mercredi 7 novembre 2012

Global gâchis : le scandale mondial du gaspillage alimentaire


Bienvenue en Absurdie. Alors qu’un milliard d’êtres humains ne mange pas à sa faim, un tiers de la production mondiale de nourriture fini dans… nos poubelles. Avec cette quantité d’aliments, on pourrait pourtant nourrir sept fois la population mondiale qui souffre de malnutrition. A lui seul, le gaspillage alimentaire des Etats-Unis pourrait la sortir deux fois de cette situation. Tristram Stuart, activiste et auteur de “Waste” – devenu la référence internationale en matière de gaspillage alimentaire -, nous emmène en Europe, en Equateur, en Inde, aux Etats-Unis et au Japon. Au cours de ce tour du monde de la honte, soulevant des questions autant éthiques qu’environnementales, il nous propose de découvrir des exemples affligeants de ce gâchis mondial, ainsi que des initiatives locales pour le réduire.
En France, premier pays agricole d’Europe, Angélique Delahaye nous accueille sur son exploitation maraîchère, en Indre-et-Loire. Elle doit jeter un quart de sa production de concombres malgré leur parfaite comestibilité. La raison : le rejet par les distributeurs de ceux qui ne répondent pas à une norme purement esthétique : bien droit, bien lisse, d’un calibre prédéfini. En 2009, les normes européennes sur les calibres avaient pourtant été supprimées. Mais les distributeurs préfèrent répondre aux exigences des consommateurs : des étals abondants, des fruits et légumes parfaits.
Un directeur nous ouvre les portes de son hypermarché. Et soulève le couvercle de ses poubelles. A l’intérieur, des produits parfaitement consommables : des bananes avec des petites taches, un pack entier de soda balancé pour une canette cabossée, des viennoiseries fabriquées la veille. Addition pour les 1 072 hypermarchés français : 2 292 095 tonnes, soit 850 millions d’euros par an. C’est six fois le budget des Restos du Coeur, qui servent 100 millions de repas à l’année…
Dans les foyers français, le gaspillage continue : 400 euros par an et par ménage sont mis à la poubelle, en raison de la mauvaise gestion des dates de péremption et du frigo. La gabegie se poursuit dans l’asssiette. In fine, à la maison, les Français mettent 100 kilos de nourriture par an et par personne à la poubelle.
Fraises au Maroc, haricots verts au Kenya, tomates en Espagne…
Le gâchis ne connaît pas de frontières. Cap sur l’Equateur, plus gros exportateur de bananes au monde. Carlos Torres, administrateur général du groupe Serrano, gros exploitant de 3 000 hectares, se voit refuser 15 % de sa production de bananes. « Il y a trop d’exigences… » En fait, dans ce pays où l’on gaspille dix fois moins que dans les pays occidentaux, on jette les bananes dont nous ne voulons pas : 400 tonnes par jour, soit 146 000 tonnes par an.
Direction l’Inde, quatrième puissance agricole mondiale. Alors que le pays devrait être autosuffisant, un Indien sur cinq a faim. Au marché de Chennai, véritable Rungis à l’échelle du sous-continent, ce sont 150 tonnes de nourriture qui pourrissent à même le sol, chaque jour, en raison des conditions de transport à moindre coût : toiles de jute remplies à ras bord entassées dans des camions.
Aux Etats-Unis, le gaspillage alimentaire atteint son apogée avec 100 milliards d’euros par an. Certes, des initiatives fleurissent. L’association City Harvest emploie 100 personnes, qui sillonnent New York avec 16 camions pour récupérer les invendus de grandes enseignes afin de concocter 300 000 repas par semaine. Harvest of Hope réunit 30 000 bénévoles qui glanent les excédents dans les champs de 20 Etats. A Stone Barns, à une heure de New York, on pratique une agriculture raisonnée, où rien ne se perd. Retour en Europe. A Londres, on s’organise aussi pour réduire les 3 millions de tonnes de nourriture qui finissent en déchets chaque année. A la maison Hare Krishna, les bénévoles récupèrent 10 tonnes d’aliments par semaine, dans deux supermarchés, pour alimenter SDF et étudiants.
Mais c’est au Japon qu’on semble avoir sérieusement pris en main ce scandale mondial. Il faut dire que l’archipel, autosuffisant à 40%, importe tout le reste de ses aliments. Une loi votée il y a dix ans oblige les entreprises au recyclage alimentaire. Chez Odakyu, conglomérat de réseaux ferrés, grands magasins et restaurants, les déchets alimentaires permettent de nourrir des porcs bio revendus dans les enseignes du groupe. Aux Galeries Lafayette nippones, Seibu, les restes de la cantine finissent en compost. BioEnergy utilise les aliments avariés pour alimenter 2 400 foyers en électricité. Un documentaire engagé qui nous appelle à mettre un terme à cette gabegie alors qu’en 2050, nous serons 9 milliards sur Terre et autant de bouches à nourrir.
Hélène Riffaudeau

