J'ai donc pris des notes, j'espère ne pas me tromper dans mon compte rendu.
La première partie concernait le contexte énergétique. En France, la consommation énergétique finale est composée de 46% de pétrole, 20% de gaz, 22% d'électricité (qui vient à 75% du nucléaire), 9% de la biomasse et de déchets recyclés pour produire du biogaz notamment et 3% du charbon. Bref, 46 % pétrole +20% gaz, cela nous fait les deux tiers de l'énergie consommée en France qui sont des hydrocarbures. Cela fait une forte dépendance à ces énergies importées de l'étranger : la France importe 99% de son pétrole, l'Europe 90% (on a le Royaume-Uni et la Norvège qui possèdent des champs de pétrole en mer du Nord).
Le 21e siècle est marqué par les pics de production de plusieurs de ces sources d'énergie, notamment le pétrole, le gaz et d'autres. Thévard a montré un graphique concernant l'exploitation pétrolière : le plus grand champ de pétrole a été découvert dans les années 1930 en Arabie Saoudite. Le pic (maximum) des découvertes de champs de pétrole dans le monde a été atteint dans les années 1960, depuis ces découvertes de nouvelles réserves de pétrole sont en baisse. Au maximum des nouvelles découvertes, on atteignait entre 40 et 60 nouveaux milliards de barils par an. Aujourd'hui ces nouvelles découvertes ne sont plus que de 5 milliards de barils par an (un baril c'est 159 litres de pétrole).
Près de la moitié du pétrole mondial a été consommée
Les réserves restantes de pétrole dans le monde sont estimées à 1500 milliards de barils : 1000 milliards de barils de pétrole brut (le plus facile à exploiter) et 500 milliards de barils de pétrole extra lourd, plus difficile à exploiter : l'extra lourd, ce sont notamment les sables bitumineux du Canada, le pétrole du Venezuela...
Nous avons déjà consommé au niveau mondial 1300 milliards de barils de pétrole depuis la fin du 19e siècle, soit près de la moitié si on se base sur une estimation de réserves restantes de 1500 milliards de barils. En 2011, la production mondiale a été de 32 milliards de barils. Si on divise 1500 milliards de réserves par 32 milliards produits par an, cela nous donne 47 ans de production de pétrole, soit jusqu'en 2055 ou 2060, donc on est tranquilles jusqu'à cette date.
Sauf que, cela ne marche pas comme ça. On ne va pas avoir plein de pétrole jusqu'en 2055 puis plus rien après. Dans la réalité, la production mondiale va décliner petit à petit, chaque année, et cette baisse de l'approvisionnement en pétrole va fortement peser sur nos économies, qui sont comme on l'a écrit plus haut, très dépendantes de cette énergie. Comme le dit Jancovici : "moins de pétrole, c'est une croissance économique zéro ou négative, la récession, le chômage, etc..."
L'Agence internationale de l'énergie a estimé qu'on a passé le pic pétrolier pour les gisements de pétrole brut, conventionnel, en 2006. C'est le moment du maximum de la production pétrolière mondiale, ce moment dure une petite dizaine d'années. La production des pétroles non conventionnels : pétrole de schiste, sables bitumineux, pétrole trouvé au fond des océans jusqu'à 11km de profondeur... est au contraire en hausse mais cette hausse ne suffira pas à compenser la baisse du pétrole brut conventionnel.
Entre 2015 et 2020, on estime donc que la production mondiale de pétrole va commencer à décliner.
Thévard a par ailleurs démonté la campagne de communication orchestrée autour des gaz de schiste, notamment aux Etats-Unis. Certains disent que grâce au gaz et au pétrole de schiste, les USA vont pouvoir se passer du pétrole d'Arabie Saoudite. Ce n'est pas l'avis de Benoît Thévard car l'exploitation des gaz de schiste nécessite des quantités énormes d'eau : 20 000 mètres cubes d'eau douce par fracturation (il s'agit de fracturer la roche, le schiste qui renferme le pétrole ou le gaz), ce qui fait 150 millions de tonnes d'eau douce utilisées en 2012 aux USA par cette industrie, l'équivalent de la consommation de trois millions de personnes.
