lundi 22 avril 2013

Affichage environnemental des produits agricoles en France : quelle méthode pour quels objectifs ?

Lors du Grenelle de l’environnement1, l’accent a été mis sur la nécessité d’orienter les modes de production et de consommation vers des systèmes durables et respectueux de l’environnement. La loi « Grenelle 1 » de 2009 (Grenelle 1, 2009) a officialisé le principe d’affichage environnemental en décrétant dans son article 54 que « les consommateurs doivent pouvoir disposer d’une information environnementale sincère, objective et complète, portant sur les caractéristiques globales du couple produit/emballage ». Cette orientation s’appuie, notamment, sur une enquête d’opinion qui indique que 76 % des consommateurs2 souhaitent avoir davantage d’information sur les conditions de fabrication des produits (Degroote, 2012). Selon cette même enquête, 51 % des consommateurs déclarent qu’ils seraient très intéressés par des produits de la consommation responsable s’il y avait plus de transparence sur l’engagement social et environnemental des entreprises.
Dans ce contexte, depuis juin 2011, une nouvelle certification volontaire basée sur les engagements du Grenelle a été mise en place par décret : l’agriculture à haute valeur environnementale (HVE3) avec l’objectif ambitieux de faire entrer dans cette démarche 50 % des exploitations agricoles dès 2012. Cette certification a pour objectif d’harmoniser les démarches agro-environnementales existantes et repose sur un système semi-quantitatif d’évaluation des pratiques. C’est une démarche en trois niveaux d’engagements, où seul le niveau le plus exigeant (niveau 3) autorise l’apposition du logo HVE. Cette démarche est promue notamment par les chambres d’agriculture, le regroupement d’organisations non gouvernementales (ONG) « France Nature Environnement » et certaines grandes coopératives agricoles.
En parallèle, depuis le 1er juillet 2011 et jusqu’en 2013, une expérimentation nationale a été lancée auprès de 168 entreprises de tous secteurs pour évaluer les conditions d’une éventuelle généralisation d’un affichage environnemental sur une large gamme de produits de grande consommation (Commissariat général au développement durable, 2012). L’affichage testé doit permettre « d’informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage, ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l’impact sur les milieux naturels qui sont imputables à ces produits au cours de leur cycle de vie » (article 228 de la loi « Grenelle 2 » de 2010 [Grenelle 2, 2010]). En amont, dès 2008, une plateforme méthodologique multi-acteurs Association française de normalisation (Afnor)-Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) avait été lancée pour définir un référentiel transsectoriel de bonnes pratiques en matière d’affichage environnemental. Ce référentiel (BPX-30-323) a été publié (Afnor-Ademe, 2009) et précise le cadre méthodologique de ce « procédé approprié » qui permet de calculer les indicateurs d’impact. Dans ce cadre, l’approche préconisée est l’analyse de cycle de vie (ACV). Les indicateurs d’impact doivent être ramenés à une même unité. Concernant les produits (par opposition aux services), l’« unité fonctionnelle » habituellement choisie est la quantité (impacts par kilogramme de produit, par exemple). Le bilan de gaz à effet de serre est un minimum requis pour toutes les catégories de produits. Le nombre final d’indicateurs doit être limité et le format de communication harmonisé afin de faciliter la communication auprès des consommateurs (Cros et al., 2010).
Bien que les deux démarches soient issues du Grenelle et visent à orienter les modes de production agricoles vers plus de durabilité, l’affichage environnemental des produits agricoles et agroalimentaires reposant sur la certification HVE(3) des exploitations et celui qui repose sur l’ACV sont développés de manière indépendante. Nous nous sommes donc interrogés sur la complémentarité de ces deux approches. Ont-elles le même but ? À qui s’adressent-elles ? Sont-elles concurrentes ? Quels sont leurs intérêts et leurs limites ? Quel avenir pour l’affichage environnemental des denrées agricoles ? Dans un premier temps, nous décrirons les deux approches puis nous les comparerons sous les angles administratif et technique. Enfin, nous discuterons des limites et de la complémentarité des deux approches et des risques et opportunités pour la mise en place d’un affichage environnemental efficace.

La certification HVE, un cahier des charges pour une agriculture durable

La certification HVE (haute valeur environnementale) a été développée afin d’harmoniser les différentes démarches d’agriculture durable, de faciliter la communication vers les consommateurs et de valoriser les démarches environnementales entreprises en dehors du cadre de l’agriculture biologique (AB). La certification s’appuie sur l’encouragement et l’évaluation de la mise en place des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. La certification HVE est un processus volontaire, à trois niveaux de contraintes. La certification est valable pour une période de 3 ans et les exploitations des niveaux 1 et 2 doivent s’engager « moralement » à évoluer progressivement vers le niveau 3.
Le niveau 1 consiste en un engagement à respecter la réglementation et les critères d’éco-conditionnalités de la politique agricole commune (PAC) exigeant le respect de bonnes pratiques environnementales pour l’attribution des subventions agricoles. Une simple déclaration d’engagement est requise à ce niveau.
Le niveau 2 consiste à suivre une charte de bonnes pratiques spécifiques à l’HVE (MAAP, 2011a). Cette charte s’articule autour de quatre thématiques :
  • –. la biodiversité ;
  • –. la stratégie phytosanitaire et la lutte raisonnée ;
  • –. l’optimisation de la gestion de la fertilisation ;
  • –. la gestion de la ressource en eau.


