Après avoir pensé « global », le secteur de la distribution redécouvre les charmes du «local». Le mouvement d’internationalisation tous azimuts auquel on a assisté dans les années 2000 s’achève dans la douleur pour beaucoup d’enseignes. Dernier exemple en date, Tesco, qui a présenté mercredi 17 avril à ses actionnaires l’addition de sa percée aventureuse aux Etats-Unis. Après avoir investi 1 milliard de livres (1,16 milliard d'euros) dans la création de toutes pièces d’un réseau dans l’ouest américain, le distributeur britannique vient de déprécier cet actif de 1,2 milliard.
Tesco n’a pas été très inspiré quand en 2007 il a baptisé son enseigne locale, « Fresh & Easy ». Le concept qui visait à proposer un assortiment de produits à petits prix et à marques propres, centrés sur le bien être, a tourné finalement à la débâcle: le groupe a annoncé mercredi la première chute de ses profits depuis 20 ans (124 millions de livres contre 2,8 milliards un an auparavant).
Pourtant, ces dernières années, sous la houlette de son ancien PDG, Terry Leahy, Tesco a longtemps été le bon élève de la distribution mondiale, avant d’être rattrapé par la crise sur son marché national. Distrait par ses ambitions à l’étranger (il éprouve aussi quelques difficultés en Corée du sud et en Europe centrale), le groupe britannique a vu sa part de marché au Royaume-Uni chuter sous les 30%. Face à un pouvoir d’achat des consommateurs de plus en plus contraint et des concurrents de plus en plus agressifs, Tesco doit maintenant impérativement relancer la machine en concentrant ses moyens sur l’essentiel, c’est-à-dire ses marges et ses parts de marché sur son marché national.
Carrefour est en train d’opérer le même mouvement. Le distributeur français sort d’un certain nombre de pays afin de retrouver des marges de manœuvre pour investir dans la rénovation de ses magasins en France. Carrefour et Tesco ne sont pas les premiers à pratiquer la stratégie de l’accordéon : une forte expansion, suivie d’une retraite en plus ou moins bon ordre. Intermarché a eu sa Berezina avec l’Allemagne. Le néerlandais Ahold, qui en 2002, au prix d’une course folle, avait réussi à dépasser Carrefour en terme de chiffre d’affaires d’une courte tête, a dû, lui aussi, replier sérieusement la voilure l’année suivante à la suite d’une fraude comptable. Quant à Wal-Mart, le numéro un mondial, il doit avant tout sa puissance à son implantation aux Etats-Unis. L’expansion à l’international, elle, laisse toujours à désirer en termes de résultats.
Toutefois, quelques exceptions sont là pour confirmer la règle : Auchan réussit très bien en Russie et en Chine et Casino, grâce à des partenaires locaux bien implantés et des pays bien ciblés (à l’exception des Pays-Bas et Taïwan dont le groupe s’est aujourd’hui retiré) tire bien son épingle du jeu au Brésil, en Thaïlande ou en Colombie.
Mais d’une façon générale, l’internationalisation n’est que rarement gage de succès. Les distributeurs achetant la majorité de leurs produits localement, les synergies au niveau mondial restent limitées. Par ailleurs, le retour sur investissement est hautement aléatoire, surtout lorsque, comme Tesco, on part de zéro pour implanter un parc de magasin. De la même façon, Carrefour était parti la fleur au fusil au Japon, marché dont le groupe français est sorti aussi vite qu’il y était entré. Enfin si un distributeur étranger n’occupe pas une position de numéro un ou numéro deux loin de ses bases, l’équilibre économique est très difficile à atteindre face à des acteurs locaux bien mieux armés pour faire de la résistance. A dépenser trop d’énergie et de moyens en dehors de ses frontières, on finit par perdre de vue l’essentiel : le local.
Source: Le Monde (http://goo.gl/tEUi7)
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