Même chose avec le sable : 3000 camions par jour sont utilisés par l'industrie du gaz de schiste. Les puits de gaz de schiste connaissent par ailleurs un déclin très rapide : ils perdent 80% de leur production au bout d'un an d'exploitation, 95% de déclin de la production au bout de quatre ans. C'est également une industrie qui est déficitaire avec une perte de trois milliards de dollars par mois aux USA.
"La fin de l'énergie abondante et bon marché"
En fait, la civilisation du pétrole dans laquelle nous sommes aura duré un peu moins de 200 ans, de la fin du 19e siècle à la moitié du 21e, soit la durée au terme de laquelle on aura épuisé les réserves les plus accessibles (Thévard pense qu'il restera toujours du pétrole en 2050, mais coincé au milieu de roches, très profond sous terre ou sous l'océan et cela ne sera pas rentable de l'exploiter).
Thévard a insisté sur le concept "d'énergie nette". Car pour produire de l'énergie, on a besoin d'investir de l'énergie. Ainsi, en 1930 lorsqu'on investissait 1 baril de pétrole pour chercher des réserves de cet hydrocarbure, on récupérait 100 barils car le pétrole était à ce moment là accessible facilement et en grande quantité.
En 1950, les réserves les plus accessibles avaient déjà été pas mal exploitées, cela devenait donc un peu plus difficile : pour 1 baril investi dans la production pétrolière, on en récupérait 25 (énergie nette de 24 donc). En 2000, pour 1 baril investi, on n'en récupérait plus que 17 (énergie nette de 16). Et cette tendance à la baisse va continuer. Or, on estime qu'une société industrielle et complexe comme la nôtre a besoin d'une énergie nette comprise entre 7 et 10 pour pouvoir fonctionner. Nous en sommes actuellement à une énergie nette de 16, la barre des 10 n'est plus très loin...
Pour les pétroles plus difficiles à exploiter c'est pire, car ils sont mélangés à du sable, de la roche, sont enterrés profond sous l'océan et coûtent très cher à produire. Ainsi pour les sables bitumineux du Canada, on investit 1 baril et on n'en récupère que 3. Pour le biocarburant à base de maïs, développé notamment aux Etats-Unis, on investit l'équivalent d'un baril dans la production et on récupère... l'équivalent d'un baril également, l'énergie nette est donc nulle avec ce biocarburant (donc il vaut mieux garder le maïs pour l'alimentation).
Nous avons donc parlé du pic pétrolier, nous y sommes actuellement, le début du déclin de la production étant estimé à 2015. Le pic du gaz naturel (maximum de la production avant début du déclin de cette production) devrait intervenir vers 2030, le pic du charbon étant prévu pour 2055. C'est donc, nous le savons, "la fin de l'énergie abondante et bon marché" sur laquelle le développement des civilisations industrielles s'est construit depuis le milieu du 19e siècle, en Europe, en Amérique du Nord, dans une partie de l'Asie...
Le pic de l'uranium qui fait tourner le centrales nucléaires à fission est estimé pour 2045 ou 2050, et les métaux et minerais sont eux aussi concernés, puisqu'ils sont eux aussi consommés en grande quantité par nos économies alors qu'ils sont eux aussi, comme le pétrole, le gaz... en quantité limitée sur Terre. Le pic du phosphate, notamment utilisé dans les engrais agricoles, est prévu pour 2030, le pic du zinc vers 2015, le pic du cuivre vers 2040 (et encore, il semble que cette estimation prend en compte le cuivre recyclé), le pic du plomb vers 2045, le pic du platine vers 2020, le pic du titane vers 2045, le pic du manganèse vers 2050.
Aucune technologie ne permet de compenser la baisse des ressources naturelles
Le tableau présenté par Thévard évoque également une baisse des ressources de la biodiversité (espèces animales, végétales...), à cause de la trop forte pression exercée par les hommes sur les milieux naturels. Benoît Thévard conclut en disant qu'aujourd'hui aucune technologie ne permet de compenser cette baisse des ressources naturelles, qui sont toutes en déclin plus ou moins rapide.
Il poursuit sur l'énergie en évoquant ce que représente 1 kilowatt/heure. 1 kilowatt/heure c'est le travail manuel d'un homme pendant 20 heures. Si cet homme est payé au SMIC Thévard affirme que cela représente 220 euros. Mais 1 kilowatt/heure c'est aussi l'énergie fournie par 0,4 litre d'essence. Et aujourd'hui ce 0,4 litre d'essence coûte 0,8 euros, soit presque rien. "Le pétrole est aujourd'hui quasiment gratuit" conclut Benoit Thévard. "Si on a le sentiment qu'il coûte cher, c'est parce qu'on en consomme de grandes quantités".