Il y a 16 engagements identifiés portant sur la traçabilité, la connaissance des bonnes pratiques, des problématiques environnementales, etc., mais aucune contrainte sur le système de production en lui-même. Le niveau 2 peut d’ailleurs être obtenu par équivalence : ainsi les démarches d’agriculture raisonnée (CriTERREs, AREA, Plante Bleue, etc.) sont directement éligibles au niveau 2 et des démarches de certification collectives sont possibles (cas d’une coopérative, par exemple). On remarquera l’absence d’une équivalence de niveau 2 pour le label AB. En effet, le cahier des charges AB s’appliquant par production et non à l’ensemble d’une exploitation, il y a une incompatibilité de fond entre les deux modes de certification dans le cas d’exploitations partiellement en AB.
Seul le niveau 3 permet l’apposition du logo HVE sur les produits ; il s’articule autour de deux options : soit un système à points détaillé (option 3.A), soit deux critères globaux (option 3.B). L’option 3.A définit un cahier des charges précis avec une liste d’actions préconisées pour chacune des thématiques du niveau 2. Chaque action permet de gagner des points et, finalement, l’exploitation doit avoir au minimum 10 points pour chaque thématique afin de valider le niveau 3 (MAAP, 2011b). L’option 3.B est bien plus simple au niveau administratif. Pour être certifié, il suffit à l’exploitant que, d’une part, le poids des intrants dans son chiffre d’affaires soit inférieur à 30 % et que, d’autre part, il ait un minimum de 10 % de la surface agricole utile (SAU) en infrastructures agro-écologiques (IAE), ou alors que 50 % de sa SAU soit en prairie permanente depuis plus de 5 ans. Les IAE, qui sont des zones favorables à la biodiversité et au fonctionnement des écosystèmes, sont définies par la législation française (MAAP, 2011c).
Pour les niveaux 2 et 3, la certification doit être validée par un organisme certificateur indépendant. L’objectif du Grenelle était ambitieux, il prévoyait que 50 % des exploitations françaises soient dans la démarche (niveau 1 au minimum) en 2012. Sur le terrain, via l’éco-conditionnalité de la PAC, cet objectif est virtuellement largement dépassé puisque toutes les exploitations devraient pouvoir se déclarer de niveau 1. Cependant, la déclaration de niveau 1 consiste également en un engagement à plus long terme sur les deux autres niveaux, un engagement qui fait encore peu d’émules, faute peut-être de relais de l’information ou de subventions à court terme et certainement de visibilité à plus long terme. À la fin du premier semestre 2012, le nombre total de certifications reste anecdotique à l’échelle de la France (Actu environnement, 2012). Le développement de l’HVE a été encouragé principalement par France Nature Environnement, un regroupement d’associations environnementales, les chambres d’agriculture et certaines coopératives agricoles (InVivo, Champagne Céréales devenue Vivescia, etc.). Les élus politiques de tous partis sont assez critiques sur la démarche, et les acteurs de l’AB dénoncent également une nouvelle concurrence et critiquent fortement la compatibilité théorique de l’HVE avec la culture éventuelle d’OGM.

L’ACV, une approche holistique des impacts environnementaux d’un produit

L’ACV évalue les impacts environnementaux d’un produit, d’un processus ou d’un service en prenant en compte toutes les phases du cycle de vie (Guinée et al., 2002). En évaluation environnementale, l’approche ACV, développée depuis les années 1970-1980 (Jolliet et al., 2010 ; Guinée et al., 2011), se distingue ainsi par son caractère holistique. D’une part, l’ensemble des étapes depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie d’un produit sont prises en compte. D’autre part, l’ACV permet de quantifier plusieurs impacts potentiels en fonction des émissions vers l’environnement et des modèles doses-réponses disponibles. Cette approche holistique limite ainsi les risques de transfert de pollution d’une étape du cycle de vie à une autre ou d’un impact à un autre (Guinée et al., 2002 ; Jolliet et al., 2010).
La variabilité dans la mise en œuvre de l’approche ACV à travers les études a conduit dans les années 1990-2000 à une nécessaire standardisation de l’approche selon des normes internationales (Guinée et al., 2011 ; ISO, 2006). Ces normes ont permis d’harmoniser la mise en œuvre de l’approche ACV et de multiplier les champs d’application depuis une origine en éco-conception industrielle (Cowell et Clift, 1997 ; Milà-i-Canals, 2003) jusqu’à des mises en œuvre plus généralistes pouvant servir de base aux politiques publiques environnementales (European Commission, 2009 ; Afnor-Ademe, 2009). La propagation de l’usage de l’ACV aux systèmes biotechniques complexes, tels que les productions agricoles, s’est accompagnée de l’émergence de nouveaux problèmes méthodologiques et scientifiques eu égard, entre autres, à la qualité des données d’inventaire, la variabilité des pratiques et la caractérisation des impacts (Cowell et Clift, 1997 ; Audsley et al., 1997 ; Milà-i-Canals, 2003 ; Bellon-Maurel et al., 2012). L’ACV est originellement basée sur une description ex situ du système étudié (Guinée et al., 2002 ; Udo de Haes, 2006). L’impact environnemental est alors calculé linéairement en fonction des doses émises vers l’environnement indépendamment du lieu et du moment de ces émissions (Khalifa, 1999). Cette approche, adaptée dans le cas d’impacts globaux tels que le changement climatique engendré par des émissions de gaz à effet de serre, est plus discutable dans le cas des impacts des productions agricoles étroitement dépendants des conditions locales (pédoclimatiques et agrotechniques), telles les pollutions nitriques. Plusieurs auteurs ont illustré la nécessité de mieux intégrer les spécificités des systèmes agricoles dans l’ACV et ont contribué notamment à une meilleure prise en compte des conditions locales à travers, par exemple, le développement de facteurs de régionalisation (Potting et al., 1998 ; Basset-Mens et al., 2006 ; Saad et al., 2011) ou de nouvelles catégories d’impacts tels que les impacts sur la ressource sol (Weidema, 2001 ; Milà-i-Canals et al., 2007 ; Brandão et Milà-i-Canals, 2012). Néanmoins, il reste encore de nombreux défis à relever pour améliorer la pertinence des ACV agricoles. Il faut, en particulier, réduire les incertitudes liées aux estimations des émissions gazeuses au champ (Bessou et al., 2013 ; Bellon-Maurel et al., 2012) et mieux prendre en compte la multifonctionnalité de l’agriculture qui induit des difficultés dans la définition des limites des systèmes étudiés comme dans la caractérisation des divers impacts potentiels (Cowell et Clift, 1997). Ces développements sont primordiaux pour fournir des indicateurs d’impact sur la biodiversité ou la ressource en eau (Pfister et al., 2009 ; Curran et al., 2010), notamment dans le cadre de l’affichage environnemental.

