vendredi 26 avril 2013

La Consommation Locale Contribue À L’alimentation Durable


Oui pour répondre à la crise, consommer responsable, telle était la conclusion d'une étude réalisée par Ethicity présentée sur le blog le 05 avril dernier. A travers cette thématique, en mars dernier, le Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable du Commissariat général au développement durable a publié un rapport sur les aspects environnementaux de la consommation locale.
Notant l’engouement actuel pour les produits agroalimentaires locaux, en partie lié à l’attente de moindres impacts environnementaux de ces formes de commercialisation, et en particulier d’un bilan carbone plus favorable du fait d’une distance parcourue par les produits moins importante. Le rapport montre que c’est la phase de production qui pèse le plus sur les impacts environnementaux des produits agroalimentaires et notamment sur leur bilan carbone. Ainsi, les moindres distances généralement parcourues par les produits locaux ne suffisent pas à affirmer leur qualité environnementale.
Les avantages de la commercialisation locale consistent davantage en des atouts socio-économiques : réancrage territorial de l’activité agricole, meilleure valorisation des produits par le producteur, rapprochement entre l’agriculteur et le consommateur, et plus grande implication des acteurs publics et des habitants dans l’agriculture, comme des consommateurs dans leurs choix alimentaires. La consommation locale peut ainsi contribuer à l’alimentation durable.
La commercialisation locale des produits agroalimentaires est en général caractérisée par deux types de circuits : les circuits de proximité et les circuits courts.
Les circuits de proximité se définissent par une distance réduite entre producteur et consommateur.
Les circuits courts de distribution comportent un intermédiaire de vente au plus (définition du plan d'actions pour développer les circuits courts lancé par le Ministère de l'agriculture en 2009). Ces circuits peuvent recouvrir des formes de commercialisation très variées :
§ pour la vente directe, par exemple : vente directe à la ferme ; marchés de producteurs ; AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) ;
§ pour la vente via un intermédiaire au plus, par exemple : vente par l’intermédiaire d’une grande surface ou d’une coopérative.
Ces circuits concernent en général des distances courtes. Ils peuvent correspondre à différents modes de production agricole, biologiques ou conventionnels.
21 % des exploitations agricoles (ruches, fruits, légumes, vignes, produits animaux) vendaient en circuits courts et en particulier en vente directe en 2010 selon le recensement agricole 2010. L'implication dans ce mode de commercialisation dépend de plusieurs facteurs. Elle est notamment plus fréquente dans les exploitations de petite taille (hors secteur viticole) et pour les secteurs du miel et des légumes.
L’impact environnemental dépend plus du mode de production que de transport :
L’essentiel des impacts environnementaux, émissions de gaz à effet de serre comprises, relève plus de la phase amont de la production agricole que du transport.
57 % des émissions de gaz à effet de serre de la chaîne alimentaire sont liés à la phase de production et seulement 17% aux phases de transport (cf. figure 1).
Cet ordre de grandeur est proche de celui observé en Allemagne, dans une étude un peu ancienne : 52 % des émissions de GES venaient de la production agricole et seulement 13 % de la distribution (étude relatée dans Redlingshöfer, 2006 ).
Cette prépondérance de la phase de production concerne tous les aspects environnementaux - émissions de gaz à effet de serre mais aussi qualité ou consommation d’eau, biodiversité, etc. – et elle est confirmée par plusieurs études menées sur des produits spécifiques et prenant en compte l’ensemble du cycle de vie.
Les développements en cours des recherches en matière d’analyse en cycle de vie apporteront des éléments plus précis et actualisés sur ces aspects.
Des atouts environnementaux dépendant des modes de production :
Les produits agroalimentaires ont des impacts environnementaux tout au long de leur cycle de vie. Ces impacts sont généralement classés en 4 grandes catégories : ressources (eau, etc.), santé (toxicité humaine, éco-toxicité, etc.), biodiversité et changement climatique. Ils dépendent notamment de la façon dont on produit, fabrique, transporte, utilise, gère la fin de vie du produit. Ces phases de la vie du produit peuvent différer selon les formes de circuits courts et de proximité. Les produits locaux n’ont en conséquence pas d’avantages environnementaux spécifiques.