Un Français consomme en moyenne 48 000 kilowatt/heure d'énergie par an. Cela représente 38 000 euros si on convertit cette énergie au tarif actuel du pétrole. Mais si cette énergie doit être fournie par un travailleur payé au SMIC comme évoqué ci-dessus, cela représente 10 millions d'euros !
Cela veut dire que grâce aux sources d'énergies auxquelles nous avons accès (en premier lieu les hydrocarbures), chaque Français dispose de l'équivalent de 118 "esclaves énergétiques" selon l'expression employée par Jancovici. Si on voulait avoir autant d'énergie dans notre vie quotidienne sans disposer du pétrole, du gaz, de l'électricité... on aurait besoin du travail manuel de 118 personnes. C'est une image assez parlante.
Tout ceci nous ramène au lien entre la quantité d'énergie disponible et la croissance économique sur laquelle nos sociétés sont basées, pour créer des richesses. Les transports, la production agricole et donc l'alimentation, sont très largement dépendants du pétrole, devant les autres sources d'énergie. Un graphique montrait ainsi la façon dont les prix de l'alimentation sont dépendants des cours du pétrole. Dans les grandes cultures, les céréales, 50% des coûts des exploitations sont liés au pétrole : engrais, gazole...
En conclusion, dans un avenir proche qui est peut-être déjà le présent, nous aurons donc : Point numéro un : moins d'énergie et elle sera plus chère (la baisse temporaire du prix du pétrole est liée à la récession économique qui entraîne une baisse de la consommation). Le changement climatique nous impose par ailleurs de réduire de 80 à 95% nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Et toutes les ressources sont de moins en moins disponibles (minerais, métaux, espèces animales et végétales...).
Dans le même temps Point numéro deux : les hommes sont de plus en plus nombreux sur la planète, donc leur pression sur les ressources augmente. Et le système économique est justement basé sur la croissance,donc sur l'augmentation de la consommation.
On voit bien que le point numéro un et le point numéro deux sont contradictoires. Benoît Thévard se met alors à militer pour... le changement de modèle de société ! Remplacer la compétition par la coopération, limiter la dépendance à la mondialisation au profit de la relocalisation des activités économiques sur les territoires où vivent les gens...
Il s'agit de mettre en place un système résilient, c'est à dire un système économique et social capable de s'adapter et de se réorganiser dans de bonnes conditions aux très importants changements qui nous sont promis (éviter que la crise écologique n'entraîne un chaos politique et social). Pour Benoît Thévard, cela passe par une diversification des activités économiques, alors qu'aujourd'hui on a plutôt tendance à appliquer des modèles uniformes : 70 % de l'alimentation vient des supermarchés, 75% de l'emploi est dans le tertiaire, 95% des transports fonctionnent au pétrole, 85% des surfaces agricoles sont réservées aux grandes cultures, 75% de l'électricité vient du nucléaire.... Pour Thévard, il faut diversifier l'économie, l'énergie, les activités, et ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier.
Il faut favoriser la décentralisation du pouvoir politique pour mieux anticiper (l'Etat doit inciter à la transition par les normes règlementaires et fiscales mais laisser une importante autonomie aux territoires), favoriser les circuits courts (directs du producteur au consommateur), la relocalisation des activités. Il faut encore être moins dépendant de la mondialisation en développant l'autonomie des territoires pour ce qui concerne les besoins vitaux comme l'alimentation. Cela suppose de ne plus chercher à exporter à tous prix ses productions. Enfin la transition nécessite d'agir collectivement et de construire une vision positive de l'avenir.
Enfin, les élus doivent aussi prendre en compte le pic pétrolier dans l'aménagement du territoire, ce qui veut dire ne plus mettre de l'argent dans de nouveaux aéroports, de nouvelles autoroutes, puisque la baisse de la ressource en pétrole va limiter nos déplacements.
Voilà qui est intéressant !
Les sites internet de Benoît Thévard :
http://www.avenir-sans-
http://peakoil-europaction.eu/
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