférieure à celle de la sauce, dans des plats préparés et congelés que les inspecteurs des fraudes sont en train d’examiner avec soin depuis quelques semaines avec l’ensemble de la filière poisson. Tout au long d’une chaine alimentaire qui a dépensé des fortunes pour convaincre les consommateurs que le poisson ne devait plus
avoir d’arêtes, les spéculations et manipulations s’exercent aux dépends des pêcheurs artisanaux, qu’ils soient Français ou Africains. Les profits du poisson se bâtissent sur d’énormes bateaux usines qui peuvent être aussi bien japonais, français ou battant pavillon panaméen.
Dans cette saga de l’arnaque, les circuits de distribution européens ou étatsuniens, ont inventé un poisson qui illustre toutes les dérives. Il s’agit du panga, un poisson d’eau douce de la famille des poissons-chats vivant dans le delta du Mékong. À l’origine un poisson grossissant très vite et élevé dans des « cages » artisanales situées sous des maisons des agriculteurs-pêcheurs installés sur les bords du delta du grand fleuve qui le vendait sur les marchés locaux, rarement plus loin avant le début du siècle. Flairant la bonne affaire industrielle du poisson se sont intéressés au Panga. Lesquels fournissent des filets sans grand goût mais sans arêtes (comme la plupart des poissons de la famille des silures) qu’une campagne de promotion habile a imposées dans les supermarchés, les cantines scolaires et les restaurants d’entreprise. D’aucun intérêt gustatif sans grands renforts de sauces, ce poisson offre l’avantage d’un prix défiant toute concurrence. Car les industriels de la pisciculture de ce panga ont mis en place des élevages intensifs, réduisant encore plus les coûts grâce à des salaires très bas, pratiqués par des entrepreneurs vietnamiens bénéficiant de capitaux étrangers.
L’opération, les trafics d’armes en moins, ressemble étrangement à la promotion et à la vente de la perche du Nil. Mais en pire. Dans les élevages industriels qui ont pris le dessus dans ce trafic, la concentration du panga atteint 250 000 individus par étang. Ils sont nourris avec une farine provenant du Pérou et fabriquée avec des cadavres de poissons abandonnés par les pêcheurs de la côte. Pour accélérer le rythme de production, et de naissance, les femelles panga sont traitées avec des hormones prélevées (après concentration) dans des urines de femmes enceintes ! Urines collectées et achetées dans la région de production mais progressivement remplacée par des produits de synthèse. Les eaux des étangs sont évidemment traitées (comme trop de saumons…) avec des désinfectants et des antibiotiques dont nul organisme ne contrôle les qualités et les quantités. Une partie s’accumule dans la chair des poissons tandis que les vidanges périodiques des piscicultures polluent le fleuve et les nappes phréatiques. Ensuite, après congélation dans des usines proches appartenant aux sociétés d’élevage, les filets sont expédiés par avion à destination de l’Europe et des Etats Unis. Actuellement, le Vietnam exporte chaque année plus d’un million de tonnes de ce « mets de choix » dont une dizaine de milliers en France pour être vendu en faux frais. Le reste se retrouve sous des appellations diverses dans les plats cuisinés des grandes marques.
Encore envie de manger du panga ?
Source: Politis.fr (http://goo.gl/ABK5l)
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