Comparaisons des deux approches pour l’affichage environnemental

Cadres institutionnel et administratif

D’un point de vue institutionnel, les deux approches ne sont pas directement comparables puisque l’HVE est déjà administrativement en place suite aux décrets de juin 2011 (MAAP, 2011d) alors que l’affichage environnemental fondé sur l’ACV n’en est qu’à la phase expérimentale. L’HVE est un processus volontaire dans son ensemble. En revanche, l’affichage environnemental basé sur l’ACV devrait devenir obligatoire bien que sa forme définitive reste à définir.
En termes de périmètre géographique, la méthode ACV a l’avantage d’être applicable quel que soit le pays. Ainsi, des produits importés peuvent être évalués, ce qui est en cours au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) pour la mangue du Brésil, par exemple. Cependant, l’ACV se fonde sur des bases de données qui doivent être construites progressivement et qui sont encore très incomplètes pour la majorité des pays. De nombreux pays européens, les États-Unis, ou encore la Thaïlande et le Japon avancent actuellement dans la collecte de données ACV dans la perspective éventuelle de développer l’affichage environnemental. En Thaïlande, un programme national, Thai National LCI Database, a été lancé en 2007 notamment pour établir et afficher les bilans de gaz à effet de serre de 611 produits (agricoles comme industriels). En France, dans le cadre de l’utilisation de l’ACV pour l’affichage environnemental, un projet d’envergure national, Agri-BALYSE, financé par l’Ademe, a été lancé en 2010 pour une durée de 3 ans afin de constituer une base de données nationale sur les inventaires d’ACV de 46 produits agricoles (Koch et al., 2011). L’investissement pour construire ces bases de données est considérable et nécessitera la collaboration des filières étrangères, ce qui prendra plusieurs années. Pour l’HVE, en revanche, le cahier des charges n’est absolument pas adapté à l’internationalisation et aucune démarche similaire à l’étranger n’a eu lieu à notre connaissance si l’on considère la démarche dans son ensemble, c’est-à-dire plusieurs niveaux d’engagement, des pratiques agro-écologiques identifiées et un calcul de points par thématique. L’internationalisation n’est pas un objectif de la démarche dans un premier temps.
Concernant la construction de la démarche, l’ACV et l’HVE correspondent à des approches très différentes. Pour l’ACV, le projet a été porté par une volonté politique forte, de type « top-down ». La méthodologie est en cours de construction avec une forte implication des scientifiques du public et du privé et des instituts techniques représentant les filières agricoles. Quoiqu’également issue du Grenelle, la certification HVE a plutôt été portée par une dynamique « bottom-up », avec un fort investissement des associations et une faible contribution des scientifiques et des filières. Malgré les décrets, cette démarche à la charge des exploitants agricoles n’est pas encore suivie par des mesures précises d’incitation et de mise en œuvre. L’initiative doit être portée par les agriculteurs eux-mêmes, la certification étant faite au niveau de l’exploitation. L’agriculteur peut ensuite valoriser sa démarche s’il est en vente directe ou s’il passe par une filière agroalimentaire spécifique. Cette filière doit être organisée pour mettre en place une logistique et une traçabilité spécifique, ce qui engendre un coût important, surtout pour de petits volumes. Pour la valorisation de l’HVE(3) en filière longue, il sera donc nécessaire que des industriels s’investissent dans la démarche et l’intègrent dans leur cahier des charges. L’accompagnement technique et la promotion de la démarche HVE par les conseillers agricoles ne semblent pas encore prévus.
Les démarches de certification et d’étiquetage nécessitent un système de contrôle par des auditeurs indépendants. Pour l’ACV, la phase expérimentale est pilotée par un comité scientifique mixte public-privé et une procédure de validation externe des données a été élaborée. Cependant, cette procédure n’est pas adaptée dans le cas d’un éventuel futur affichage systématique. Le contrôle de la qualité des ACV sera particulièrement difficile pour les produits d’importation avec un coût important pour la vérification de la qualité des données utilisées. La démultiplication potentielle des études à valider pourrait nécessiter l’intervention d’organismes certificateurs indépendants et homologués. La répartition du coût de ces démarches au sein des filières reste encore à définir. Les systèmes de production évoluant, il est également nécessaire d’actualiser les résultats des ACV, quoique rien ne soit encore prévu pour cela. Au niveau de l’HVE, les démarches de contrôle et d’actualisation sont déjà clairement définies et nettement plus simples. Ce sont des organismes auditeurs homologués travaillant déjà pour d’autres certifications qui délivrent la certification HVE, avec un contrôle au minimum une fois tous les 3 ans et un réengagement à l’issue de cette période. Le coût est à la charge de l’agriculteur.
Enfin, en lien avec ces questions de contrôle et d’actualisation, il est intéressant de noter que l’ACV est un système quantitatif (affichage avec une unité numérique : « x kg de CO2 par kilogramme de produit »), qui potentiellement permet une amélioration continue des performances. Par opposition, l’HVE est un système binaire : une fois la certification obtenue il n’y a pas d’incitation à l’amélioration et à l’innovation. De plus, il n’est pour le moment pas spécifié que le cahier des charges de l’HVE doive être réévalué régulièrement au regard des évolutions des pratiques agro-écologiques.
Les principaux points de comparaison sur ces aspects institutionnels et administratifs sont synthétisés dans le tableau 1.
Tableau 1 Récapitulatif synthétique des principaux points de comparaison entre ACV et certification HVE(3) sur les aspects institutionnels et administratifs.
Synthetic comparison of the two approaches, LCA and HEV(3), regarding institutional and administrative aspects.
Comparaison « administrative »ACVHVE(3)
Processus réglementaireObligatoireVolontaire
Mise en œuvrePhase expérimentale/testDécrets juillet 2011
Périmètre géographiqueMondeFrance
ContrôlePhase expérimentale : comité scientifique onéreux
En routine : organisation et coût non définis
Organisme auditeur coûteux
ActualisationActualisation des données d’inventaire, des indicateurs et des scores non définieRéengagement tous les 3 ans
AméliorationPotentiel d’amélioration permanent mais plus ou moins directement visible selon le type d’affichage choisi
Pas d’échéances prévues pour des révisions régulières des indicateurs
Engagement « obligatoire » de passage d’un niveau à l’autre
Par niveau, les seuils sont constants
 → pas d’amélioration directement visible au sein d’un seuil
À long terme, pas d’évolution du référentiel prévue
ACV : analyse de cycle de vie ; HVE : haute valeur environnementale.

