mercredi 22 mai 2013

Moins de steaks, plus d’insectes dans nos assiettes !


« Mangez des insectes », c’est le programme lancé lundi par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Les insectes sont nutritifs et ont un faible impact environnemental. Alors, prêts à délaisser l’entrecôte pour une salade de criquets ?
Devant un apéritif peu banal, la réserve est de mise, au départ. Et puis on se prend au jeu, on relève le défi. Hop le petit grillon et le ver couleur caramel ! PHOTO P. DELECROIX
La problématique tient en un chiffre : nous serons neuf milliards d’individus d’ici 2030. Et autant de bouches à nourrir. Sans compter veaux, vaches, cochons, poissons, chiens et chats…
Sachant que notre planète n’affiche déjà pas une mine resplendissante, polluée aux gaz à effets de serre et autres maux, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a engagé, lundi, un nouveau programme : « Mangez des insectes », pour encourager l’élevage, à grande échelle, de vers, sauterelles, fourmis et consorts.
Mais si l’insecte a table ouverte en Asie, Afrique ou Amérique latine – quelque deux milliards d’individus en consomment régulièrement – il y a fort à faire pour nous convaincre, nous, Européens. Pourtant, l’insecte ne manque pas d’atouts.
1. L’insecte est bon pour la santé. 
« Ils sont une source riche en protéines et minéraux », plaide la FAO. Riches en acides gras, comme le poisson. En fibres et oligoéléments (cuivre, fer, manganèse…). « Cent grammes de larves de ténébrion couvre 100 % de nos besoins journaliers en fer et magnésium », explique Cédric Auriol, de Micronutris (lire ci-dessous). L’insecte est maigre : un avantage pour lutter contre l’obésité. Enfin, il présente un faible risque de transmission de maladies à l’homme, au contraire de la grippe aviaire ou l’ESB (la vache folle).
2. L’insecte est bon pour l’environnement.
Il y en a en abondance dans la nature, en prélever ne pose donc pas de problèmes à dame Nature. Comme c’est un animal à sang froid, l’insecte a besoin de moins d’aliments pour se nourrir et grandir : 2 kg de nourriture pour produire 1 kg d’insectes contre 8 kg pour 1 kg de viande. Or l’insecte peut se nourrir de nos déchets alimentaires ! Enfin, il dégage également moins de gaz à effet de serre, de 10 à 100 fois moins que les cochons. Et consomme beaucoup moins d’eau.
3. L’insecte est bon pour nos économies. 
Si l’insecte reste encore cher à produire industriellement, à terme, il devrait coûter moins cher que la viande : un bon point sur le ticket de caisse. Et une nouvelle filière, ce sont des débouchés économiques et des emplois. Déjà, des entreprises investissent le marché. Micronutris en est un exemple. Mais d’autres travaillent sur la production de farines d’insectes pour nourrir nos animaux domestiques, notamment. Des chefs étoilés tentent également l’aventure. Nous, nous avons testé l’apéro vers-grillons. S. LEROY

« C’est comme les sushis dans les années 80 »

