Cela fait dix ans que les Français sentent leur niveau de vie reculer. A force, ils développent un rapport à la consommation plus réfléchi : la débrouille entre dans les mœurs et la consommation alternative s'est démocratisée au point de ne plus être une alternative, nous enseigne la lecture du second rapport de l'Observatoire des consommations émergentes publié ce jeudi 7 novembre 2013 par l'Obsoco.
Une bipolarité des comportements d'achat
Ce rapport bipolaire à la consommation se retrouve dans le rapport aux marques. On se méfie d'elles en les accusant de vendre des produits prêts à jetés , mais on préfère s'y fier parce qu'elles seraient gage de qualité ! "Au total, l'image qui se dégage des réponses des Français enquêtés est davantage celle d’une posture de réserve à l’égard de certaines facettes de la consommation que celle d’un rejet tranché d’une hyperconsommation qui continue manifestement d’exercer un attrait pour une large fraction de la population" explique la synthèse du rapport de l'Obsoco .
D'ailleurs, l'étude menée cette année note un recul dans la proportion des personnes souhaitant consommer mieux (46 % en 2013 contre 52 % l'an dernier ), et de celles parmi elles souhaitant consommer moins (26 % en 2013 contre 30 % l'an dernier).
Ce qui émerge le plus n'est pas forcement le plus médiatis é
Autre observation : ce sont pas les pratiques les plus médiatisées qui sont les plus répandues. "Ainsi, les AMAP et autres formes de réseaux d’achat groupé de produits alimentaires ne concernent que 5 % des Français interrogés et, s’ils sont 12 % à déclarer avoir mis une pièce de leur domicile à la disposition d’un voyageur ("couchsurfing") au cours des 12 derniers mois, ils ne sont que 5 % à l’avoir fait par l’intermédiaire d’un site Internet. A l’inverse, le don, l’achat d’occasion, l’emprunt...sont des pratiques qui concernent une large majorité des Français".
Interrogée sur ce rapport, la présidente de l'Obsoco, Nathalie Damery, souligne à quel point les frontières sont poreuses aujourd'hui entre l'univers marchand traditionnel et ces nouvelles formes de consommation : "Il ne s'agit plus d'alternatives à la consommation. Louer devient la norme sur certains produits (bricolage ou puériculture), l'achat malin s'allie à la nécessité"
Un recul des motivations écologiques
Fait quelque peu préoccupant (c'est subjectif !), la sensibilité à l'écologie s'émousse. Si le gaspillage reste une préoccupation majeure, les motivations ne sont plus militantes. Trois raisons poussent les Français à hyper-consommer autrement :
- Cela permet de satisfaire un besoin de manière moins onéreuse, voir de gagner des sous,
- Cela redonne du "pouvoir d'agir" ("emporwerment" diraient les anglo-saxons): on se reprend en main, on aime se sentir en réseaux les uns avec les autres et faire sens ("recréer du lien social, soutenir l’économie locale, contribuer à la dynamisation de son quartier, faire un geste pour la planète..." détaille l'Obsoco)
- Cela est facilité par la multitude d'initiatives qui se sont développées en quelques années : "les plateformes sur Internet facilitant la mise en réseau des consommateurs et l’établissement de liens d’une autre nature avec les producteurs, tout en offrant des services permettant de réduire les risques associés à ces formes de consommation et, parfois, de renouveler l’expérience d’achat et le plaisir qui lui est attaché"
La synthèse du rapport de l'Obsoco note "un renforcement des motivations d’ordre économique. La dimension "responsable" - notamment dans son volet environnemental – est quant à elle en recul, excepté pour ce qui touche à la sensibilité à l’origine géographique de la production, qui est en forte progression par rapport à l’année dernière". Mais bien plus encore : "alors que les pionniers des pratiques de consommation émergentes ont souvent été animés d’un esprit militant, de contestation de l’hyper-consommation et de promotion de modèles alternatifs de société, le traitement des résultats de l’Observatoire échoue à établir une relation entre le degré d’engagement des individus dans ces pratiques et l’adoption d’une posture critique à l’égard de la consommation".
Pour Nathalie Damery, "les Français veulent en avoir plus pour moins, ce n'est plus une alternative, ce n'est pas militant, c'est une nouvelle façon de consommer". Pour elle, l'engouement des médias pour la consommation collaborative vient de l'image offerte par la jeunesse et l'esprit enchanteurs des start-up qui se créent dans le secteur : "Il s'agit typiquement du pouvoir des commencements cher à Myriam Revault d’Allonnes. Dans un paysage commercial plutôt triste, cela fait rêver. Si ces pratiques vont se développer, il existe encore un fossé entre le bruit médiatique autour de ces initiatives et la réalité : la consommation collaborative reste jeune et urbaine, alors que les comportements émergents que nous observons touchent tous les français, mixent les générations et les catégories socio-professionnelles".
En somme, les Français sont désormais motivés pour des raisons qu'ils ont commencé par subir. Avant on avait le choix pour éviter de rentrer dans le mur, maintenant nous sommes dans le mur et nous n'avons plus le choix.
Pour l'Obsoco, ces évolutions sont une aubaine pour les marques, qui peuvent désormais renouveler et refonder différemment la relation avec leurs clients. Pour la planète, l'histoire attendra encore un peu.
Source: Le Monde (http://goo.gl/dUKbnI)
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