Les impacts environnementaux de la phase de production agricole restent le plus souvent prédominants sur le cycle de vie des produits alimentaires et dépendent du mode de production, deux exemples :
1) une tomate cultivée sous serre en hiver a un impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre plus élevé qu’une tomate cultivée en plein champ qui ne requiert pas de consommation d’énergie pour chauffer la serre ;
2) une tomate issue de l’agriculture biologique n’a pas les mêmes impacts qu’une tomate issue de l’agriculture conventionnelle. Par exemple, elle ne requiert pas d’engrais ni de produits phytosanitaires de synthèse, ce qui joue en faveur de son bilan environnemental (moins d’émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication d’engrais, moins d’atteintes à la qualité de l’eau, meilleure préservation de la biodiversité, etc.). Mais, d’un autre côté, le rendement à l’hectare est en général moindre en agriculture biologique. Ainsi, même si les impacts environnementaux à l’hectare sont plus faibles pour la tomate bio, ils peuvent rester à un niveau tel que le ratio «impacts /quantité de produit » peut être supérieur à celui de l’agriculture conventionnelle.
Une efficience de la phase de transport variable selon le système logistique :
Les distances parcourues par les produits commercialisés localement sont en général inférieures à celles réalisées en circuits longs, ce qui est un facteur de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cependant, cela ne suffit pas forcément pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à la phase de transport. En effet, ces émissions dépendent essentiellement du mode de transport et de l’optimisation logistique.
Le mode de transport le plus utilisé en circuits courts et de proximité est le transport routier. La fourchette d’émissions de CO2 à la tonne-kilomètre est particulièrement large pour ce mode qui concerne des véhicules très différents: camions, camionnettes, voiture. Par exemple, un véhicule utilitaire léger de 3,5 tonnes qui transporte des colis (ce type de véhicule peut par exemple être utilisé par un producteur pour vendre ses produits au marché) va émettre en moyenne 1 068 g CO2/t.km alors            qu’un ensemble articulé de 40 tonnes transportant des marchandises diverses sur une longue distance (ce type de transport peut être utilisé pour transporter des produits importés du port de déchargement à une plateforme logistique de supermarché par exemple) va émettre 84 g CO2/t.km. Ainsi, comme les émissions des transports ferroviaire et surtout maritime sont en général nettement inférieures, et aussi moins variables (figure 2), une distance plus courte ne signifie pas toujours une moindre émission de CO2 à la tonne-kilomètre.
En complément, au sein d’un même mode de transport, les émissions de gaz à effet de serre sont fonction de l’optimisation de la logistique. Cette optimisation est notamment liée à la quantité transportée et au taux de remplissage du moyen de transport, points qui peuvent encore être améliorés pour la plupart des circuits courts et de proximité. En effet, les volumes à transporter ne permettent pas toujours d’avoir un taux de remplissage élevé. En outre, dans plusieurs formes de commercialisation locale (marchés, livraison de paniers à un point déterminé, etc.), le retour à vide du point de vente reste une pratique courante. A cela s’ajoute le fait que la variabilité du taux de remplissage est plus forte pour le transport routier que pour les autres modes de transport ; c’est surtout le cas en début et/ou fin de trajet, phase de transport où l’optimisation est moindre. Par ailleurs, le degré d’optimisation de la phase de transport peut également être très divers selon les circuits. Il sera par exemple plus difficile d’optimiser le transport en cas de vente en individuel au marché qu’en cas de vente dans un magasin collectif de producteurs.
A titre illustratif, les consommations d’énergie liées au transport et à la distribution pour un agneau élevé en Nouvelle-Zélande et commercialisé en Allemagne et pour un agneau élevé en Allemagne et commercialisé localement en vente directe « sont plutôt comparables [...] malgré de grandes différences dans les distances de transport.» (Schlich et al. (2006) ), car les transports massifiés que sont les poids lourds et les cargos réduisent considérablement les émissions par kilo transporté. L’agneau néo-zélandais est dans cette étude transporté par bateau réfrigéré sur 20 000 km (le bateau retourne ensuite en Nouvelle-Zélande à plein) puis par poids lourds avec conteneurs réfrigérés sur 400km (retour à vide). L’agneau allemand est, lui, transporté en camionnette par le producteur sur 100 km (retour à vide).
L’ensemble de ces éléments font que, malgré les moindres distances parcourues, il est difficile de tirer des conclusions sur les émissions de gaz à effet de serre liées à la phase de transport de ces circuits.
Le mode de déplacement du consommateur joue aussi un rôle :
Par exemple, sur le plan de l’énergie, une étude menée sur le pain montre que l’intérêt à consommer du pain fabriqué localement (à domicile ou par une boulangerie artisanale, par opposition à une fabrication par une boulangerie industrielle) dépend du choix du moyen de transport utilisé par le consommateur et de la distance entre son domicile et le supermarché. En effet, le bilan énergétique du pain fabriqué localement est, sur le plan de la fabrication, plus lourd que celui du pain industriel : la fabrication d’1 kg de pain à domicile ou par une boulangerie artisanale consomment respectivement deux fois plus et une et demi fois plus d’énergie que celle par une boulangerie industrielle. Cependant, si le consommateur va acheter son pain en voiture, la fabrication du pain à domicile et l’achat dans une boulangerie artisanale deviennent plus économes en énergie pour 1 kg de pain acheté dès que le trajet du domicile au supermarché dépasse respectivement 1 km et 500 m (étude menée par Reinhardt, 2005 ).