Bases scientifiques et techniques

Les bases scientifiques et techniques derrière l’affichage environnemental varient fondamentalement selon l’approche et le mode d’affichage choisis. L’ACV est une méthode d’analyse quantitative multicritère des impacts environnementaux d’un produit, tandis que l’HVE(3) permet un jugement de valeur global sur un produit en fonction du respect de pratiques agronomiques accréditées. L’HVE est également multicritère vis-à-vis des pratiques et des thématiques, mais elle ne permet pas de quantifier les impacts d’un produit. Ainsi, le bilan de gaz à effet de serre, obligatoire dans le cadre de l’affichage environnemental basé sur l’ACV, n’apparaît pas dans l’HVE(3) puisque c’est un critère d’impact et non une pratique. L’HVE est une obligation de moyens et non de résultats. L’apposition d’un logo HVE(3) ne renseigne pas directement le consommateur sur les impacts environnementaux du produit, mais il permet sur un simple critère, certifié ou non, d’orienter le choix vers des produits issus d’exploitations aux pratiques plus respectueuses de l’environnement.
L’information normative portée par le logo HVE(3) est relative à des seuils d’acceptabilité environnementale que le consommateur n’a pas besoin d’identifier par lui-même. Ces seuils ne sont pas définis dans le cadre de l’utilisation de l’ACV. L’affichage final basé sur l’ACV devrait comporter plusieurs indicateurs quantifiés. Cependant, le format définitif n’a pas encore été retenu. La transformation des valeurs physiques en échelle relative pourrait aider le consommateur dans ses choix. Des indicateurs d’impact quantifiés peuvent être difficilement interprétables sans valeurs seuils auxquelles les comparer. Une échelle relative à des valeurs seuils définissant les limites acceptables d’un indicateur permet de transformer un chiffre en critère qualitatif directement interprétable (voir, par exemple, figure 1, le gradient de couleurs : vert = « bon score » ; noir = « mauvais score »). La définition d’échelles relatives pour faciliter la communication sur les indicateurs ACV peut s’avérer nécessaire à la fois pour chaque indicateur et pour agréger plusieurs indicateurs en un score final. En effet, il faut pouvoir fournir au consommateur un système lui permettant de se construire une image « globale » des impacts d’un produit et ainsi de pouvoir comparer les produits entre eux. Des méthodes facultatives de pondération et d’agrégation existent en ACV, mais procèdent de choix méthodologiques qui induisent une incertitude supplémentaire. Un système d’agrégation commun dans le cadre de l’affichage environnemental n’est pas encore établi. Pourtant, l’efficacité de l’affichage environnemental pourrait finalement dépendre des choix faits en termes d’agrégation et de communication pour permettre une discrimination éclairée des produits.
Le problème de la discrimination des produits renvoie également en amont à la définition de l’unité fonctionnelle. Cette unité doit être la même pour tous les produits de la catégorie « Alimentation humaine et animale » (Cros et al., 2010) et doit donc permettre de discriminer parmi ces produits, par exemple de comparer tomate et viande de bœuf. À l’inverse, le logo HVE(3) ne permet pas une telle discrimination et différencie uniquement les produits certifiés ou non. Cependant, le choix de cette unité fonctionnelle commune n’est ni évident ni anodin. Il est difficile d’appréhender l’ensemble des impacts d’une exploitation à travers uniquement la somme de ses productions. L’agriculture est multifonctionnelle et certaines fonctions ne sont pas quantifiées en termes productifs (par exemple, la gestion de la biodiversité). Par ailleurs, plusieurs productions peuvent partager des responsabilités d’impact dans le temps et l’espace (par exemple, les pertes de nitrates liées à plusieurs cultures d’une même succession). Or, il est impossible d’allouer des impacts globaux à l’échelle de l’exploitation, dans le temps comme dans l’espace, à divers produits sur une base purement scientifique. D’une part, les connaissances sont incomplètes (par exemple, pour intégrer les impacts à long terme de l’exploitation sur la qualité du sol) et, d’autre part, les facteurs socio-économiques et culturels qui orientent les choix de l’agriculteur doivent être pris en compte (par exemple, la valorisation de résidus ou de sous-produits). À cet égard, l’HVE(3) pourrait s’avérer plus pertinente car elle concerne l’exploitation dans son ensemble et des critères basés sur le principe de précaution pourraient palier certains manques de connaissance scientifique sur la caractérisation des impacts (e.g., bonnes pratiques de conservation de la fertilité du sol même si les impacts quantifiés ne sont pas connus avec certitude, par exemple).
