lundi 15 octobre 2012

La France veut devenir championne de la bioraffinerie


REPORTAGE - L’Hexagone espère devenir l’un des leaders européens de ce nouveau secteur basé sur la transformation de végétaux en matières premières utilisables dans l’industrie à la place des dérivés du pétrole.
Avec un ciel gris comme fond, l’immense complexe agro-industriel de Pomacle-Bazancourt, à 15 kilomètres de Reims, ressemble à n’importe quel site industriel. Froid, austère, avec ses cheminées qui crachent de la vapeur d’eau à longueur de journée. Les bâtiments contrastent avec le paysage alentour, constitué de champs de blé, de betteraves, de colza et de luzernes. La présence de ce site fait pourtant la fierté de la région et de ses habitants. Il s’agit en effet de l’un des complexes de bioraffinerie les plus aboutis en France.
Sur place, scientifiques, ingénieurs et ouvriers travaillent ensemble sur la transformation de biomasse végétale (maïs, pomme de terre, blé, tournesol, betterave, bois et déchets agricoles) en énergie et en produits chimiques. Les molécules produites à partir de ces produits sont analogues à celles issues de la chimie du pétrole. Leurs débouchés: les cosmétiques, l’automobile, le textile ou l’agroalimentaire.
Pomacle-Bazancourt est l’un des sites les plus intégrés dans ce domaine puisqu’il regroupe, sur 160 hectares, un pôle de recherche, des écoles, et des usines de production tels qu’une sucrerie, une amidonnerie, une usine de production de biocarburant de première génération, une unité de production d’actifs cosmétiques et un pilote d’éthanol de deuxième génération. Le site se veut exemplaire sur le plan environnemental: la biomasse vient des agriculteurs locaux ce qui évite son transport à grande échelle (contrairement aux bioraffineries installées a côté d’un port qui font venir la matière première par bateau du monde entier) et l’eau est par exemple recyclée puis réutilisée sur les différents sites de production.

«Emplois et valeur ajoutée sur le territoire»

La France compte une dizaine une bioraffineries, ce qui la place en bonne position à l’échelle européenne où 34 sites sont recensés. Mais c’est ce type de structure intégrée, basée sur un partenariat public-privé, que l’Etat souhaite développer à travers le pays, avec l’appui du pôle de compétitivité IAR qui regroupe 200 acteurs du secteur. L’enjeu est de taille puisque le marché de la bioeconomie en Europe est estimé à 2000 milliards d’euros d’ici 2020 selon la Commission européenne, porté par la raréfaction des énergies fossiles et les nouvelles normes environnementales. Forte de sa puissance agricole, «la France a une place de leader à conquérir en Europe, voire dans le monde», avance le pôle IAR.
Les gouvernements successifs l’ont bien compris. Depuis 2006, l’Etat a investi 130 millions d’euros à Pomacle. «C’est un projet vertueux, avec une intégration très forte entre recherche et industrie. Cela apporte emplois et valeur ajoutée sur le territoire», explique Michel Guillot, préfet de la région Champagne Ardenne. En Picardie, le projet «Pivert», qui a pour but de créer une bioraffinerie intégrée axée sur la transformation de biomasse oléagineuse, a décroché un co-financement de 65 millions d’euros sur les 219 millions d’euros que coûtera sa mise en place sur 10 ans. «L’appui de l’Etat est notre levier pour attirer les financements privés», explique Daniel Thomas, vice-président du pôle IAR. L’Europe soutient l’Hexagone dans ses efforts. Dans le cadre de son septième programme pour la recherche et le développement économique (2007-2013), la Commission a soutenu deux projets français (Eurobioref et Biocor) de 60 millions d’euros.
La redynamisation des territoires est aussi un argument fort. Sur le site de Pomacle, plus de 1000 postes directs ont été créés, «sans compter toutes les retombées indirectes», se réjouit Jean-Paul Bachy, président de la région Champagne Ardenne, la seule en France à perdre des habitants. «Nous allons étendre le pôle au tissus de PME. C’est un processus émergent qui va s’amplifier», promet ce dernier.

Le débat fermentation contre alimentation
La montée en puissance de la bioraffinerie n’enthousiasme pas tout le monde. Plusieurs associations ont déjà fait part de leur inquiétude concernant l’usage de produits agricoles pour l’industrie. Ils y voient une menace pour la satisfaction des besoins alimentaires mondiaux qui vont croissant. Réunis à Chantilly il y a un an, plusieurs experts se sont accordés à dire que le défi alimentaire était l’un des enjeux les plus importants pour le secteur. Leur proposition: «multiplier par deux la production agricole mondiale en utilisant la surface utile aujoud’hui et en augmentant la productivité unitaire». Cela nécessite, selon eux, «des prix suffisamment hauts mais stables pour favoriser les investissements en agriculture, surtout dans les pays du Sud». «Opposer alimentaire et non alimentaire est un débat dépassé. On peut avoir une relation harmonieuse entre les deux», assure Daniel Thomas, prenant l’exemple de la production de biodiesel à partir de colza qui a permis d’obtenir assez de tourteaux (protéines utilisées pour l’alimentation animale) pour réduire de 30% la dépendance de la France à ce produit. «L’agriculteur doit fournir les bien alimentaires en premiers, mais on peut être dans un système gagnant-gagnant», confirme Arnaud Petit, du Copa-Cogeca (syndicats et coopératives agricoles de l’UE).
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Source: Figaro (http://goo.gl/eMNSX)

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