Une source possible d’aménités environnementales cependant :
Les producteurs engagés en circuits courts peuvent aussi être engagés dans des schémas de production alternatifs, notamment à faible charge en intrants, voire en production biologique (les intrants chimiques ne sont pas utilisés en agriculture biologique et l’utilisation des intrants autorisés est limitée), cf. Maréchal et Spanu (2010).
La commercialisation de produits locaux permet une relocalisation des impacts, ce qui est un des points forts de ce mode de commercialisation d’un point de vue environnemental d’après l’ADEME (avis de l’ADEME sur les circuits courts alimentaires de proximité (2012) [5]), notamment pour les raisons suivantes: la production est alors soumise aux exigences réglementaires locales, souvent plus fortes en France et en Europe en matière environnementale ; en outre, la production locale permet d’éviter la délocalisation des impacts.
La présence d'une ceinture verte en milieu périurbain peut par ailleurs être présentée comme un facteur de maintien du cadre de vie et de la biodiversité. Elle peut également jouer un rôle dans la lutte (régulation du climat grâce à la biodiversité) et l’adaptation (évapotranspiration permettant la réduction de la température de l’air par la consommation d’énergie du sol et des végétaux) au changement climatique. Elle peut aussi favoriser la préservation de variétés locales qui ne sont pas adaptées à une commercialisation standard.
Une meilleure valorisation des produits possible :
Ce fut par exemple le cas lors de la dernière crise du secteur porcin pour les producteurs de porcs des Pays Cathares : ils ont pu valoriser leur porc à 1,90 €/kg contre 1,11 €/kg au cadran, grâce à une décision commune entre producteurs et bouchers (Campagnes et environnement n°14, février 2011).
Un facteur de cohésion sociale :
Une analyse d'une dizaine d'expériences conduites sur des territoires ruraux et périurbains en 2009-2010 confirme que la commercialisation « locale » est un facteur de cohésion sociale [6]. Cette analyse a notamment montré que les circuits courts permettaient un renforcement du lien social. Les circuits courts permettent en effet une meilleure compréhension par les producteurs et les consommateurs de leurs mondes respectifs. Les consommateurs sont rassurés par la connaissance des conditions de production des produits et comprennent mieux les contraintes du métier d'agriculteur. Ces circuits peuvent d'un autre côté permettre aux producteurs de trouver une motivation supplémentaire à l’exercice de leur métier.
Une tendance à l’adoption de choix citoyens par les consommateurs :
L’adoption de choix citoyens par les consommateurs de produits locaux est notamment soulignée dans « l'analyse d'un corpus d'environ 110 articles provenant pour l'essentiel de la littérature sociologique de langue anglaise afin de rendre compte des principaux débats sur les systèmes alimentaires alternatifs » (C. Deverre, C. Lamine, Economie rurale n°317, 2010).
Dans plusieurs des travaux analysés, les systèmes alimentaires alternatifs, y compris les circuits courts, apparaissent comme des vecteurs de l'évolution des rapports de pouvoir au sein des systèmes alimentaires : la place du consommateur devient plus importante. Ils sont porteurs d'apprentissage, pour les consommateurs, mais aussi concernant les pratiques agricoles et leurs impacts, les pratiques culinaires et les pratiques démocratiques elles-mêmes. Le consommateur devient citoyen alimentaire et réduit la passivité de ses choix alimentaires.
Les circuits courts et de proximité peuvent constituer un des éléments de réponses au défi de l’alimentation durable. Ils sont à ce titre encouragés par les politiques publiques.
Ce mode de commercialisation ne permet cependant pas de répondre à lui seul à l’ensemble des enjeux de durabilité de l’alimentation.
A titre illustratif, les villes ont intérêt à conserver une diversité de leurs sources d’approvisionnement alimentaires au moins pour trois raisons (cf. exercice prospectif duALIne réalisé par l'INRA et le CIRAD sur l’alimentation durable [7]) :
1) raison stratégique et de sécurité alimentaire : par exemple, l’Ile-de-France aurait besoin de 6 fois plus de terres agricoles que la surface actuellement utilisée pour nourrir 11 millions de franciliens, une diversité des régions d’approvisionnement lui permet de limiter les risques de pénurie ;
2) enjeu environnemental, les produits locaux n’ayant pas nécessairement de moindres impacts sur l’environnement comme exposé précédemment ;
3) dimension éthique, que l’on peut illustrer par l’acquisition de produits dans le cadre du commerce équitable.

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