Bien que l’ACV permette de quantifier les impacts d’une production, elle ne permet pas, dans le cadre de l’affichage environnementale par filière à l’échelle nationale, de discriminer les pratiques entre deux exploitations individuelles. En effet, du fait du grand nombre de données nécessaires pour réaliser l’ACV d’un produit, il n’est pas envisageable de faire cette analyse pour chaque produit de chaque exploitation. Les indicateurs sont donc calculés par « filières moyennes ». Dans le projet Agri-BALYSE, une filière moyenne est définie comme une moyenne nationale (voire régionale pour certains produits) des itinéraires techniques et performances agronomiques sur une période de référence (2005-2009). Les 46 produits sont ainsi déclinés en 121 inventaires, soit 121 « filières moyennes » (Koch et al., 2011). A contrario, le logo HVE(3) est garant d’une traçabilité du produit jusqu’à l’exploitation. À plus long terme, le degré d’adéquation entre les indicateurs ACV et des pratiques agricoles plus spécifiques dépendra du nombre de filières inventoriées (filière Label rouge, filière BIO, etc., par exemple) et de l’échantillonnage des exploitations. Cependant, les limites actuelles des ACV des produits agricoles, notamment pour améliorer la prise en compte en routine de l’influence des pratiques agricoles et du milieu sur les émissions vers l’environnement et la caractérisation des impacts ainsi que les effets de seuils, devront être également dépassées.
Pour finir, l’ACV revêt un atout majeur pour l’exploitant et l’affichage environnemental. Le calcul des impacts est mesuré par unité de produit. Ainsi, la réduction des impacts ne peut pas être obtenue par une simple diminution des intrants et de la production qui en résulte, mais correspond bien à une amélioration de l’efficacité du système d’un point de vue écologique comme agronomique. Cette amélioration peut notamment passer par une intensification écologique de la production qui vise à profiter des fonctions naturellement productives des écosystèmes en optimisant l’adéquation entre les systèmes de production et le maintien de ces fonctions naturelles. À l’inverse, l’HVE(3) se concentre sur l’empreinte de la ferme sur son territoire et se place donc plus sur une logique d’extensification. Il y a donc un risque de transfert de pollution vers d’autres territoires. En effet, le manque de prise en compte du maintien d’une certaine productivité en regard de la préservation de l’environnement dans un territoire peut entraîner une compensation du manque productif par une autre exploitation potentiellement non certifiée HVE (puisque ce n’est pas obligatoire) et polluant un autre territoire.
Les principaux points de comparaison sur ces aspects scientifiques et techniques sont synthétisés dans le tableau 2.
Tableau 2 Récapitulatif synthétique des principaux points de comparaison entre ACV et certification HVE(3) sur les aspects scientifiques et techniques.
Synthetic comparison of the two approaches, LCA and HEV(3), regarding scientific and technical aspects.
Comparaison « technique »ACVHVE(3)
ApprocheÉvaluation des impactsÉvaluation des pratiques
Unité de référence pour les impactsImpact par kilogramme produit
Incitation à la productivité et l’intensification du système
Impact raisonné par hectare ou territoire
Incitation à l’extensification (risque de déplacement d’impact)
Échelle pour l’évaluation environnementaleFilière (typologie de fermes moyennes)Ferme individuelle
Traçabilité du produitPas de traçabilitéTraçabilité intégrale
Impacts sur la filièreComparaison entre systèmes de productions (par exemple : typologie régionale ; filières labellisées…)
 → « concurrence » entre filières
Valorisation en vente directe
 → « concurrence » entre fermes
Implication de l’ensemble des acteurs de la filière jusqu’aux produits transformésParticipation incertaine des industries agroalimentaire dans le but de labéliser les produits transformés
Discrimination entre produits différents (par exemple : viande-légume)Oui a priori, en fonction de la définition des seuils et des types d’affichageNon
Discrimination entre produits identiques mais de provenance ou filière différentes (par exemple : bœuf de la ferme A - bœuf de la ferme B)Seulement quelques déclinaisons (par exemple : bio-non bio) pour l’instantCertifié/non certifié
VisibilitéPlusieurs indicateurs d’impact
Nombre exact d’indicateur et possibilité d’agrégation encore non définis
Un logo de plus, AB, Label rouge
Critère « normatif »Non a priori, mais possible en fonction de l’affichage final, des niveaux d’agrégation ou du choix d’un code couleur, par exempleOui
Public cibleConsommateur final visé mais la démarche nécessite la participation de l’ensemble de la filière
ACV : analyse de cycle de vie ; HVE : haute valeur environnementale ; AB : agriculture biologique.

