lundi 13 mai 2013

Interview Smart Expert | Pourquoi les enseignes ont besoin (et raison) de rechercher LEUR modèle cross-canal, par Rémy Claudon (1/3)


Rémi Claudon, actuellement consultant (Keyrus Management), est spécialiste de l’innovation et des réseaux de distribution. Il accompagne depuis une décennie des entreprises issues de multiples secteurs : télécoms et médias, grandes distribution, services financiers. Il est par ailleurs l’auteur (ou co-auteur) de plusieurs publications, dont un livre blanc intitulé «  La révolution digitale des points de vente ».
Expert reconnu de l’innovation et du digital, nous l’avons sollicité pour comprendre en quoi est complexe la mise en place opérationnelle d’une stratégie cross-canale, mais surtout pourquoi lesenseignes ont raison de rechercher leur propre modèle
Ginger : On a beaucoup parlé, ici ou ailleurs, de prise de conscience, de nécessité pour la mise en place d’une stratégie cross-canal chez les enseignes, mais quelle est vraiment leur maturité face au cross-canal ?
Rémi Claudon : Leur maturité est élevée dans l’analyse et plus faible dans la pratique… La pertinence des stratégies cross-canal est désormais reconnue par tous, et toutes les enseignesenvisagent le crosscanal comme le modèle pertinent de commerce.
La réalité est toutefois encore bien différente : la cohérence entre les canaux reste souvent insatisfaisante, et leur articulation à parfaire. Bref, si « le modèle crosscanal » est  défini théoriquement, il n’est pas encore effectivement déployé et stabilisé. La plupart des enseignesrestent encore dans un modèle de « coexistence » entre les canaux.
Cette difficulté à mettre en œuvre la stratégie crosscanal n’est pas uniquement liée aux contraintes existantes dans les entreprises (Systèmes d’Information, freins culturels internes, montant des investissements…), mais à la nécessité pour chaque secteur et chaque enseigne « d’inventer »sa stratégie crosscanale.
Ce que nous ont appris les dernières années, c’est bien que chaque secteur, voire chaque enseigne, devait imaginer son architecture crosscanal, et qu’il n’existait pas de modèle unique, par exemple :
  • le drive pour l’alimentaire,
  • le ROPO (Research on line / Purchase off line) pour l’automobile ou le crédit immobilier, etc.
La définition d’un modèle fin et pérenne est longue, passe par des logiques de « test and learn », et tient forcément compte des spécificités de l’enseigne et de son positionnement.
On est donc encore au milieu du chemin sur la mise en œuvre des stratégies crosscanal, d’autant que chaque année ou presque complexifie le paysage : développement du mobile et des tablettes, émergence des réseaux sociaux.
Les stratégies multicanal doivent donc être réactives et agiles, intégrer le long terme et le courtterme ensemble, ce qui n’est pas toujours simple…

Ginger : Quels sont, selon vous, les aspects sur lesquels les enseignes ont le plus besoin d’être accompagnées pour faire face à cette complexité ?
Rémi Claudon : Le crosscanal est aujourd’hui caractérisé par 4 phénomènes, partiellement contradictoires, dessinant les sujets sur lesquels les enseignes ont besoin d’être accompagnées :
  1. La difficulté de passer de la stratégie « générale » à la stratégie « appliquée ». Au-delà des principes, comment les traduire sous forme d’objectifs atteignables, les transformer en thèmes opérationnels, et les décliner pour chaque partie prenante de l’entreprise ? Ce passage du général à la « feuille de route » est souvent un point dur, sur lequel les enseignes ont besoin d’accompagnement. Les intervenants sont alors, par exemple, les cabinets de conseil.
  2. La nécessité de construire des modèles crosscanal robustes, pérennes, et ouverts. Le choix des solutions technologiques et leur déploiement est à cet égard déterminant (on choisit une solution pour 3 à 5 ans en moyenne), et les enseignes ne sont pas forcément armées pour les mettre en œuvre. Le recours à des partenaires prestataires (SSII…), en capacité de mettre en œuvre ces solutions, est donc incontournable.
  3. La vitesse des évolutions et leur caractère incertain. Quel sera le poids du mobile dans 1 an / 3 ans / 5 ans ? Quid des tablettes « in store » et chez les consommateurs ? Quels usages seront plébiscités par les consommateurs ? Très difficile à prévoir, d’où la nécessité de déployer des approches « test and learn », agiles et souples, à côté des approches industrielles sur des sujets plus matures. Les entreprises n’étant pas forcément outillées pour de telles approches, un accompagnement sur ces approches est clé, et constitue souvent la solution.
  4. L’obligation de délivrer des résultats. L’ère est au ROI rapide, avec des « best in class » qui montrent la voie et que toutes les enseignes prennent pour modèle. Tout ce qui aidera les entreprises à atteindre ces résultats justifie un accompagnement. Les prestataires positionnés sur la génération de trafic, la webanalyse, ou l’optimisation des parcours clients ont donc toute leur place dans l’écosystème crosscanal des entreprises.
Nous n’en sommes donc qu’au début de l’histoire : les usages et les passerelles avec les magasins sont à inventer. Ce ne sera probablement pas du commerce en tant que tel, mais des usages qui favoriseront le commerce, dans des modèles hybrides et… crosscanal. »

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