Quelques réflexes anti-gaspillage

J’achète malin
A la maison :
– J’inventorie ce qui se trouve déjà dans le réfrigérateur et les placards avant de faire mes courses. Je consomme les produits dont la date de conservation est proche.
– Je planifie des menus pour la semaine.
Dans le magasin :
– J’évite de faire les courses le ventre vide pour limiter les choix impulsifs et un parcours anarchique.
– Je fais mes achats dans le bon ordre : d’abord les produits non alimentaires puis les produits d’épicerie, conserves, boissons… ensuite les produits surgelés et les glaces immédiatement rangés dans un sac isotherme (à défaut un sac ou un carton) pour éviter qu’ils ne se décongèlent. enfin les produits frais réfrigérés regroupés ensemble pour qu’ils ”se tiennent froid”.
– Je vérifie les dates de conservation, la liste des ingrédients et les conseils d’utilisation.
– Je m’assure que les quantités proposées sur une promotion ne sont pas disproportionnées par rapport à ma consommation et ma capacité de stockage.
– Je rentre rapidement pour respecter la chaîne du froid.
Trucs et astuces
Décoder les dates de péremption :
– DLC (date limite de consommation). la mention « à consommer jusqu’au… » est impérative. Elle concerne les denrées très périssables (viande, poisson, produits laitiers). Certains produits comme les yaourts peuvent être consommés quelques jours après la date indiquée en raison de leur acidité naturelle.
– DLUO (date limite d’utilisation optimale). la mention « à consommer de préférence avant le… » (de 3 à 18 mois) n’est pas impérative. elle concerne les produits secs, stérilisés, lyophilisés et déshydratés.
Je conserve les aliments
Une place pour chaque l’aiment. Règle d’or : « Premier entré, premier sorti ». Je range au réfrigérateur les produits dans des boîtes fermées et je le nettoie deux fois par mois pour éviter les bactéries. Je congèle les aliments pour allonger leur durée de vie. J’enlève les fruits abîmés de la corbeille car ils contaminent ceux qui sont sains.
Je vérifie le mode de conservation. 1 œuf frais se conserve entre 10 et 12 jours à partir de la date de ponte, mais un œuf dur ne reste bon que 2 à 3 jours. Une fois les paquets ouverts la charcuterie ne reste consommable que 2 à 3 jours et le fromage frais 3 à 4 jours.
TRUCS ET ASTUCES
La conservation des aliments varie selon leur nature et leur état.
Je cuisine astucieux
Je respecte les dosages pour éviter les restes. Pour un adulte : 3 cuillères à soupe de lentilles, 1/2 verre de riz, 1 verre de pâtes, 140 g de poisson, 2 têtes de brocolis, 5 petites pommes de terre et 1 bol de laitue.
TRUCS ET ASTUCES
Comment réutiliser un bouillon de pot-au-feu ?
– Congeler le bouillon dans des bacs à glaçon après l’avoir filtré. Utiliser ensuite un cube pour cuire féculents ou céréales.
– En court-bouillon ou en soupe en ajoutant des pâtes (vermicelles, pâtes alphabet….) et un peu de sauce soja.
– En sauce, en l’épaississant de Maïzena et de crème pour accompagner viandes et féculents.
– Pour arroser les plantes : elles raffolent des vitamines en engrais naturel. – Éviter le jus de choux acide et celui des pommes de terre à cause de l’amidon.
[1] Sources : Enquête collecte 2007 ADEME. FAO, Global Food Losses and Food Waste, 2011. Urban Food Lab, « Pertes et gaspillages dans les métiers de la remise directe (restauration et distribution) ». Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire, 2011. Dossier « La RHF aiguise les appétits », RLF, no 692 (juin 2009)
[2] Né en 1977, Tristram Stuart est anglais. Auteur et historien, il intervient régulièrement à la radio et à la télévision dans les débats sur l’environnement et le gaspillage alimentaire. Ses deux livres, The Bloodless Revolution et Waste ont été encensés par la critique, « une véritable contribution à l’histoire des idées humaines » (Daily Telegraph). Traduit en Italien, Waste a remporté plusieurs prix internationaux, mais n’a toujours pas été publié en France. Tristram Stuart est devenu en Angleterre un véritable leader d’opinion en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Il mène une campagne très active contre ce fléau, en organisant les « Feeding the 5 000″.
Source: Terre Nouvelle (http://goo.gl/AGLgU)

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