Discussion

Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, les deux approches comparées ici procèdent d’une même volonté d’informer les consommateurs sur les impacts environnementaux des produits agricoles. En revanche, seule l’approche ACV est directement ciblée pour son usage dans l’affichage environnemental et seule l’ACV pourrait permettre un affichage environnemental sur les impacts du couple produit/emballage, comme ambitionné dans la loi Grenelle 1. Ainsi, les deux approches ne remplissent pas les mêmes objectifs. En particulier, l’HVE dont l’ambition est d’entraîner l’évolution des pratiques agricoles vers plus de durabilité a une portée bien plus large que l’affichage environnemental seul. Néanmoins, l’apposition du logo en niveau 3 interpelle directement sur le résultat en termes d’affichage environnemental. La mise en regard des deux approches a permis de mettre en évidence des complémentarités entre elles mais également des risques de perte de visibilité et des limites dans les deux cas.
Concernant l’impact des pratiques agricoles et la protection de l’environnement, les deux approches sont complémentaires. L’HVE(3) assure le respect d’un certain nombre de pratiques agro-écologiques sans risque de compensation d’une exploitation à une autre contrairement aux indicateurs ACV moyennés par filière. Par ailleurs, l’ACV ne permet pas actuellement de calculer tous les impacts liés aux pratiques. Par exemple, le rôle des haies n’est pas pris en compte dans l’ACV d’une denrée alimentaire, son impact n’étant pas caractérisé, alors qu’il est pris en compte dans l’HVE comme pratique permettant de favoriser la biodiversité et de limiter l’érosion. Même si l’HVE est multicritère pour l’option 3.A (englobant les quatre thématiques), l’ACV reste en revanche plus holistique, permettant d’éviter des transferts de pollution entre catégories d’impact, au sein d’une même filière (en informant sur plusieurs impacts et en considérant intrinsèquement la productivité), et entre diverses étapes de la filière agro-industrielle dépassant l’exploitation agricole. Enfin, dans le cadre de l’option 3.B, basé sur le chiffre d’affaires, l’HVE peut pénaliser fortement des systèmes peu rémunérateurs, même si leur impact environnemental est bas.
Dans le cas des produits alimentaires composés, les deux approches sont limitées par le manque de données sur les ingrédients. Pour l’HVE(3), une teneur minimum en ingrédients issus d’une exploitation certifiée pourrait être requise, à l’instar du cahier des charges AB. Dans le cadre de l’ACV, beaucoup d’aliments d’épicerie ou des plats cuisinés risquent ne pas pouvoir être étiquetés avant longtemps. Il faudra éventuellement à terme, concevoir une « règle de coupure » pour des ingrédients en quantité mineure qui ne contribuent qu’à très faible niveau aux impacts environnementaux. D’une part, la disponibilité des ACV des ingrédients est le premier facteur limitant, en particulier pour les denrées importées pour l’alimentation humaine ou la constitution des rations des animaux d’élevage. D’autre part, il faudra s’assurer que les ACV des sous-produits fréquemment présents dans des produits de transformation, telles que les stéarines ou lécithines naturelles, ou de même les ingrédients importés pour les rations, sont calculées selon des règles d’allocation des impacts standardisées. Le choix de l’allocation est habituellement un facteur très sensible et problématique dans les ACV (Curran, 2007 ; Reap et al., 2008).
Malgré le dynamisme des entreprises engagées dans la phase expérimentale de l’étiquetage environnemental, il est encore trop tôt pour évaluer l’influence des contraintes méthodologiques sur la disponibilité des données, la mise en œuvre des calculs et le domaine de validité des résultats. Les entreprises doivent toutes suivre le référentiel BPX-30-323 pour développer leurs indicateurs. Cependant, on regrette un manque de transparence sur les méthodes exactes de calcul développées en interne par chaque structure et sur la qualité des données utilisées (MAAPRAT, 2012). Il sera primordial de bien comparer les indicateurs développés et les méthodes d’étiquetage afin de définir les meilleurs choix et d’harmoniser les indicateurs, au risque sinon de créer une confusion pour le consommateur.
Une concurrence entre ACV et HVE(3) pour l’affichage environnemental pourrait intervenir au niveau de la mise en place logistique des filières. L’ACV tend à être dans les mains des instituts techniques (pour preuve leur forte implication dans le projet Agri-BALYSE), alors que l’HVE relève plus des agriculteurs eux-mêmes. Malgré tout, il risque d’y avoir concurrence au sein des filières, entre le développement des deux démarches. En effet, dans les deux cas, des coûts de mise en œuvre en aval de la filière (ségrégation, traçabilité, affichage) pourraient se superposer et amener les transformateurs et distributeurs à faire un choix entre les deux approches. En bout de chaîne, l’affichage des indicateurs d’impact de l’ACV ou l’apposition du logo HVE(3) viennent concurrencer un florilège déjà important de logos et d’étiquettes sur les produits alimentaires (AB, Fair Trade, etc.). Les approches et labels se concurrencent à la fois sur le contenu de leur message et sur leur lisibilité. Un logo est plus directement visible et facilement compréhensible que des indicateurs d’impact qui nécessitent une éducation du consommateur. Il transmet cependant moins d’information immédiate. Le niveau de concurrence réelle dépendra :
  • –. en amont, de la réussite de l’HVE pour harmoniser et rassembler plusieurs cahiers des charges afin de limiter la multiplication de logos ;
  • –. en aval, de la pertinence globale de l’affichage environnemental.


