Hypermarché
On nous manipule
Ils ont les moyens de nous faire acheter
Par sandrine Massé (L'Echo des savanes)
- Dessin de Rémi Malingrëy
Les grosses courses du samedi en grandes surfaces, on le sait, c'est l'enfer.Au départ, on y va pour dépenser le minimum vital. Mais, arrivé à la caisse, on se retrouve comme sur des roulettes avec un chariot bourré de superflu. Scandale ? Non, techniques de manipulation. Voici tous les petits trucs qui nous poussent à la conso sans qu'on le remarque forcément...
Existe-t-il réellement des techniques de manipulation dans les hypermarchés ?Est-on aussi libres dans nos achats que le prétendent les grands distributeurs ?Dans les faits, rien ne vous empêche d'acheter votre camembert en promo et de repartir sans rien d'autre. Mais, observez l'état de votre chariot à la fin des courses et comparez avec ce que vous étiez venu chercher...
Tout le monde est victime de ces petites manipulations plus ou moins voyantes, plus ou moins subversives. S'il ne les perçoit pas consciemment, le consommateur y est pourtant sensible. A l'insu de son plein gré. En moyenne, un individu lambda met environ cinquante minutes pour faire ses courses en hypermarché*. Et plutôt le samedi qu'en semaine. Dès qu'il pénètre en grande surface, le client change de comportement. Il progresse en groupe et s'inscrit ainsi dans une réflexion collective, au cœur d'un parcours quasi fléché.
Mais avant de mettre la main sur son pack de bière ou son dentifrice, c'est le parcours du combattant. Embarqué malgré lui dans des rayons où il n'a à priori rien à faire, il lutte, résiste, ou craque !
Une présentation originale du produit, des couleurs attrayantes, un personnel très actif... Tout est organisé autour de la surconsommation. Certaines techniques sont tout à fait évidentes, d'autres le sont moins. Méfiez- vous de votre hyper-marché...
* Source Credoc
Décodage des secrets des hypermarchés
Psychothérapeute, spécialiste en méta-communication, Jacques-Robert Doually* nous dit tout sur ce qu'on nous cache...
Les articles les plus chers sont à droite de l'entrée
Lorsqu'un client pénètre dans une grande surface, il a toujours tendance à tourner à droite. Généralement, il suit ensuite les murs pendant un bon tiers du parcours. Pourquoi ? Parce que, l'être humain étant majoritairement droitier, il est conditionné et a tendance à se diriger d'abord vers la droite, où qu'il aille.
Les grandes surfaces disposent donc à droite tous les produits chers, qui vont être vus en début de courses (spiritueux, électro-ménager...) Le chariot est vide, on commence les courses et l'on se laisse plus facilement tenter par les premiers produits. Au bout d'un certain seuil de produits mis dans le chariot, la ménagère a tendance à avoir un réflexe de défense vis-à-vis de la dépense. Si les produits chers sont en début de parcours, le réflexe n'est pas encore enclenché et les dépenses se font sans réfléchir. Passé la moitié du parcours dans le magasin, la sélection est plus rigoureuse.
Les produits indispensables sont au fond du magasin
Les hypermarchés savent que les clients n'hésiteront pas à traverser tout le magasin - d'où plus de tentations —pour acheter de l'eau du lait ou du Coca-Cola, par exemple. En effet, quoi qu'il arrive, réflexe de défense enclenché ou non, vous les achèterez...
Les sols sont en légère montée en-arrivant près des caisses
Ce n'est pas visible à l'œil nu, mais il suffit de quelques centimètres d'inclinaison sur une longueur de 3 mètres environ avant les caisses. Lorsque le client passe en caisse, son chariot est légèrement ralenti. Il aura le temps d'apercevoir davantage de produits juste avant de payer. Sera-t-il tenté par un ultime produit ? C'est ce que les gérants espèrent.
Pas de charlot malin
0ubliés, les chariots intelligents qui calculent le montant de vos achats.Pourtant, l'invention était séduisante: chaque fois que vous mettez un produit dans votre chariot, il est comptabilisé grâce au code barre et à une cellule photo-électrique.
