vendredi 5 avril 2013

Circuits courts: climatiquement désavantageux, socialement payant


Quand on mange local, est-ce qu’on émet moins de CO2 qu’en se ravitaillant avec des produits venus d’on ne sait où? Non, répond le Commissariat général au développement durable (CGEDD). Mais le moindre usage d’intrants, l’assujettissement à une réglementation nationale souvent plus contraignante ou une meilleure rémunération des producteurs peuvent toutefois plaider en faveur des circuits courts. Une note qui s’inscrit dans le plan d'action du ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour développer les circuits courts, lancé en 2009, et mis en œuvre dans le cadre du programme national pour l’alimentation.
Intitulée «Consommer local, les avantages ne sont pas toujours ceux que l’on croit», cette note du CGED liste les impacts tant environnementaux que sociaux des circuits courts. Signe particulier: ne passer que par un seul intermédiaire entre le producteur et le consommateur, voire le supprimer dans le cas des ventes directes à la ferme. Plus répandus dans les exploitations de petite taille (hors secteur viticole) et pour les secteurs du miel et des légumes, les circuits courts et en vente directe concernaient 21% des exploitations agricoles (ruches, fruits, légumes, vignes, produits animaux) en 2010.
Ce sont les phases de production des aliments –élevage comme agriculture- qui génèrent 57% des émissions de gaz à effet de serre de la chaîne alimentaire. Que la production soit menée en conventionnel ou en agriculture biologique, les bilans carbone varient très peu, note le CGEDD, à cause des différentiels de rendement à l’hectare. Les phases de transport comptent pour 17% du bilan carbone de la chaîne alimentaire. Les circuits courts sont alors désavantagés. Car si le maraîcher, sur 2 hectares, qui distribue ses produits dans le village voisin parcourt moins de kilomètres que les fournisseurs des grandes surfaces, les modes de transport utilisés et la logistique le plus souvent mis en œuvre n’assurent pas un bon bilan carbone. «Le mode de transport le plus utilisé en circuits courts et de proximité est le transport routier», rappelle le CGEDD, qui compare les émissions de CO2 d’un véhicule utilitaire léger -en moyenne 1.068 grammes de CO2 par tonne/kilomètre- avec un ensemble articulé de 40 t transportant des marchandises diverses sur une longue distance -84g de CO2/t/km. Sans compter les quantités transportées et les taux de remplissage: «Le retour à vide du point de vente reste une pratique courante en circuit court». Et de donner l’exemple des consommations d’énergie liées au transport et à la distribution pour un agneau élevé en Nouvelle-Zélande et commercialisé en Allemagne et pour un agneau élevé en Allemagne et commercialisé localement en vente directe: «Ils sont plutôt comparables [...] malgré de grandes différences dans les distances de transport, car les transports massifiés que sont les poids lourds et les cargos réduisent considérablement les émissions par kg transporté[1]».
Les modes de déplacement des consommateurs ont également un rôle dans le bilan carbone des circuits courts. Car, comme l’écrit le CGEDD, «la fabrication d’1 kg de pain à domicile ou par une boulangerie artisanale consomment respectivement 2 fois plus et 1,5 fois plus d’énergie que celle par une boulangerie industrielle». Mais il suffit que le consommateur aille en voiture dans un supermarché situé à plus d’1,5 km de chez lui pour que le pain maison ou artisanal soit climatiquement plus soutenable.
Les bienfaits des circuits courts sont surtout visibles pour la collectivité. Souvent moins consommateurs d’engrais et de pesticides, les producteurs qui ont opté pour les circuits courts participent d’un renforcement de la cohésion sociale. «Les circuits courts permettent en effet une meilleure compréhension par les producteurs et les consommateurs de leurs mondes respectifs. Les consommateurs sont rassurés par la connaissance des conditions de production des produits et comprennent mieux les contraintes du métier d'agriculteur.» Le prix payé peut être plus élevé que celui consenti par la grande distribution. Et la législation à laquelle le producteur est assujetti plus exigeante. «La commercialisation de produits locaux permet une relocalisation des impacts (…), la production est alors soumise aux exigences réglementaires locales, souvent plus fortes en France et en Europe en matière environnementale.»
 En guise de conclusion, le CGEDD admet que les circuits courts «peuvent constituer un des éléments de réponse au défi de l’alimentation durable», mais qu’ils ne permettent pas «de répondre à lui seul à l’ensemble des enjeux de durabilité de l’alimentation». Il recommande donc aux villes de conserver «une diversité de leurs sources d’approvisionnement alimentaires», à la fois pour limiter les risques de pénurie, pour ne pas investir dans une filière dont les impacts environnementaux ne seraient pas nécessairement moindres et pour des raisons évidentes de manque de terres agricoles pour des agglomérations comme l’Ile-de-France.


[1] Dans cette étude, l’agneau néo-zélandais est transporté par bateau réfrigéré sur 20.000 km (le bateau retourne ensuite en Nouvelle-Zélande à plein), puis par poids lourds avec conteneurs réfrigérés sur 400 km (retour à vide). L’agneau allemand est, lui, transporté en camionnette par le producteur sur 100 km (retour à vide).

Source: Journal de l'Environnement (http://goo.gl/ltbBF)

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