Globalement, la plus-value de l’ACV dans le cadre de l’affichage environnemental sera d’autant plus grande que les liens pratiques-impacts seront mieux quantifiés et que l’ensemble de la filière jusqu’au recyclage de l’emballage sera considéré.
Actuellement, l’HVE ne s’est pas étendue comme il était souhaité. Le manque de promotion et de formation a été mentionné, mais le point crucial semble être le manque de valorisation économique pour les acteurs agricoles. Certains militent pour une obligation légale du cahier des charges à l’ensemble des exploitations, ce qui ne semble pas envisageable pour le niveau 3 étant donné son niveau de contrainte, alors que d’autres penchent plutôt pour un système de subvention. Un soutien économique public permettrait la mise en place de chaînes logistiques différenciées, et d’atteindre un volume acceptable pour donner de la visibilité à la démarche et permettre des économies d’échelle. Concernant l’ACV, l’extension du dispositif sous forme obligatoire à l’ensemble des produits alimentaires consommés en France pose encore question. Du fait de son caractère obligatoire, les filières pourraient également solliciter des aides pour supporter les coûts engendrés. De manière globale, l’affichage environnemental, surtout obligatoire, risque d’entraîner une distorsion de concurrence, notamment pour des produits importés. Les démarches d’ACV et d’HVE(3) doivent donc s’intégrer dans un cadre réglementaire compatible avec les règles de l’Union européenne, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces institutions reconnaissent une légitimité à l’affichage environnemental si celui-ci ne peut pas être assimilé à du protectionnisme déguisé et si la démarche respecte un certain nombre de principes (transparence, proportionnalité, etc.) (MAAPRAT, 2012). L’ACV peut être adaptée, quelle que soit l’origine des produits ; l’enjeu porte donc plutôt sur le coût de la démarche qui peut restreindre l’accès au marché. Pour l’HVE(3), si la certification venait à s’étendre, il faudrait envisager des systèmes d’équivalence ou d’adaptation du cahier des charges avec les autres pays afin de ne pas être accusé de protectionnisme.
Enfin, on peut s’interroger sur la demande réelle des consommateurs concernant l’information environnementale. En effet, la principale certification environnementale actuelle est l’AB, avec des consommateurs prêts à accepter un surcoût parfois conséquent pour ces produits. Cependant, la communication a toujours été portée sur le double argumentaire santé/environnement. Dans quelle mesure les consommateurs seraient-ils prêts à modifier leurs habitudes ou à accepter un surcoût pour certains produits, seulement sur la base de leur qualité environnementale ? Cela dépendra tout d’abord de l’importance de ce surcoût, mais également de l’efficacité de la communication environnementale. Or cette efficacité dépendra de l’adéquation entre le mode de communication choisi et la perception et la compréhension de l’information par le consommateur. Ainsi, les changements de consommation sont aussi assujettis au degré d’éducation environnementale des consommateurs, notamment eu égard à la compréhension des phénomènes d’impact environnemental. Cette difficulté est illustrée dans le cas du distinguo parfois subtil entre les impacts sur l’environnement et les impacts sur la santé humaine. Les deux peuvent être directement liés étant donné que l’être humain peut pâtir d’une dégradation de son environnement (pollution des eaux, par exemple). Cependant, de nombreux mécanismes d’impact environnemental ne touchent qu’indirectement les populations (eutrophisation, écotoxicité, par exemple). Il existe des indicateurs d’impact ACV sur la toxicité humaine que la communauté scientifique améliore progressivement. Ces indicateurs permettent d’agréger les impacts directs et indirects sur la santé humaine. Un tel indicateur pourrait s’avérer opportun pour concrétiser dans le cadre de l’affichage environnemental une information objective sur les liens entre mode de production, santé et environnement. Néanmoins, cette information nécessitera une éducation environnementale en amont afin d’éviter une confusion entre les impacts liés au cycle de vie du produit et les impacts liés à l’ingestion du produit, qui par ailleurs n’est pas supposé être mauvais pour la santé puisqu’approuvé par les commissions idoines.