Il a l’accent chantant du Sud-Ouest, Cédric Auriol, natif de Toulouse et fondateur de Micronutris, société de production d’insectes « pour l’alimentation humaine ». Et les grillons du Sud, il s’agit pour lui de les faire chanter… sur nos papilles. Sachets de vers de farine déshydratés mais aussi chocolats, macarons multicolores, à base de poudre d’insecte et ornés de leur original grillon domestique... Avec l’arrivée de fonds européens débloqués pour la recherche sur l’élevage des insectes en 2011, l’entrepreneur hume la tendance et se lance, une première en Europe.
Mais, au-delà des parts de marché à conquérir, Cédric Auriol inscrit sa petite entreprise dans une perspective de développement durable. « J’avais envie de me lancer dans un produit qui répond à des enjeux sociaux et environnementaux, j’avais lu les rapports de la FAO en 2008, l’idée est partie de là. Ce sont des produits très intéressants sur le plan énergétique, un grillon c’est 65 % de protéine. Ils ont aussi un bon ratio d’acides gras saturés et insaturés : les fameux Oméga 3 et 6. Et leur production a un faible impact environnemental. »
Surtout dans le Nord
Après un an et demi de recherche avec un ingénieur agronome et un docteur en biologie spécialisé en élevage d’insectes, les process de production sont prêts et conformes à la réglementation sur la production animale. Ses petites bêtes, nourries de farines, fruits et légumes bio, arrivent à maturité en huit à douze semaines.
En plus des insectes déshydratés entiers, Micronutris proposera dans un deuxième temps des produits prêts à la consommation, ciblant le grand public. « Face à l’insecte entier on peut être désemparé : comment le manger, le cuisiner ? Nous sommes aujourd’hui dans une phase de développement d’une poudre d’insecte pour créer une barre de céréales. C’est dur de modifier les habitudes, donc on adapte. »
Pour le moment Micronutris produit quelques kilos d’insectes par mois mais prévoit 15 tonnes sur 2013. Côté clients, il vend en Belgique, en France, surtout dans le Nord.
Le trentenaire sait qu’il s’engage sur une voie à long terme: « C’est comme les sushis dans les années 80, il faudra quelques années pour installer durablement les produits. »
Cédric Auriol estime que les grillons sont un excellent substitut aux lardons, les vers aux amandes filées dans les desserts, avec leur petit goût de noisette. « A l’apéro avec quelques épices, ça crée le débat et la discussion. » Forcément, autour d’un ver ! LUCILE ICHI
>>> www.micronutris.com

« Une réticence qui s’explique mal »

Questions à Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de «Les insectes nourrissent-ils la planète ?» aux éditions du Rouergue.
Devant un plat de larves ou de criquet, beaucoup d’entre nous font la grimace... Comment expliquer cette répulsion ?
« En Occident, manger des insectes inspire une réticence dont on connaît mal l’origine. C’est d’autant plus étrange que nous acceptons de manger des animaux qui leur ressemblent beaucoup. Une crevette et un criquet, d’un point de vue zoologique et morpholgique, ne sont pas très éloignés. Ils ont une carapace, des pattes, des antennes... Mais si l’entomophagie a toujours existé chez nous, ça n’a jamais été une pratique courante. Sans doute parce que les insectes ne sont pas facilement disponibles en grande quantité dans le milieu naturel, contrairement à d’autres contrées. Forcément, quand vous avez une termitière en plein essaimage, il y a des montagnes de termites à disposition. D’ailleurs quand il est arrivé que la population d’insectes augmente en France, en cas d’infestations de criquets par exemple, des naturalistes ont conseillé de les manger. De la même façon, dans les élevages de vers à soie dans le sud de la France, jusqu’au milieu du XXe siècle les ouvriers ont mangé les vers après l’utilisation du cocon. Des pratiques qui sont toujours restés cachées, à cause de cette répulsion qui vraiment a du mal à s’expliquer... »

Mais il va bien falloir s’y faire, si l’ on en croit la FAO ?
« Il est certain que les sources de protéines vont manquer dans un futur très proche, et de ce point de vue les insectes ne présentent que des avantages. Une première utilisation d’ailleurs, indirecte, serait de faire manger des farines d’insectes à nos animaux d’élevage, plutôt que de les nourrir de farines animales, qui posent des problèmes sanitaires et écologiques.
Concernant les humains, manger des insectes, ça ne veut pas forcément dire grignoter un criquet ou des fourmis. Ça peut être plus masqué que ça, dans un produit tranformé où l’animal ne se voit pas. Un steak à base de vers de farine par exemple, sur le principe des steaks de soja, serait sans doute plus acceptable pour beaucoup de gens. Dans ce sens, c’est bien que des chefs commencent à travailler les insectes, pour montrer que leur consommation est possible. Les traditions culinaires sont bien ancrées, mais les mentalités peuvent changer. »
Source: La Voix du Nord (http://goo.gl/Bf1Kz)

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