Mais cette découverte a été très vite abandonnée. Car, avec ce système, le client est trop informé sur le prix total de ses courses et risque de mieux gérer ses finances et de ne plus faire de folie. Avez-vous remarqué que l'on est souvent très étonné à la caisse lorsque le total des courses apparaît ?
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Un éclairage différent pour chaque rayon
Le type de lumière dépend de ce que l'on veut vendre. Au rayon boucherie, on vend généralement de la vache laitière qui a donné du lait durant huit ans.Cette viande, plus très jeune, s'écoule en principe en supermarché. Les gras deviennent très jaunes alors que, pour un bon boeuf, le gras est très blanc. Les super ont alors recours à des lumières bleutées avec des ultra-violets capables de blanchir les gras. Et pour que la viande ait l'air belle et brillante, on tend un film plastique par-dessus.
Aux rayons yaourts et surgelés, on force sur le jaune, histoire de compenser l'effet du froid sur le client. Les bacs à surgelés sont, ouverts et doivent respecter les températures de conservation (-18°). La couleur jaune étant celle du soleil, cela influe sur son moral. Même si elle ne réchauffe pas, inconsciemment, le consommateur ressentira moins le froid et prendra temps de tripatouiller les surgelés.
La musique rythme votre parcours
C'est un fond musical plus que de la musique. Ça comble le vide et atténue l'effet de résonance lorsqu'il y a peu de monde dans le magasin: le client n'aime pas la foule, mais déteste aussi se retrouver seul. Cela peut l'angoisser et il n'aura qu'une envie: n'acheter que le nécessaire pour quitter ce lieu trop grand. En principe, les grandes surfaces utilisent de la musique d'ascenceur, que l'on peut entendre sans l'écouter, parce qu'il n'y a pas de paroles – «afin de ne pas déconcentrer le client dans ses achats. C'est aussi mièvre que du Vangelis ou du Clayderman, c'est très bien dans un magasin.
Les odeurs de certains produits frais sont amplifiées
Les supermarchés pulvérisent du parfum synthétique – pêche, orange, abricot – sur un tas de légumes, fruits et viennoiseries. Une giclée arrive toutes les 15 secondes du faux plafond. Quand la ménagère arrive, elle se dit: "Ça sent bon le melon"... Et on lui vend de la courge !
Des "points chauds" sont très étudiés
On observe souvent qu'un individu n'a pas les mêmes réactions selon qu'il est seul ou en groupe. Entouré de ses congénères, il a tendance à reproduire les mêmes actes qu'eux. D'où la mise en place, dans les supermarchés, de "points chauds": des endroits où l'on circule plus difficilement, ce qui provoque un agglutinement, qui attire encore plus de monde. Les clients, curieux, viennent voir ce qui se passe. Ils sont ralentis, voient alors plus de produits... et achètent. S'il y en a un qui prend un produit exposé en grande quantité, l'autre client fait pareil. "Tiens, le gros tas de melons... Il y en a forcément un pour moi !"
Les produits les plus lucratifs sont à portée de main
Ce qui est à portée d'œil et de main se vend bien. Ce ne sont pas forcément les produits qui se vendent le plus mais ceux sur lesquels le magasin réalise une forte marge. Ils sont placés à hauteur desyeux de 1,40m à 1,80m à peu près. Les produits pas chers ou de faible marge sont en bas.
Les points d'eau sont devant un produit stratégique
Encore une fois, ces points d'eau sont là pour vous ralentir. En outre, pouvoir consommer sur place une boisson gratuite, ça diminue le risque de vol de boissons. Quand un client a soif, il ne débouche pas une boisson gazeuse mais prend son gobelet et boit son eau. Pendant sa halte, il aperçoit les produits environnants et peut se laisser tenter par une bricole ! Pour les cabines téléphoniques et les petits bancs, c'est la même chose. Le client doit passer un maximum de temps dans l'hyper pour être le plus tenté possible.
*Jacques-Robert Dounily vient de publier Les Situations de vente délicates (Editions d'Organisation).
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