Conclusion

Cette synthèse montre les difficultés méthodologiques et pratiques pour mettre au point un système d’affichage environnemental à la fois clair, rigoureux scientifiquement et qui s’intègre dans le cadre législatif du commerce mondial. Bien que l’HVE soit opérationnelle depuis 2011, un nombre très restreint d’exploitations s’est lancé dans la démarche à ce jour, très loin des 50 % souhaités pour 2012. Le frein principal semble être le manque de valorisation économique pour les acteurs agricoles et le manque de visibilité de l’initiative. Au niveau de l’affichage basé sur l’ACV, le processus est encore en cours d’expérimentation avant une possible généralisation à l’ensemble des produits français dans les prochaines années. Les industriels et les filières ont développé différentes initiatives qu’il faudra synthétiser et homogénéiser, aucune ne s’imposant « naturellement » aujourd’hui (MAAPRAT, 2012).
Les approches par l’évaluation des pratiques au niveau des exploitations (HVE(3)) ou l’évaluation des impacts au niveau des produits (ACV) ont chacune leurs avantages et inconvénients et permettent d’approcher des dimensions environnementales différentes, voire complémentaires (tableau 3). De nombreux problèmes demeurent cependant dans leur mise en œuvre et il existe des risques de télescopage entre les deux approches en termes de dispersion des efforts et de manque de lisibilité des informations finales. Une réflexion doit être portée sur la cible de ces démarches. En effet, bien qu’en fin de chaîne ce soit le consommateur qui soit visé, le succès des approches d’affichage environnemental reposera aussi fortement sur la bonne coopération de l’ensemble des acteurs des filières et sur une répartition équitable des surcoûts sans reporter l’ensemble sur le consommateur ou le producteur. Dans le cadre de l’ACV, on observe une forte demande de la société et des instances politiques pour l’intégration de critères « médiatiques » comme la biodiversité et le lien environnement-santé, alors qu’au niveau scientifique il reste des verrous importants pour les évaluer de manière fiable. Ainsi, l’affichage environnemental illustre bien le rôle primordial des scientifiques pour répondre à des demandes de la société. Cependant, cela illustre également l’inadéquation relative entre ces demandes et l’état de l’art des connaissances, et donc le besoin de recherches supplémentaires. De plus, la perception de l’information transmise et sa traduction à bon escient en termes de consommation dépend intrinsèquement de l’éducation environnementale des consommateurs qu’il faut évaluer, voire améliorer, en concomitance avec le développement de l’affichage environnemental.
Tableau 3 Comparaison de la prise en compte de quelques impacts environnementaux par les deux approches.
Comparison of the two approaches looking at the consideration of some environmental impacts.
CritèresACVHVE
Biodiversité-++
Qualité des sols-++
Impact sur l’eau (quantité)++++
Impact sur l’eau (qualité)++++
Changement climatique+++-
Épuisement des ressources fossiles+++-
Impact sur la santé+-
- : absence de prise en compte ; + : faible prise en compte ; ++ : prise en compte passable ; +++ : bonne prise en compte ; ACV : analyse de cycle de vie ; HVE : haute valeur environnementale.

Remerciements

Les auteurs, membres du groupe ELSA ( www.elsa-lca.org), remercient la région Languedoc-Roussillon pour son support. Les auteurs sont également reconnaissants envers les organisateurs de l’animation scientifique sur l’agro-écologie soutenue par Agropolis pour l’opportunité offerte de présenter cette analyse lors d’un séminaire. Les auteurs remercient l’Ademe, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et la FAO pour leur soutien à ce travail dans le cadre du projet 11-60-C0003. Enfin, les auteurs remercient les relecteurs pour leurs corrections et commentaires pertinents qui ont contribué à améliorer la qualité de l’article.

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1 http://www.legrenelle-environnement.fr/-Affichage-environnemental-des-.html
2 Enquête sur un panel représentatif de la société française de 4 055 individus âgés de 15 à 74 ans.
3 Afin de clarifier la lecture, dans l’ensemble du document, la notation HVE fait référence à la démarche globale, alors que HVE(3) fait référence au niveau 3 de la démarche, c’est-à-dire celui autorisant l’apposition du logo pour une comparaison plus spécifique avec l’ACV.


Source: john-libbey-eurotext.fr (http://goo.gl/fA41P)

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